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Martin Winckler
Les Cahiers Marcoeur - Un roman complet inédit en 54 épisodes
préparé par Louise Kelso-Bartlebooth
Article du 29 avril 2010
Qu’est-ce que Les Cahiers Marcoeur ?
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PROLOGUE
C’est une maison isolée, posée au bord de la route - une départementale d’aspect assez anodin en dehors de ce segment-ci : une longue ligne droite, inhabituelle dans ce pays de bocage. La ligne droite succède à une descente plutôt raide. La plupart des automobilistes, se croyant sur un anneau de vitesse, passent devant la maison sans même la remarquer. C’est une maison banale ; certes, elle a deux étages, quand les habitations sont le plus souvent de plain-pied, dans cette province, mais elle n’offre qu’une façade blanche trouée de grandes fenêtres, comme une maison de poupée qui aurait trop grandi.
Le temps est beau et clair. Presque doux, en ce matin d’hiver.
Vous, vous êtes debout devant la grille.
Il est difficile d’expliquer ce que vous faites ici. Peut-être avez-vous l’habitude de passer, peut-être pas. En tout cas, vos pas vous ont conduit - conduite - le long de cette route et, à présent, vous regardez la maison.
Il n’est guère plus facile de définir ce qui, dans cette construction sans grande particularité, peut avoir attiré votre attention. Mais ne restez donc pas planté(e) là ainsi ! Approchez-vous...
La grille est ouverte. Avancez vers la maison. N’ayez pas peur, s’il y avait un chien, vous l’auriez déjà entendu. Oui, il y a du gravillon par terre et vos souliers le font crisser, mais personne d’autre que vous ne l’entend.
De ce côté-ci, vous voyez deux grandes fenêtres au rez-de-chaussée. L’une donne sur la cour gravillonnée, l’autre sur la route. Elles s’ouvrent toutes deux sur la même pièce, une vaste cuisine rectangulaire. Elles n’ont pas de rideau. A cette heure-ci - presque dix heures -, bien qu’on soit en hiver, la lumière est bonne, tout est parfaitement visible à l’intérieur. Tout à fait à droite, par la porte ouverte de la cuisine, vous apercevez les premières marches d’un escalier. A gauche de cette porte, contre le mur, se dresse un frigo âgé, énorme, agité périodiquement de borborygmes et de gargouillis divers, au sommet duquel un poste de radio, flanqué d’une minuscule lueur rouge, diffuse un filet de musique et de voix en vibrant à chaque frémissement du mastodonte.
Plus loin, du même côté, vous découvrez un évier. L’eau coule du robinet. Sur une page de journal gisent les épluchures et les pieds sableux des champignons qui trempent sous le filet d’eau, dans une bassine en matière plastique rose. Sur le mur, juste au-dessus, un égouttoir suspendu dans lequel reposent quelques cuillères, un porte-filtre en plastique brun et un mazagran gris. Un peu plus loin, contre le mur d’en face, la cuisinière. Le feu est allumé sous une casserole. L’eau est en train de bouillir : la vapeur fait tressauter le couvercle.
Au bout de la paillasse carrelée, près de la cuisinière, gît un grand sac en cellophane à moitié plein de tagliatelles. L’autre moitié des pâtes cuit dans la casserole mais, comme on a oublié de baisser le feu et d’enlever le couvercle, il est probable que tout cela va bientôt déborder. A gauche de la cuisinière, une porte close. Il doit s’agir d’un réduit, ou d’un cagibi. Sur le mur près de la porte, le papier semble très ancien, et se décolle par endroits. Dans l’angle, près de la fenêtre donnant sur la route, se dresse un de ces meubles bon marché (bois blanc et crochets métalliques) vendus en kit aux célibataires et aux couples désargentés.
Le milieu de la pièce est occupé par une table recouverte de formica blanc. A la table, un homme est assis. Vous le voyez de profil.
Devant lui reposent une montre, un étui de cuir oblong et quelques petits objets rectangulaires qui, de l’endroit où vous vous tenez, ressemblent à des pochettes d’allumettes. A sa droite repose un épais dossier tendu de toile verte ; à sa gauche, une demi-douzaine de chemises cartonnées de différentes couleurs, gonflées de feuilles. Une autre chemise, violette semble-t-il, est ouverte devant lui. L’homme se frotte la tempe du bout des doigts de la main gauche.
