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Dépassements d’honoraires des médecins : un devis pour limiter les abus
par Salomé Viviana
Article du 5 janvier 2008

Les dépassements d’honoraires des médecins sont de plus en plus fréquents et de plus en plus importants, comme l’a relevé l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans un rapport publié au mois d’avril 2007.

Quelques chiffres sont éloquents : selon ce rapport, le montant des dépassements d’honoraires qu’ont payés les patients à leurs médecins en 2005 s’est élevé à deux milliards d’euros. Dans le secteur à honoraires libres, le montant des dépassements a doublé en quinze ans en valeur réelle. Si la pratique des dépassements est limitée pour les médecins généralistes, elle est devenue majoritaire chez les spécialistes. Les rapporteurs estiment ainsi que le système des dépassements d’honoraires s’est tellement généralisé qu’il constitue un recul de la solidarité nationale et un obstacle à l’accès aux soins.

Dans certains secteurs, les dépassements sont courants et importants. Ainsi, pour un accouchement, et alors que l’ensemble des soins médicaux concernant la maternité, hors dépassements, est en principe pris en charge à 100% par l’assurance maladie, plus de la moitié des femmes (52 %) ont dû payer un dépassement, de 74 euros en moyenne pour un accouchement dans un hôpital et de 178 euros pour une naissance dans une clinique.

En orthopédie, ce sont près des trois quarts des patients (72 %) qui, pour la pose d’une prothèse de hanche, ont été concernés par des dépassements d’un montant moyen de 225 euros dans le public et de 454 euros dans le privé. Même proportion pour les opérés de la cataracte : 71 % d’entre eux ont payé en moyenne 91 euros dans le public et 200 euros dans le privé. Enfin, 66 % des patients ayant subi une coloscopie ont acquitté un dépassement moyen de 60 euros dans le public et 105 dans le privé.

Ces sommes ne sont que des moyennes, certains médecins pratiquant des dépassements beaucoup plus élevés. D’autres vont jusqu’à demander des dessous de table. Toujours selon l’IGAS, 8 % des patients se seraient vu ainsi proposer de payer au noir. Voir aussi cet article du Point.

Parmi les préconisations de l’IGAS pour remédier à cette situation figure l’information systématique des patients avec la remise obligatoire d’un devis avant les soins. C’est à cette proposition que le législateur vient de donner suite, malgré l’opposition du Conseil National de l’Ordre des Médecins [1]

L’article L1111-3 du code de la santé publique prévoyait déjà que « Toute personne a droit, à sa demande, à une information, délivrée par les établissements et services de santé publics et privés, sur les frais auxquels elle pourrait être exposée à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins et les conditions de leur prise en charge. Les professionnels de santé d’exercice libéral doivent, avant l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’assurance maladie. ».

L’article 39 de la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007 sur le financement de la sécurité sociale a complété l’article L 111-3 par l’ajout de l’alinéa suivant :

« - Une information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués ainsi que la nature et le montant du dépassement facturé doit être obligatoirement remise par le professionnel de santé à son patient dès lors que ses honoraires dépassent un seuil fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, sauf si le professionnel prescrit un acte à réaliser lors d’une consultation ultérieure, auquel cas il est tenu de remettre à son patient l’information préalable susmentionnée, y compris si ses honoraires sont inférieurs au seuil fixé par l’arrêté précité.

L’inobservation de cette obligation peut faire l’objet d’une sanction financière égale au dépassement facturé, mise en oeuvre selon la procédure mentionnée à l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.

 Le professionnel de santé doit en outre afficher de façon visible et lisible dans sa salle d’attente ou à défaut dans son lieu d’exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu’il facture. Les infractions aux dispositions du présent alinéa sont recherchées et constatées dans les conditions prévues et par les agents mentionnés à l’article L. 4163-1. Les conditions d’application du présent alinéa et les sanctions sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ».

En clair, l’obligation de fournir au patient un devis n’est plus réservée aux seuls cas de la chirurgie esthétique (L6322-2), des soins dentaires coûteux (R4127-240), ou de la fourniture d’orthèses ou prothèses par un pédicure-podologue (R4322-60).

Elle est étendue aux dépassements d’honoraires de tous les professionnels de santé, quels que soient leurs montants, dès lors que ces dépassements concernent des actes à réaliser ultérieurement (accouchement, par exemple, ou intervention chirurgicale). Ces dépassements sont en général importants.

Si le dépassement s’applique immédiatement c’est à dire s’il concerne le montant de la consultation en cours, l’information écrite sur la nature et le montant du dépassement ne doit intervenir que si ledit dépassement est supérieur à un seuil qui sera fixé par un arrêté ministériel.

Le but est d’éviter d’alourdir les démarches administratives des médecins, au moins pour ceux pratiquant des dépassements minimes, comme le souhaitait le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). Néanmoins, l’effet pervers de cette exception est un risque de banalisation de ces faibles dépassements, qui, au final, et en raison de leur effet cumulatif, auront un impact non négligeable sur le budget des patients.

L’argumentation du CNOM, qui figure notamment dans un article du Bulletin de l’ordre intitulé « L’Ordre s’oppose au devis préalable à chaque dépassement d’honoraire » des médecins de décembre 2007, ne fait pas l’unanimité.

Elle consiste simplement à "exposer les recours possibles en cas de dépassements abusifs", sans tenir compte du fait que ces démarches sont très lourdes pour le plaignant, et à ignorer les vertus préventives du devis préalable : le patient, dont la mémoire peut être défaillante, dispose d’un chiffre écrit, sur lequel il peut réfléchir. Le devis est un document pouvant servir de base de discussion avec le médecin, et de preuve, soit en cas de litige sur le montant du dépassement ultérieurement réclamé (certains médecins pratiquent des dépassements à géométrie variable, selon divers critères comme la « fortune supposée » du patient), soit pour établir le caractère excessif des dépassements demandés par un praticien.

Il existe alors diverses procédures pour sanctionner le médecin qui ne fixe pas ses honoraires avec « tact et mesure ». (En ce qui concerne cette élégante notion, voir cet article de Martin Winckler)

Grâce à l’informatisation des cabinets médicaux, l’établissement d’un tel devis devrait être aussi simple, aussi rapide et aussi systématique que celle des ordonnances pre-imprimées que nombre de médecins remettent couramment à leurs patients !!!

À noter enfin que les dispositions relatives au devis concernant les actes à réaliser lors d’une consultation ultérieure sont d’application immédiate.
Celles relatives au devis concernant les dépassements facturés immédiatement n’entreront en vigueur qu’après la parution de l’arrêté fixant le seuil en deçà duquel aucun devis ne sera exigé. Espérons que cet arrêté sera rapidement publié et que le seuil en question sera fixé à un niveau pas trop élevé.

Salomé Viviana


Salomé Viviana est co-auteur de Les Droits du Patient, (Fleurus, 2007), un livre écrit pour les patients, contre les abus de pouvoir (et le manque de tact et de mesure) des médecins.



[1...dont on ne rappellera jamais assez l’esprit progressiste, solidement ancré dans le 19e siècle... Note de MW

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