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Ethique
LE DIU est-il abortif ?
par Jérôme et Martin Winckler

1er avril 2005

A la lecture de mes articles sur les DIU, un visiteur du site, Jérôme, me pose les questions suivantes, concernant leur mode d’action contraceptif :

(en illustrations superposées, le TT 380, DIU au cuivre de référence et le DIU hormonal Mirena)


Bonjour,
merci pour votre site/émissions aussi ouverts qu’utiles.
Voici une question peut etre délicate :

D’un point de vue éthique, un DIU revient-t-il à un ’micro-avortement’ chaque mois puisque, pour autant que je puisse en juger, il s’agit de systématiquement empêcher la nidation d’un embryon après sa conception ?



Cela équivaut-il à concevoir un être vivant (et humain potentiel), aussi simple soit-il à ce stade, puis de lui retirer la vie ?
Si oui, à quel stade de la maturation cela intervient-il ? Quelques jours ? Quelques heures ?
Les DIU modernes ont-ils un autre mode de fonctionnement et un effet contraceptif au sens strict (donc empêchant la conception et pas seulement la grossesse), ce par l’action du Cuivre par exemple ?

D’autre part et d’un point de vue purement biologique, cela pourrait-il être la cause de bouleversements mensuels subtils puisque vraisemblablement le corps est ’informé’ d’un début de grossesse ’valide’ puis systématiquement de son interruption rapide ? Ce phénomène est-il simplement comparable par exemple à l’action de la pilule qui crée dans le corps une ’illusion’ de grossesse permanente ? Merci de votre réponse sur un sujet important qui ne semble pas abordé sur votre site.

Jérôme

En fait, ces questions m’ont déjà été posées par des utilisatrices potentielles mais je n’y ai jamais répondu de manière détaillée dans un article. Vous m’en donnez l’occasion.

En l’état actuel des connaissances, la notion selon laquelle le DIU "empêche la nidation" est fausse, et on l’a montré simplement

- 1° les DIU en plastique ne prévenaient pas bien les grossesses ; c’est quand on a eu l’idée d’ajouter le cuivre dessus qu’on a obtenu des DIU efficaces. Et on a aussi montré que plus la surface de cuivre est grande, plus l’efficacité l’est aussi : c’est pourquoi le Nova T à 200 mm² de cuivre a 6% d’échecs au bout de 3 ans, tandis que le TT 380 (380 mm² de cuivre répartis sur les trois branches) n’en a que 0,5 à 1%.

- 2° le cuivre est toxique pour les spermatozoïdes avant fécondation : on l’a montré en recherchant, après rapport sexuel, des spermatozoïdes dans l’utérus des femmes porteuses d’un DIU au cuivre ; or, on n’en trouve pas car ils ont été détruits par les ions de cuivre qui diffusent dans les sécrétions utérines et vaginales ;

- 3° si un DIU au cuivre provoquait un "mini avortement", les utilisatrices de DIU auraient, régulièrement (chaque fois qu’elles sont fécondées, donc pour certaines, chaque mois !!!), un retard de règles indiquant un début de grossesse, puis des hémorragies très abondantes contenant un embryon ; or, ce n’est pas le cas : les retards de règles sur DIU sont rares ; quand ils surviennent, la femme a pour instruction de faire un test de grossesse immédiatement ; et quand une grossesse se produit sur DIU (0,5 à 1 grossesse pour 100 femmes par année d’utilisation), le plus souvent, cette grossesse "tient". Le risque de fausse couche précoce ou d’accouchement prématuré est évidemment plus important si le DIU reste en place, et que la femme veuille ou non garder sa grossesse, le médecin doit retirer le DIU. Mais j’ai vu à maintes reprises des grossesses sur DIU se développer normalement jusqu’à terme, même si le DIU n’avait pu être retiré. Ce qui prouve bien que le DIU n’est pas abortif.