Sa main droite repose au bas de la première feuille, à quelques centimètres d’un stylo ouvert. Au bord de la table, de ce côté-ci, vous apercevez un fascicule de petit format. La couverture porte les mots « Le Royal - Février » ainsi qu’une illustration - une main rouge formant le V de la victoire, dans laquelle s’inscrit une silhouette casquée. En revanche, vous distinguez à grand-peine la tranche du fort volume blanc posé un peu plus loin. Vous croyez y lire le mot Journal, mais ce n’est pas certain. Vous posez votre bagage contre le mur, vous appuyez votre front contre la vitre et vous mettez les mains en oeillères, de chaque côté, pour mieux voir.
Cette méthode a ses limites. Si vous voulez vraiment en savoir plus, il ne faut pas en rester là.
Entrez. Non, ne prenez pas la porte. Traversez ! Oui, le mur, la fenêtre. Avancez ! N’ayez pas peur, ça ne fait pas mal. Allez-y, vous allez voir, c’est facile...
Là ! Vous y êtes. Approchez-vous de l’homme et asseyez-vous. C’est ça, prenez place avec lui. Si ! si ! vous pouvez... Ça ne fait pas mal non plus. Asseyez-vous ! Voyez, il ne sent rien, pour vous c’est comme s’il n’était pas ici ; pour lui, c’est comme si vous n’étiez pas là. Vous pourrez à tout moment fermer les yeux et rompre le charme, mais j’imagine que si vous avez choisi d’entrer, c’est pour jouer le jeu !
Bien, alors à présent, placez vous comme lui : un coude sur la table, le poing gauche replié sous votre menton, deux doigts de l’autre main posés sur la première page. Vous y êtes, écoutez : les vibrations du couvercle sur la casserole, les murmures du poste de radio, le tremblement des vitres au passage des voitures. Reconnaissez-vous l’odeur du café refroidi ? Sentez-vous la chaise, l’air frais sur les pieds nus à demi sortis des mocassins troués, le drôle de goût dans la bouche, la pression du coude sur le formica ?
Malgré quelques traces vagues sur les verres de lunettes, vous voyez parfaitement ce qui se trouve devant vous ; l’objet gainé de cuir est un petit enregistreur de poche, les « pochettes d’allumettes », des micro-cassettes. A présent vous savez l’heure, 9 : 53. Vous faites glisser la feuille sous vos doigts. En faisant un tout petit effort d’accommodation, vous allez aussi pouvoir lire. Ah ! Et ce battement sourd sur votre tempe ? A gauche, comme d’habitude, mais supportable. Vous vous demandez s’il va s’intensifier. Vous vous dites vaguement qu’il vaudrait mieux vous lever pour prendre quelque chose, mais finalement, vous ne bougez pas.
Ça passera sûrement en lisant.
PRIERE D’INSERER, 1
"La création littéraire enfin révélée dans ses moindres détails. Un livre de prix, unique, inédit et qui ne ressemble à rien." (Bernard Salsifi-Lapome, L’Idée)
"Un passionnant et pointilleux panorama de la physio-pathologie humaine (pour le sexe masculin ; le sexe féminin est en préparation). De nombreux motifs de consultation y sont décrits par le menu. Un livre indispensable pour les étudiants et médecins praticiens, qui devraient tous l’avoir sur leur table de chevet, entre le téléphone et la trousse d’urgence." (Gilles Naurylas, La Rigueur Médicale)
"Un bon gros bouquin bien baveux." (Ariane Koenig, Les Nouvelles Culinaires)
"Pilpatant !" (Marc-Gérard Delaplaine, Lettres Bimensuel)
Flaubert, Stendhal, Balzac, Proust et Joyce (pour la "Qwerty touch") à la puissance 100 Megas. Le livre de rôle culte des trente prochaines décades : au-delà, il s’autodétruira. A lire absolument avant de se planter ! (Ivan Virgotech, L’OrdinAuteur)
Un écrivain nous emmène au ciel ! (Germaine de La Motte, Scandale-Stars)
Brilliantly bold, boldly brilliant and thoroughly "littéraire"... (James Langseth, The Minneapolis Review of Contemporary Novels)
Satisfaits ou remboursés ! (Léon Bettex, Le Bulletin de la C.N.A.M)
C’est mon Papa qui l’a fait ! (Pierre Z., La gazette de la Grande Section)
Les Cahiers Raphaël Marcoeur aux Editions du Saule :
