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La France des demi-baguettes
Un Ecrit sur le Vent de Martin Winckler
Article du 27 janvier 2007

Ça s’appellerait "Chronique de France", ou quelque chose comme ça, et ce serait une fresque historico-romanesque.

Alors je vous explique les prémices.
Quand j’avais 17 ans, je suis parti passer un an aux Etats-Unis. C’est une expérience qui m’a beaucoup marqué, et dont j’ai parlé dans un livre qui s’appelle Légendes où je raconte la vie quotidienne là-bas, enfin, ma vie d’adolescent dans une famille, dans le Minnesota, au lycée.

C’était le début des années 70, donc la fin de la guerre du Viêt-Nam, le moment où on cherchait à faire destituer Nixon... J’ai vu Cabaret, qui venait de sortir là-bas, j’écoutais les chansons de John Denver et de Crosby, Stills, Nash & Young, et j’ai découvert un satiriste américain qui s’appelle Tom Lehrer...

Et évidemment, j’ai vu les Etats-Unis de l’intérieur, pendant cette année 72-73, grâce à une association qui m’a envoyé passer, donc, une année là-bas. Je me suis fait des amis, qui venaient d’autres pays, à l’époque, et qui faisaient aussi leur expérience des Etats-Unis, et qui avaient tous un point de vue, évidemment, à la fois complémentaire et différent du mien sur les Etats-Unis vus de l’intérieur.

Et puis ensuite j’ai rencontré des gens qui n’avaient pas mon âge, mais qui étaient partis avec la même association un an aux Etats-Unis... Gisèle, en particulier, qui est la mère d’une de mes amies, qui est partie, elle, dans un autre pays. Gisèle m’avait raconté qu’elle était partie aux Etats-Unis sur le paquebot France, parce qu’elle n’est pas de la même génération que moi, donc elle est partie, peut-être 15 ans plus tôt, 20 ans plus tôt.

Un autre, qui s’appelle Bernard, nous avait expliqué que pendant Mai 68, évidemment, il n’y avait pas de courrier entre la France et les Etats-Unis, puisqu’il n’y avait pas de courrier en France, on ne relevait pas et on ne distribuait pas le courrier.

Et je me suis dit qu’avec toutes ces expériences, on pourrait faire une sorte de chronique des Etats-Unis vus par des jeunes français qui y passent un an. Mais on pourrait aussi faire l’inverse. C’est-à-dire que l’association en question, qui s’appelle l’AFS, est une association d’échange qui a été commencée par les ambulanciers qui travaillaient sur les champs de bataille en 1916 en France, et qui croyaient qu’en faisant des échanges on éviterait les guerres.

Cette association a commencé surtout entre la France et les Etats-Unis, donc on pourrait aussi faire l’inverse, c’est-à-dire raconter l’histoire de la France au fil des décennies, entre mettons 1950-1955 et puis aujourd’hui, au travers du regard d’étudiants américains qui sont venus vivre en France, et qui maintenant sont peut-être des types qui ont mon âge, ou qui sont plus âgés, bien entendu, et qui ont tous un souvenir de la France pendant l’année qu’ils ont passée ici.

Donc on pourrait raconter, au travers de ces témoignages, ce serait un boulot colossal, mais pas complètement impossible à faire, parce que les gens qui sont partis avec cette association en général restent faciles à trouver, parce qu’il y a des annuaires, parce qu’il y a des échanges d’informations, parce qu’il y a des réunions régulières.

Ce qui serait fascinant, ce serait d’aller interroger comme ça, je sais pas, moi, une cinquantaine de personnes qui ont passé une année en France au cours des 50 dernières années, et qui me raconteraient leur France, la France de 1958 quand De Gaulle est appelé au pouvoir et arrive au pouvoir, la France de 1961, quand la guerre d’Algérie se termine, la France de 68 bien entendu, qu’est-ce que c’était que d’être un américain coincé en 68 en France... La France des années 70 et de la mort de Pompidou, la France de Giscard et du président qui rentre à l’heure du laitier... La France de l’arrivée des socialistes au pouvoir...

Et tout ça pas seulement avec ces grandes dates, qui sont des dates politiques et historiques, qui sont celles qu’on retient, qui viennent à la mémoire tout de suite, mais quels films ils ont vus, quels romans ils ont lus à l’école à l’époque, qu’enseignaient leurs profs, comment ils ont été impressionnés par l’école française au fil des années, quelles différences il y avait entre l’école qu’ils connaissaient et celle qu’ils ont connue pendant un an. La France des demi-baguettes, la France des cafés, au fil des décennies, la France des campagnes et des villes, voilà.

Ça serait un beau livre, et quand je dis que ce serait une sorte de chronique historico-romanesque, je pense qu’il ne suffirait pas seulement de raconter les souvenirs de ces gens-là, de les retranscrire, mais il faudrait aussi faire une sorte de narration, qui expliquerait peut-être au travers de la vie quotidienne des personnes, ce qu’était la France de l’époque, les repas de famille, les routes enneigées dans les zones où d’habitude y’a jamais de neige, la sécheresse à la campagne en 1976, la France des ouvriers, à l’époque où la CGT et le PCF étaient des forces considérables, la France des groupuscules d’extrême gauche, d’extrême droite, et des manifestations où les étudiants allaient crier.

Voilà. La France, comme je le disais tout à l’heure, des demi-baguettes et des places de cinéma à 5 francs.

Ecouter la chronique sur le site d’ArteRadio

Visiter le site d’AFS-Vivre sans frontière

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