4° le DIU hormonal Mirena ne fonctionne pas comme les DIU au cuivre : l’hormone qu’il contient épaissit les sécrétions du col utérin (comme le fait la pilule, ou comme cela se passe pendant la grossesse) ; cela empêche le passage des spermatozoïdes, et donc la fécondation.

J’explique toujours précisément ces modes d’action aux femmes qui veulent une contraception et rejettent formellement l’éventualité d’une méthode qui pourrait être abortive.

Parfois, elles me disent redouter qu’un DIU au cuivre soit toxique (donc, abortif) sur un oeuf déjà fécondé mais pas encore implanté ; ce phénomène, s’il existe, est probablement exceptionnel, puisque le cuivre tue les spermatozoïdes avant qu’ils n’atteignent l’ovocyte, et puisque les grossesses sur DIU au cuivre se voient : si le cuivre n’a pas tué tous les spermatozoïdes, il n’est pas non plus efficace sur les oeufs fécondés... Ce qui démontre, encore une fois, qu’il ne s’agit pas d’un effet abortif qui surviendrait après fécondation d’un ovocyte par un spermatozoïde, mais bien spermicide, survenant donc avant toute fécondation.

En général, la plupart des femmes inquiètes de cette idée de "mini-avortement" potentiel sont parfaitement rassurées de choisir un DIU au cuivre et encore plus un Mirena, qui n’agit pas en détruisant les cellules, mais en empêchant leur rencontre, tout simplement.

Le confort du Mirena (dont l’effet hormonal est bénéfique sur les règles douloureuses et abondantes, qu’il soulage et diminue) est aussi un grand argument de choix.

Les échecs sur Mirena sont inférieurs à 0,2-0,4 % (soit presque 5 fois moins que les échecs de DIU au cuivre, qui sont déjà peu nombreux). Une femme qui ne veut pas être enceinte ni être poussée à avorter en cas d’échec peut choisir aussi bien un DIU au cuivre qu’un Mirena en toute tranquillité : le risque de grossesse est infime et, si une grossesse survient, ni le cuivre, ni l’hormone contenue dans le Mirena n’auront la moindre toxicité sur l’embryon.

C’est dire qu’imposer (comme je l’ai vu faire) une IVG à une femme enceinte sur DIU sous le prétexte que l’embryon risquerait de naître malformé du fait de la présence du DIU est, à mon avis, parfaitement inacceptable.

Quant aux bouleversements mensuels dont vous parlez, il n’existent pas, précisément pour les raisons que je vous ai indiquées : si les femmes étaient enceintes puis faisaient un mini-avortement chaque mois, elles auraient un retard de règles chaque mois ou presque, ce qui n’est pas du tout le cas (interrogez les utilisatrices de DIU...) Comme ce n’est pas le cas, la plupart des utilisatrices de DIU au cuivre que je suis évoquent seulement, parfois, des règles un peu plus longues et abondantes que lorqsu’elles ne prennent pas de contraception, mais survenant toujours aux dates prévues.

En ce qui concerne le DIU Mirena, les effets sur l’organisme sont différents. L’hormone du Mirena, en principe, n’a que des effets locaux : elle n’agit que sur l’utérus et ne diffuse pas dans le sang et dans le reste de l’organisme, contrairement à la pilule.

Donc, elle ne bloque pas l’ovulation. L’un de ces effets locaux est d’amincir l’endomètre, paroi tissulaire qui tapisse l’intérieur de l’utérus. Plus l’endomètre est épais, plus les règles sont abondantes. Plus elle s’amincit (sous l’effet du progestatif du Mirena), moins les règles sont abondantes.

De fait, un certain nombre d’utilisatrices disent avoir avec le Mirena des règles presque inexistantes, mais régulières. D’autres disent ne pas avoir de saignements du tout, mais ont tout de même les signes annonciateurs ou évocateurs de leurs règles  : irritabilité en fin de cycle, tension des seins, crampes dans le bas-ventre, le tout sans saignement.

