source - https://www.martinwinckler.com/article.php3?id_article=992 -



La lettre (Exercice d’écriture, 2)
par Florence

7 janvier 2010

On dépense beaucoup d’énergie à croire, à espérer, à refuser, à pleurer, à mendier parfois, à rejeter avec force, on peut se donner beaucoup de mal à vouloir se faire du bien et parfois on arrive juste à avoir encore plus mal.
La morale n’en est pas une, l’histoire est si complexe, les protagonistes si mystérieux... et la vie qui bouge tout le temps...



Savez-vous ce que c’est que d’attendre le sifflement du facteur...le guetter derrière les rideaux pour voir si il daigne s’arrêter devant votre boîte aux lettres et chercher dans sa sacoche posée à l’avant de son vélo, une lettre, LA LETTRE.

Tous les jours depuis des mois, vous êtes sûr qu’un matin, ce facteur ’siffleur’ vous rendra heureux et il ne le saura même pas. Je vous ai écrit « se servir des mots comme d’un pont qu’on ne franchit jamais » cette phrase m’est venue d’un coup, sans réfléchir et pourtant elle parlait au plus près de la réalité, je vous écrivais mais jamais vous n’avez traversé le pont. Jamais vos mots ne sont venus me voir...

Savez-vous que j’ai enregistré vos messages pour pouvoir les réécouter quand je veux. Savez-vous que rien que votre voix portée par quelques mots attentifs me fait le plus grand bien. J’aimerais bien enrichir ma collection, je n’ai que des pièces datant de plusieurs mois mais...
Savez-vous ce que c’est que de rester près d’un téléphone qui reste muet...se convaincre qu’à force de le vouloir, il va sonner, vous en êtes sûr...vous attendez cet appel comme on met le masque à oxygène à ceux qui ont du mal à respirer, vous attendez pendant des heures qui vous paraissent les plus belles parce que, c’est sûr...le téléphone va sonner. Vous ne savez pas très bien ce que vous pourriez dire ni même ce que vous aimeriez entendre. Vous êtes là, plein d’espoir et de désespoir à la fois parce qu’au fond, vous vous dites qu’il n’y a aucune raison qu’on vous appelle mais quand même, ce serait un si beau cadeau qu’on pense à vous...

Savez vous dans quel embarras vous me mettez avec toutes vos belles lettres...je me fais un devoir de ne pas y répondre et en même temps que pourrais je vous dire. Vous avez mis la barre tellement haut. Je suis tellement plus petit que vous ne le prétendez. Qu’attendez vous de moi, je ne fais qu’un travail qui, même si il est basé sur l’amour des autres, doit s’arrêter au seuil de votre intimité. Le manque qui vous a sculpté, sans vous remplir ne saurait être comblé ni par moi ni par d’autres d’ailleurs . Vous savez tout ça mais vous vous acharné quand même, vous n’avez pas pu perdre espoir sinon, vous ne seriez plus de ce monde. Vos mots me touchent mais le vide qui vous habite est tellement vaste que je ne pourrais que m’y perdre.

Savez-vous que lorsque vous laissez un message sur mon répondeur, avec votre voix au bord de la falaise,à peine audible...un message me demandant de vous appeler...savez-vous comme mes bouts de doigts souffrent tellement je me dois de ne pas répondre à votre requête. Je passe des heures pénibles à vous tourner le dos jusqu’à ce que je trouve un subterfuge...vous appeler pour vous demander le numéro de téléphone d’une connaissance commune...vous appelez, oui, mais en tenant le volant. Je n’irai pas dans votre décor...

Florence

Lire le précédent exercice d’écriture

P.S.

Le texte qui précède a été écrit pour répondre à l’exercice suivant :



Lisez bien ceci jusqu’au bout avant de commencer.
Prenez une feuille de papier et/ou un crayon/un ordinateur.
Mettez la feuille sur une table/dans une imprimante.
Écrivez/tapez la première chose qui vous vient à l’esprit.
Si possible sur toute la page, recto verso. Ne réfléchissez pas. Ne vous arrêtez pas pour regarder si c’est bien ou pas. Écrivez.
Défoncez-vous. Écrivez ce que vous voulez depuis toujours, ce que vous ne voulez plus ; ce que (ceux que) vous désirez, ce que (ceux que) vous haïssez ; racontez une histoire que vous n’avez jamais racontée à personne, un rêve que vous ne referiez pour rien au monde. Écrivez une lettre d’amour, de rupture, d’insultes ou de réconciliation. Ecrivez le début d’une nouvelle, d’un roman, d’un scénario, d’un livre sur les bouchons de liège dans le bordelais. Ce que vous voulez, mais écrivez. Défoncez-vous.
Une fois que vous avez rempli/imprimé la feuille, déchirez-la, brûlez-la ou jetez-la au vide ordure et éteignez l’ordinateur sans cliquer sur « Sauvegarder ».
C’est fait ?
Vraiment ?
Si vous l’avez fait, comment vous sentez-vous à présent ?
Si vous ne l’avez pas fait, pourquoi ?

Si vous voulez participer à d’autres exercices d’écriture, rendez-vous sur le blog "Chevaliers des touches"

MW




Source - https://www.martinwinckler.com/article.php3?id_article=992 -