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"Chevaliers des touches" - un blog pour écrivants

Un blog où l’on parle cuisine de l’écriture. Papiers, ciseaux, stylos, claviers. MW

Vous y trouverez : des textes de MW sur son métier d’écrivain, des propositions d’exercices d’écriture et les textes et commentaires des participants au blog.


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Les ouvrages de Martin Winckler chez P.O.L : La Vacation, La Maladie de Sachs, Légendes, Plumes d’Ange, Les Trois Médecins, Histoires en l’air, Le Chœur des femmes, En souvenir d’André


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La décision (Exercice d’écriture, 3)
par Valy-Christine Océany
Article du 11 janvier 2010

J’allume ma cigarette et je me lance. Lancer ce défi d’écrire sans y réfléchir une seconde. Attends, je tire sur ma cigarette et je la vois toute prête de mes yeux, je la regarde en louchant se consommer comme une bougie de Noël. Combien des bougies de Noël j’ai vu se consommer sous mes yeux louchant à travers les lunettes ?
Ca y est, elle est finie cette cigarette, là, je vais écrire.
Là, ça me revient. Ça me revient mon tout premier sentiment de confiance en moi. Ou le tout premier sentiment vidé de toute trace de doute. J’ai pris la décision toute seule. Comme une grande. Sans me consulter avec personne, sans y parler, si, à moi, mais sans mots, autrement. En direct de mon corps, de mon désir vers ma tête sans intermédiaire. Les mots sont des intermédiaires entre notre désir et l’acte, la décision. Donc, je disais que cette décision s’est imposé à moi, ah, je n’aime pas ça. C’est moi qui ai pris cette décision sans y émettre un seul son envers personne. À partir de là, ma confiance s’est installée, j’étais si sure de ma décision que rien ne pouvait me l’enlever, aucune autre réflexion extérieure. D’ailleurs en premier temps personne n’était au courant de ma décision, comment pouvaient-ils, les gens, la famille, les amis dire quoi que ce soit ? Ils ne savaient rien, j’étais la seule à le savoir...

J’ai commencé les démarches. Dans ma tête, tout était très clair, incroyablement clair. Comme une lumière douce qui nous guide naturellement. J’ai suivi cette lumière, bon, c’est un cliché l’histoire de la lumière qui nous guide dans nos choix, mais là, vite, je ne trouve pas quelque chose d’original. De surcroît, c’est vrai, je l’ai vécu en tant que telle. La confiance en ce que nous accomplissons peut rassembler à une lumière, tant pis pour les interprétations religieuses, croyances, clichés et autres.

Allez, je continue.
Après avoir pris cette décision, tout se déroula comme mon désir le voulait. Sans heurte. J’ai vendu la télé en premier temps. En suite, le tapis couleur ocre. La machine à laver, elle était assez moderne pour les temps qui courraient. J’ai vendu les livres en bloc, toute la bibliothèque à une seule personne. Faut dire que j’avais des livres introuvables à l’époque, donc, l’heureux fut très heureux. Moi aussi. Les acheteurs arrivaient à ma porte au fur et à mesure. De bouche à l’oreille les voisins avaient appris que je liquidais tout ce que je possédais dans mon appartement. Pressés à acquérir les objets, ils ne m’embêtaient pas avec les questions : pourquoi tu fais ça ?

Moi, je le savais pourquoi c’était ça important. Je leur fus reconnaissante pour leur discrétion. Les vêtements, jupes, robes, chaussures, sandales, bottes, chemises, tailleurs, tout fut vendu à une seule personne aussi, elle les avait acheté pour faire du commerce. Il venait tout juste de naître le commence ! Pour survivre tout commerce était bon à faire. On venait de découvrir ce mammifère énorme qui pouvait nous faire vivre, l’économie du marché.

