|
Radio et télévision >
ARTE Radio >
L’astéroïde errant
Un conte à rêver debout de Martin Winckler
Article du 10 janvier 2006
- Dis, Papa, tu me racontes une histoire ? - Quel genre d’histoire, petit chat ? - Une histoire de planète... - Si tu veux, petit lapin. Alors, installe-toi. Tu es prêt ?
Ecouter la chronique sur le site d’ArteRadio
- Oui, mais d’abord, dis-moi, c’est vrai que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, et pas le contraire ? - C’est vrai, mon petit loup. - Et c’est vrai qu’il y a une autre planète, exactement comme la Terre, de l’autre côté du Soleil, mais qu’on voit pas ? - Non, ça c’est pas vrai. Mais je l’ai lu dans une vieille histoire de science-fiction. Je ne me rappelle plus laquelle. Si l’un des auditeurs d’ArteRadio le sait, ça serait sympa qu’il me le dise. Je me demande si ça n’était pas une nouvelle de Ray Bradbury... Mais bon, je ne crois pas qu’il y ait de planète jumelle. Et puis de toute manière, même si elle existait elle serait si loin que ça serait impossible de l’atteindre. Aucun vaisseau spatial n’aurait assez de carburant pour ça. Il faudrait faire le tour du Soleil...
- C’est dommage. C’était une belle idée. Une planète jumelle... - Oui, mais tu sais, les histoires de planètes bizarres ou errantes, on n’en manque pas. Des fausses, mais aussi des vraies. Tiens, tu connais Cruithne ? - Croui quoi ? - Cruithne. Ça s’écrit C-R-U-I-T-H-N-E mais ça se prononce [crou-ii-nya] et à l’origine, c’est le nom du premier groupe tribal qui a exploré les îles Britanniques entre 800 et 500 avant J.C. Aujourd’hui, Cruithne est le nom que les astronomes ont donné à un objet céleste, l’astéroïde 3753. Cruithne a été observée pour la première fois en 1986 mais il a fallu attendre 11 ans, 1997, pour que l’on découvre qu’elle évolue sur la même orbite que la Terre, selon un mouvement très complexe, qu’on appelle « fer à cheval spiralé ».
Bon, comme on est à la radio, c’est pas très propice à une démonstration visuelle, mais il suffit que tu imagines que la Terre est un gros camion tournant sur un circuit fermé et que Cruithne est une voiture qui la poursuit. Une voiture qui va beaucoup plus vite que le camion. Lorsque Cruithne est trop près de la Terre, les forces de gravitation lui font faire demi-tour et elle repart, sur le même circuit fermé mais dans l’autre sens. Quand elle a fait le tour du Soleil par l’autre côté, et qu’elle se rapproche de la Terre, elle fait à nouveau demi-tour et elle repart dans l’autre sens, et ainsi de suite.
Vu comme ça, ça paraît simple, mais, en réalité, Cruithne va et vient le long de l’orbite de la Terre en traçant une spirale qui ressemble à ce qu’on peut produire avec un crayon et un spirographe, tu sais ce que c’est qu’un spirographe ? - Oui, c’est mon jouet qui me permet de faire des rosaces compliquées. - Comme la Terre et Cruithne ont des liens très étroits, les astronomes considèrent le bel astéroïde comme notre « seconde lune »...
- Ca fait longtemps qu’il nous suit comme ça, Cruithne ? - Oui, environ 100 000 ans. Et on pense qu’il va continuer comme ça encore 5000 ans, au bas mot. - Bon, mais si Cruithne va et vient comme ça sur l’orbite de la Terre, est-ce qu’elle ne risque pas un jour de jouer les auto-tamponneuses avec nous ? - Non, je te rassure tout de suite. Ca n’arrivera pas. Tu vas comprendre : le circuit fermé, sur lequel le camion circule, c’est un circuit à trois voies, comme une autoroute ; la Terre est donc le gros camion qui circule sur la voie du milieu ; Cruithne est une petite voiture qui circule sur l’une des voies latérales. Quand elle se rapproche du camion, la force d’attraction que le camion exerce sur la petite voiture l’oblige à changer de voie, passer de la voie de gauche sur la voie de droite et à repartir dans l’autre sens. Et puis Cruithne est une toute petite voiture, qui ne mesure que 5 kilomètres de diamètre, et elle ne se rapproche jamais si près que ça.
Le plus près qu’elle s’approche, c’est à 15 millions de kilomètres de la Terre, bref, très loin de la distance de sécurité des autoroutes... Et en plus de jouer à cache-cache avec la Terre, Cruithne se balade de Mercure à Mars. Bref, c’est un astéroïde qui a la bougeotte. - Mais alors, dis-moi, tu m’as dit que Cruithne repart dans l’autre sens quand elle s’approche trop près de la Terre, et qu’elle fait le tour. Alors, s’il y avait une planète jumelle de la Terre de l’autre côté du soleil, elle la croiserait ?
- Je pense plutôt qu’elle ferait pareil qu’avec la Terre, en s’approchant d’elle, elle ferait demi-tour, et elle reviendrait. - Alors, on pourrait se servir de Cruithne comme navette ? - Comme navette ? - Oui, pour faire le tour du soleil et s’approcher de la planète jumelle... On attendrait qu’elle s’approche de la terre, on prendrait une fusée jusqu’à Cruithne, on s’installerait dessus pour économiser du carburant et quand on serait assez prêt de la planète jumelle, on quitterait Cruithne pour aller dessus.
- Mmmhh... C’est pas bête, ça... Effectivement. Ca serait pas vraiment un raccourci, mais ça permettrait d’économiser du carburant... - Et puis qui sait, si la planète jumelle existe, finalement, peut-être que là-bas, il y a de la vie, comme sur la Terre. - Oui, pourquoi pas, mon petit loup... - En attendant de savoir si elle existe, je vais lui inventer son histoire, à cette planète. Tu veux l’entendre ? - Bien sûr, petit lapin. - Alors, installe-toi, papa. Tu es prêt ? - Je suis prêt, petit chat.
Ecouter la chronique sur le site d’ArteRadio
Imprimer
|