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Comment je surfe tout en étant "non-voyant"
par Fernando Pinto Da Silva

19 octobre 2005

Quel titre d’article, me diras-tu, cher lecteur... N’y aurait-il pas deux termes antinomiques ? Surfer et non-voyant ? Remarque bien que j’aurais tout aussi bien pu employer aveugle mais non-voyant c’est comme surfer, ça fait plus "moderne".



Réflexions mises à part, je suis effectivement aveugle, je m’appelle Fernando et je vais essayer de t’expliquer comment, comme toi, j’accède à l’informatique. Car oui, j’y accède, et par mes propres moyens, sans passer par un intermédiaire, ce qui au quotidien m’aide énormément.

Parlons technique.

Sur nos ordinateurs, nous avons tous des ports USB, et sur encore beaucoup de nos ordinateurs "fixes" des ports série. Ces ports sont très importants. Beaucoup d’entre nous y connectent une webcam, un scanner, une imprimante... Moi, j’y connecte ce qu’on appelle une plage braille. Grossièrement, il s’agit d’un appareil avec des cpoints braille activés électriquement. Cette ligne m’affiche le contenu d’une ligne (ou d’un bout de ligne) présente à l’écran. Autant dire que pour parcourir une page il me faut le faire petit bout par petit bout. Mais pour que cela puisse se faire, je dois installer sur le PC (car malheureusement aucune solution satisfaisante n’existe encore sous Mac) ce qu’on appelle un "lecteur d’écran".

Un lecteur d’écran est un logiciel qui va effectuer l’interface entre ce qui passe par la carte graphique et ma plage braille, de sorte qu’il va "transcrire" ce qu’il y a à l’écran sur la ligne braille de façon à ce que je puisse comprendre le texte. Cela me permet de lire le texte, bien sûr, mais également de savoir s’il y a une image, des boutons, une icône...

Le lecteur d’écran permet de piloter une plage braille mais il permet aussi de piloter une synthèse vocale. La synthèse vocale (que d’aucun d’entre vous entendent aussi dans les bus, les modules GPS de voiture...) nous permet, très vite, de prendre connaissance d’un contenu. C’est un très bon complément à la plage braille, en particulier pour le surf sur l’Internet.

Maintenant que tu connais les principes de base, quelques mises en garde sont nécessaires. Nous pouvons, comme tout un chacun, utiliser un traitement de texte, un tableur, un client de messagerie... mais il faut parfois travailler sur l’adaptation des logiciels car il ne respectent pas tous les standards et, à l’heure où les technologies se multiplient, cela devient de plus en plus difficile de faire évoluer les lecteurs d’écrans pour qu’ils puissent suivre toutes les applications disponibles sur le marché. Nous sommes donc parfois obligés de travailler avec telle ou telle solution selon qu’elle fonctionne avec le lecteur d’écran qu’on a ou non.

Et quant à l’Internet, là aussi, nous avons un gros effort de sensibilisation à faire auprès des webmestres pour qu’ils comprennent la nécessité de respecter certaines règles élémentaires. Il ne s’agit pas de faire des sites tristounets, très textuels... mais de respecter des normes internationales (comme celles de la W.A.I.), penser à mettre des textes alternatifs pour les images (une sorte de description), à centraliser l’information et ne pas faire des pages trop riches...

Ah, j’allais oublier : on peut aussi imprimer directement en braille le contenu d’une page web, d’un document. Il existe en effet des imprimantes braille (ou plus exactement des embosseuses) qui reliées à un ordinateur impriment, sur du papier assez épais bien sûr, en braille, comme une imprimante laser ou jet d’encre.

Voilà, j’espère que tout cela aura pu "t’ouvrir les yeux" sur un monde que tu ne soupçonnais sans doute même pas...

Fernando Pinto Da Silva

P.S.

L’association Valentin Haüy, où travaille Fernando, a pour but de faciliter l’autonomie des aveugles et des malvoyants. Visitez son site




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