Allez hop, je contribuais à ma manière. Avec ma décision sans mots derrière la tête. Oui, sans mots. À aucun moment je n’ai pas prononcé ni à moi ni à quelqu’un d’autre. La décision était en moi, comme un organe faisant partie de mon corps. À quel endroit ? Je ne sais rien, dans mes fibres, dans mes cellules, dans mes os, mes tendons, dans la carcasse, sais pas vraiment à quel endroit précis de mon corps cette décision naquit. Mais elle était là, vivante. Elle infusait de l’énergie dans mes veines, elle me poussait, elle m’accompagnait, elle me chérissait, elle...peut-être elle naquit dans mon cœur ? Sans mots.

Comment voulez-vous que l’on se dise, tiens, je vais me naître ? Ou je vais me donner naissance ? Ou je vais croître en moi un cœur ? Non, il n’y a pas des mots pour ça. Ça naît, c’est tout, c’est simple. Et une fois né, on se dit, tiens quelque chose est né en moi. Mais après la naissance de ce quelque chose et non pas avant ni pendant mais après. Dans mon cas, la décision. On la sent comme l’on sent le nez quand on le pince, comme la main gauche embrassant par la main droite. C’est comme ça que j’ai senti ma décision, réelle, en gravitation.
Voilà, l’appartement se trouva vide, j’avais seulement une couverture, et mes vêtements sur moi. Au milieu de mon appartement vide, je me sentais heureuse, confiante, libre. Il me restait à vendre l’appartement. Un voisin était déjà amateur.

Tant d’autres formalités à faire, en toute légèreté, fluidement, oh, que ma rivière coulait dans la bonne direction ! Je nageais en brasse dans cette rivière et elle m’emmenait au bon endroit. L’eau était limpide, chaude, calme, elle me protégeait des branches d’arbres qui auraient pu m’accrocher en équilibrant mon corps à distance égale des rives sablonneuses envahies par des saules pleureurs.
Quand toutes ces formalités prirent fin, il me restait le but de ma décision. J’ai quitté mon pays en fermant derrière moi toutes les portes, avec soin. J’ai laissé la clé sur la porte, elle ne servira à rien, là où je partais. J’ai pris avec moi, plus exactement en moi seulement la langue, le passé et les souvenirs. Elles m’appartiennent et je les porte partout où je suis. C’est ma richesse que j’agrandis au fur et à mesure avec d’autres richesses différentes mais miennes.

Valy-Christine Océany

Le texte qui précède a été écrit pour répondre à l’exercice suivant :



Lisez bien ceci jusqu’au bout avant de commencer.
Prenez une feuille de papier et/ou un crayon/un ordinateur.
Mettez la feuille sur une table/dans une imprimante.
Écrivez/tapez la première chose qui vous vient à l’esprit.
Si possible sur toute la page, recto verso. Ne réfléchissez pas. Ne vous arrêtez pas pour regarder si c’est bien ou pas. Écrivez.
Défoncez-vous. Écrivez ce que vous voulez depuis toujours, ce que vous ne voulez plus ; ce que (ceux que) vous désirez, ce que (ceux que) vous haïssez ; racontez une histoire que vous n’avez jamais racontée à personne, un rêve que vous ne referiez pour rien au monde. Écrivez une lettre d’amour, de rupture, d’insultes ou de réconciliation. Ecrivez le début d’une nouvelle, d’un roman, d’un scénario, d’un livre sur les bouchons de liège dans le bordelais. Ce que vous voulez, mais écrivez. Défoncez-vous.
Une fois que vous avez rempli/imprimé la feuille, déchirez-la, brûlez-la ou jetez-la au vide ordure et éteignez l’ordinateur sans cliquer sur « Sauvegarder ».
C’est fait ?
Vraiment ?
Si vous l’avez fait, comment vous sentez-vous à présent ?
Si vous ne l’avez pas fait, pourquoi ?

Si vous voulez participer à d’autres exercices d’écriture, rendez-vous sur le blog "Chevaliers des touches"

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