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Pourquoi y a-t-il encore 350 000 grossesses non prévues chaque année en France ?
Chronique du 24 octobre 2002

23 août 2004

J’exerce depuis près de vingt ans dans un centre de planification, où l’on reçoit chaque jour les femmes qui sont ou ont été enceintes sans l’avoir désiré, et je sais qu’il n’y a pas de réponse simple à cette question mais seulement des éléments de réponse.

D’abord, il y a la femme elle-même. Elle n’avait peut-être pas de contraception ou bien l’avait mal utilisée. Elle se faisait peut-être aussi des idées fausses sur le risque de grossesse. " Faire attention " et compter les jours, ça ne marche pas. Croire, comme de nombreuses adolescentes, que le tout premier rapport sexuel ne peut pas être fécondant, c’est une erreur. Les réactions des auditrices à ma chronique sur l’oubli de pilule démontrent que l’information était utile. Et puis, même si on aimerait qu’il en soit autrement, un rapport sexuel, ça ne se prévoit pas toujours. Il faut prendre en compte aussi l’ambigu désir de grossesse. Ainsi, évidemment, que les rapport sexuels imposés.

Et les femmes sont-elles seules responsables ? Non, les hommes ont leur part là-dedans, et les rencontres avec des garçons adolescents dans les collèges montrent qu’idées reçues et préjugés sont légion bien avant l’âge de 15 ans et qu’il est difficile - pour ne pas dire impossible - de les désamorcer en quelques heures seulement.

Il y a ensuite les défaillances des professionnels. Aujourd’hui, la contraception la plus prescrite - la pilule combinée - est trop souvent présentée comme étant la seule fiable, alors qu’à long terme l’implant contraceptif et le DIU (" dispositif intra-utérin ", le mal nommé " stérilet ") sont toujours plus efficaces.

De plus même si ce n’est pas le cas de tous, bien sûr, trop de médecins diabolisent encore la contraception, l’accusent de compromettre la fécondité future, interdisent la pilule aux jeunes femmes qui fument, refusent un stérilet à celles qui n’ont pas d’enfant, rechignent à poser des implants, omettent de prévenir les jeunes accouchées qu’elles seront de nouveau fertiles 25 jours après avoir eu leur bébé ou déclarent à des femmes de plus de 45 ans qu’elles n’ont plus rien à craindre. C’est ainsi que l’on voit régulièrement des jeunes accouchées et des femmes soit-disant ménopausées débarquer, enceintes, dans les centres d’IVG.

Et malheureusement, dans notre pays, l’enseignement sur la contraception a longtemps varié, d’une faculté à une autre, selon l’idéologie personnelle des mandarins ; il est donc très difficile pour les femmes de s’y retrouver.

Il y a aussi, bien sûr, la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques, dont l’information biaisée incite les médecins les moins bien informés à prescrire à tour de bras des pilules quotidiennes - très lucratives pour le fabriquant - plutôt que des implants ou des stérilets qui, pendant trois à dix ans (leur durée d’efficacité), ne rapportent rien à l’industrie.

Il y a également les problèmes idéologiques. La promotion nécessaire du préservatif afin de lutter contre MST et sida a eu pour effet négatif de masquer une réalité obstinée : après un rapport hétérosexuel non protégé, la probabilité d’une grossesse est infiniment plus grande que celle d’une contamination. Pourquoi ? 1° parce que le partenaire est presque toujours fécond - mais rarement porteur d’une maladie contagieuse ; 2° parce que le préservatif est une méthode contraceptive d’efficacité inconstante, qui peut compter entre 20 et 50 % d’échecs.

Enfin, il y a la responsabilité de l’état : en France, jusqu’à ces dernières années, toute publicité contraceptive était interdite ; aujourd’hui encore, les centres de planification familiale et d’éducation sexuelle sont sous-équipés et leurs médecins sont payés au lance-pierre ; et, tandis qu’en Angleterre, la contraception est confiée à des infirmières spécialisées, dans notre pays de corporatismes, c’est pas demain la veille.

Pour finir, une comparaison édifiante : en France, on verse une allocation à la femme qui garde sa grossesse, on prend en charge l’IVG de celle qui veut l’interrompre, mais on demande à celles qui veulent planifier les naissances de se débrouiller pour trouver un médecin qui leur présente les différents choix contraceptifs et, parfois, pour payer leur contraception de leur poche

Aux Pays-Bas, notre quasi-voisin, la contraception est promue partout, accessible à toutes et quasi-gratuite ; mais, alors que depuis très longtemps, l’avortement médicalisé est légal jusqu’à une date avancée de la grossesse, la fréquence de recours à l’IVG est la plus basse de la planète.
Cherchez l’erreur.

P.S.

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