Ce qui signifie bien que leur cycle naturel n’est pas modifié par le DIU hormonal, et qu’elles ovulent chaque mois, mais ne sont pas fécondées. Au moment des règles, leur utérus se contracte pour éliminer l’endomètre, mais comme l’endomètre est devenu très fin sous l’effet de l’hormone, elles n’ont presque rien à éliminer et ne saignent pratiquement pas.

Même si le plus souvent, le Mirena n’a que des effets locaux, il arrive que des utilisatrices aient des effets généraux parce que l’hormone du DIU passe dans le sang. Ces utilisatrices peuvent alors prendre du poids, avoir de l’acné ou la peau grasse, se plaindre d’une baisse de la libido... comme on l’observe couramment chez les femmes utilisant un Implant contraceptif ou une contraception par progestatifs en comprimés... ou pendant une grossesse. Dans mon expérience, les utilisatrices de Mirena qui ont ce type de symptôme sont une toute petite minorité (10 à 15 %, à vue de nez).

C’est toute la beauté de cette méthode de contraception (qu’il sagisse du DIU au cuivre ou du DIU hormonal) : elle est très efficace et n’agit pas sur le cycle naturel des femmes. C’est pourquoi à l’heure actuelle, John Guillebaud, le plus grand spécialiste mondial de la contraception, la considère comme la plus proche de la « méthode contraceptive idéale », qui reste encore à inventer.

Il semble tout de même que l’aspect abortif des DIU (ts types confondus) existe conjointement avec l’aspect ’spermicide’, comme il est mentionne ailleurs sur votre site :

"... il est recommandé d’envisager la pose d’un DIU (« stérilet ») comme contraception d’urgence
...
Le stérilet est une technique de contraception efficace : il s’agit d’un petit corps étranger qui, placé dans la muqueuse utérine, empêche la nidation de tout embryon.
...
Au-delà (de 5j), il est recommandé d’envisager la pose d’un DIU (« stérilet ») comme contraception d’urgence (voir 2° ci-dessous)."

Où est-ce que l’expression "nidation de tout embryon" est utilisée ? Pas dans un de mes textes, je ne crois pas (sauf erreur de ma part)...

...ainsi que sur d’autres sites :

"Le stérilet est la méthode de « rattrapage » la plus efficace en cas d’échec de la contraception,
d’autant qu’il peut être posé jusqu’à cinq jours après l’accident de pilule ou de préservatif.
Comment le DIU agit-il ? La réponse à cette question n’a toujours pas été formellement élucidée. Plusieurs mécanismes sont probablement imbriqués comme une gêne aux spermatozoïdes, un obstacle à la nidation de l’ovule fécondé, un écartement des parois de l’utérus, etc."

Ces notions, comme je vous l’ai dit, sont obsolètes. Le phénomène numéro un est la toxicité directe du cuivre sur les spermatozoïdes et sur l’ovocyte. Bien sûr cette toxicité existe aussi théoriquement sur les ovocytes fécondés (donc, les embryons de quelques cellules), mais elle est probablement rare puisque, lorsqu’une grossesse survient sur DIU au cuivre, elle se poursuit !!! Donc, le cuivre est plus actif sur les spermatozoïdes et l’ovocyte que sur un ovocyte fécondé.

Là, il y a un problème de définition. Médicalement, on considère qu’il n’y a pas grossesse avant implantation de l’embryon dans la paroi utérine (et établissement de relations hormonales entre l’embryon et la mère). Si en revanche, comme le font les théologiens, on considère que la grossesse commence à la conception (union d’un spermatozoïde et d’un ovocyte) alors, oui, théoriquement, on doit admettre, effectivement, que le DIU au cuivre peut interrompre une grossesse débutante (avant implantation) en détruisant l’ovocyte fécondé. Mais une fois implanté, l’embryon est à l’abri puisqu’encore une fois, les grossesses sur DIU au cuivre peuvent se développer normalement.

Il faut aussi savoir que, en dehors de toute contraception, tous les ovocytes fécondés ne s’implantent pas car ils ne sont pas viables. On le sait en particulier avec les FIV, où on "fabrique" in vitro des embryons de plusieurs cellules, on les dépose dans la cavité utérine, mais ils ne s’implantent pas.

