Théâtre Sachs en scène par Louise Kelso-Bartlebooth et Violette Moriarty Article du 14 janvier 2004
En 2004, à Arlon (Belgique), la compagnie théâtrale "Les Voyageurs" a mis en scène La Maladie de Sachs. Je n’ai pas eu la possibilité de m’y rendre, mais Louise Kelso-Bartlebooth et Violette Moriarty, nos correspondantes dans le nord de la France, a fait le voyage. Voici leur compte-rendu.
La Maladie de Sachs en livre, tout le monde connaît.
La Maladie de Sachs en film [de Michel Deville], beaucoup de gens connaissent. Mais la Maladie de Sachs sur scène, vous connaissez ? Moi, jusqu’à samedi dernier, je ne connaissais pas.
Doublement soutenue par les Départements de la Culture et des Affaires Sociales, cette
adaptation visait, selon les agents du département de la santé de la
province d’Arlon qui les premiers en ont eu l’idée, à "donner une dimension populaire à la notion de prévention en matière de santé publique".
Mais revenons un instant sur le roman dont est tirée la pièce. Pour ceux qui n’ont pas lu le livre, (fichez moi le camp chez le libraire le plus proche ! Euh, pardon...) je vous résume l’histoire en deux mots :
C’est l’histoire de Bruno. Bruno, il est médecin.
Dans son cas à lui, être médecin, ça veut dire qu’il a une vraie volonté de soulager ses semblables de leurs petites ou grandes misères quotidiennes. Et c’est suffisamment atypique pour qu’on le souligne.
Il n’a pas l’air vraiment malheureux, comme ça, Bruno, mais il n’a pas l’air vraiment heureux non plus. Les gens ne savent pas.
Alors ils lui racontent leurs misères.
Et ils en ont beaucoup, des misères, les gens. Surtout Madame Renard.
Et puis Bruno rencontre Pauline. Pauline, elle a des misères aussi, mais ça va. D’ailleurs, ça va encore mieux quand elle rencontre Bruno.
A la fin du bouquin, ils vont tous les deux mieux. Ils ont même l’air heureux, des fois. Et puis bientôt ils seront quatre.
De Bruno et Pauline, il ne sera (hélàs ?) pas question dans la pièce. L’important ici, ce n’est
pas la relation amoureuse, mais la relation de soin qui s’établit entre le médecin et ses patients.
Dès le début de la pièce, Bruno Sachs évolue en retrait, laissant la parole aux autres, aux
malades de Play et de plus loin, venus partager leur expérience médicale dans le blanc immaculé de la salle d’attente. Et parler de lui. De ses talents (il replace une machoîre comme personne), de sa patience (lui, au moins, il sait prendre le temps de laisser un escarre se refermer), de ses limites (deux heures pour venir signer un certificat de décès, "Ben, faut pas vous presser ! On peut mourir, c’est plus une urgence !")...
Lui, dans l’ombre, distille ça et là les définitions ciselées du Petit Afflictionnaire Médical, faisant immanquablement réagir la salle, de l’acquiescement au rire, puis aux applaudissements : "Motif de Consultation : prétexte élégamment fourni par le patient pour permettre au médecin de se prostituer sans devoir racoler"...
Et puis le rythme change : les acteurs s’animent, se font plus pressants autour de Sachs ("c’est pour ma mère / mon père / ma fille / mon grand-père / le petit qui mange pas / le vieux qui mange plus / et ma prothrombine, faudrait pas l’oublier ? "). Et brusquement, tout le monde entonne "j’ai la rate, qui s’dilate, j’ai le foie, qu’est pas droit..." en rythme et chorégraphie à l’appui.
Toute la fin du spectacle jongle entre l’émotion brute, palpable (Sachs dans un long monologue, le seul de la pièce, racontant sa nuit de garde dans le service des grands prématurés), et le joyeux délire (l’Hymne des Industries Pharmaceutiques, entonné par tous les comédiens, tandis que Sachs envoie par poignées dans les airs les dix kilos de prospectus médicaux que le facteur vient de déposer à grand-peine sur son bureau...).
On sort de cette pièce en souriant, riche d’un nouveau regard sur le monde médical, le coeur encore joyeux et l’esprit en fusion. Prêt à aborder les choses autrement.
Louise K-B, Violette M
Pour celles et ceux qui aimeraient faire venir le spectacle ou organiser des animations plus courtes (construites à partir de scènes du spectacle), contacter le centre dramatique d’Arlon (Belgique).