I - Cookie (Le Cahier noir), suivi des Nouvelles de Jeunesse. Présentation et notes de Pascal Torricelli. (en préparation)
II - Living Space (Le Cahier mauve), suivi de Lettres à La&titia (extraits). Présentation et notes de Laetitia Desormes. (en préparation)
III - L’anti-Torricelli (Le Cahier rouge et noir), suivi de Cinq lettres découpées/remontées de P.T. et de Notebooks (Pages et lettres du voyage au Middle-West). Présentation et notes de Ramón Baretto. (en préparation)
IV - Droit dans la veine (Les Cahiers Magnifiques - 1, 2 et 4). Présentation de Peter L. Yuth. (en préparation)
V - Bifurcations (Les Cahiers Magnifiques - 3) Un texte de 678 pages déchiquetées. Reconstitution : Jérôme Cinoche et Peter L. Yuth. Notes de Peter L. Yuth. (en préparation)
VI - Raphaël Marcoeur, une trace sur la page (Ouvrage collectif coordonné par Jérôme Cinoche. Contributions de Bernard Gutyer, Laetitia Desormes, Laurence Gutyer-Derne, Peter L. Yuth, Ramón Baretto, Pascal Torricelli, Daniella Bonelli) suivi de Marcoeur par la bande (sept entretiens inédits).
VII - Patraquites (Rhumes, douleurs et pathologies occasionnelles : un dossier médical retourné.) Présentation et notes de Bernard Gutyer. (en préparation)
VIII - Aarrgh ! suivi de Réflexions par la bande et de Pff !! Le vent...(Les Tout Derniers Cahiers - 1) - Présentation et notes de Laetitia Desormes et Peter L. Yuth. (en préparation)
IX - Le Manuscrit C.H.E.K - Présentation de Jérôme Cinoche. (sous presse)
X - Supports extraordinaires (Les Tout Derniers Cahiers - 2 et 3) - Descriptions et notes de Bernard Gutyer. (en préparation)
XI - Raphaël Marcoeur/Bernard Gutyer, correspondance complète. Notes de Laurence Gutyer-Derne, Bernard Gutyer et Peter L. Yuth. (en préparation)
XII - Le tissu de soutien (fragments) suivi de Les Cahiers Introuvables, par Peter L. Yuth - Spéculations à partir de dix-huit références éparses concernant deux cahiers méconnus de Marcoeur. (en préparation)
XIII - Lire les Cahiers Marcoeur - Guide analytique, Inventaire des Cahiers, Réflexions sur les difficultés d’un inventaire exhaustif et Index Synthétique, par Peter L. Yuth et Jérôme Cinoche. (en préparation)
* * * * * * * Le dossier vert, 1 Cahiers Raphaël Marcoeur, volume VI CONTRIBUTIONS
Bernard GUTYER : Support fixe/support mobile ...................................... Peter L. YUTH : Une genèse obscure ....................................................... Simone VOROBEITCHEK : Marcoeur et l’informatique ............................. Joëlle SARNIA : Le Mystère Marcoeur...................................................... Laetitia DELORME : Saigner, soigner, signer.......................................... Peter L. YUTH : Notes manuscrites ......................................................... Peter L. YUTH : Lettre à Marvin K. Dawson .............................................
ENTRETIENS
Jérôme Cinoche, entretien avec Richard Bakk............................................. Bernard Gutyer, entretien avec Jérôme Cinoche.......................................... Jerôme Cinoche, entretien avec Peter L. Yuth.............................................. Peter L. Yuth, entretien avec Jérôme Cinoche.............................................. Bernard Gutyer, entretien avec Peter L. Yuth ............................................. Jérôme Cinoche, entretien avec Daniella Bonelli.......................................... Laetitia Delorme, entretien avec Daniella Bonelli.........................................
ANNEXES
Laetitia DELORME : Portrait de Raphaël.................................................... Jérôme CINOCHE : Bio-bibliographie......................................................... J. CINOCHE, P.L. YUTH : Glossaire ............................................................ Médecine et Littérature : Programme du Colloque........................................
(A suivre...)
Lire l’épisode suivant
Les Cahiers Marœur, 1er épisode
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