Le mot "avortement" est connoté religieusement et moralement, et désigne l’interruption d’une grossesse. Mais avant que l’embryon soit implanté, s’agit-il d’un avortement, puisqu’il n’y a pas encore de grossesse ? (la grossesse, je le répète, c’est un phénomène qui unit la mère à l’embryon ; mais tous les embryons ne s’unissent pas à leur mère...)

le DIU Mirena que vous évoquez semble séduisant par son efficacité et mode d’action local mais si je comprends bien, il risque -parfois- d’avoir les mêmes effets généraux que la pilule et serait donc contre-indique dans le cas de mon épouse (Arrêt de la pilule suite à un taux de lipides élevé) ?

Non, parce que l’hormone qu’il contient n’a pas d’effet sur les lipides, c’est un progestatif. Il en va de même de l’implant, qui pourrait tout à fait lui être proposé aussi.

D’autre part Vous parlez d’un taux de 0,5 à 1 grossesse pour 100 femmes par année d’utilisation sous DIU,
cela revient-il à dire 10 grossesses pour 100 femmes par décennie d’utilisation ? Soit un taux d’echec de 10% sur 10 ans ou plus de 30% sur la vie ’contraceptive’ d’une femme,
cela parait énorme, même si du même ordre voire même meilleur que la pilule !?

Non, pour deux raisons :
1° l’efficacité des DIU augmente avec le temps (la fécondité baisse avec les années) ; il y a plus de grossesses sur DIU avant l’âge de 25 ans qu’après.
2° les échecs de DIU ayant lieu surtout pendant les deux premières années d’utilisation, ils entraînent des abandons de la méthode. De sorte que les femmes qui continuent à utiliser un DIU sont celles chez qui il est le plus efficace... et qui ne font pas de grossesse avec. Par conséquent le taux de 0,5 à 1 porte sur toutes les femmes confondues, quel que soit leur âge, et diminue avec la durée d’utilisation. Chez une utilisatrice de plus de 40 ans qui utilise un DIU depuis plusieurs années et n’a jamais eu d’échec, il est probable que l’efficacité est proche de 100 %

Quand on compare l’efficacité des DIU à celle de la pilule, la différence est nette : les échecs de pilule sont 2 à 3 fois plus nombreux que les échecs de DIU. Je l’avais constaté de visu en travaillant dans un service d’IVG, mais l’étude de Bajos et coll., citée sur mon site, l’a démontré.

Cela voudrait dire que plus d’une femme sur trois ayant une contraception sans aucun incident aurait une grossesse non désirée dans sa vie ?!

Une grossesse non désirée, c’est un incident de contraception. Donc, votre supposition pèche par sa formulation. Par ailleurs, les calculs sur le DIU sont des calculs sur l’efficacité d’une méthode dans son ensemble, telle qu’elle est utilisée par des dizaines de milliers de personnes. Ici, vous extrapolez le calcul à la vie des individus, ce qui n’est pas approprié. Individuellement, le risque pour une femme d’avoir au cours de ses 35 ans de fécondité au moins une grossesse non désirée est très élevé quand elle n’a pas de contraception, très faible quand elle a une contraception efficace et bien utilisée ; on le voit en Hollande, où la législation autorise les IVG très tard, mais où le taux d’IVG est le plus faible du monde, car à l’âge de 18 ans, toutes les femmes ayant une activité sexuelle ou presque ont une contraception et savent s’en servir parce qu’on le leur a appris. Le taux de grossesses non désiré est donc très, très bas chez eux.

C’est cela qui est pertinent : l’utilité pour l’individu. Mais il s’en faut de beaucoup que cela préside à la réflexion générale en France, hélas.

Merci pour ces questions, qui me permettent d’enrichir le site et d’informer nombre de femmes - qui se les sont sans aucun doute posées.

Amitiés
Martin W.




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