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Ce n’est pas le DIU qui perfore, c’est le médecin
un échange de courrier avec un gynécologue-obstétricien
Article du 12 septembre 2005

Nous sommes plusieurs gynécos à lire votre commentaire sur les perforations utérines. Nous envions beaucoup votre absence de complications. Notre activité chirurgicale et obstétricale quotidienne ne nous permet pas de nous vanter d’une telle dextérité. Bravo.
Nous notons par ailleurs sur votre site que vous ne pratiquez plus depuis de nombreuses années, ce qui contribue sans doute à diminuer le taux de complications....
Amicalement. (et surtout, respectueusement).
B.

D’abord, merci de m’écrire. J’ai voulu naguère dialoguer avec vos confrères sur le site GyneWeb mais on m’a rapidement fait comprendre qu’on n’y voulait pas de moi (alors que c’était le webmestre qui m’y avait invité). Votre message témoigne donc d’un respect dont je ne fais pas l’objet d’habitude.

Cela étant, vous avez (vos collègues et vous) mal lu. J’ai quitté mon cabinet en 1993, mais je pratique toujours, plusieurs fois par semaine, à l’hôpital du Mans (et je pose entre 5 et 15 DIU par semaine). Et à ce jour, je n’ai pas encore, à ma connaissance, perforé un utérus en posant un DIU.

Or, comme les dossiers sont communs au centre de planification, au centre d’IVG et à la maternité, et comme mes collègues me font des lettres quand ils voient les patientes suivies au Centre de planification, les perforations ne m’échapperaient pas, je pense. En tout cas, elles ne leur échapperaient pas, et je pense qu’ils me le diraient... Et les femmes me le diraient aussi, car j’ai un "taux de fidélisation" plutôt important... Mais il est vrai que j’exerce dans le service public, en consultation à honoraires conventionnés, et que je ne refuse pas de répondre personnellement au téléphone des patientes qui désirent me parler...

De plus, vingt ans de pratique m’ont appris qu’il y a des gestes simples pour ne pas perforer. Des gestes qui ne sont malheureusement pas enseignés en faculté, ni même à l’hôpital. Comme, par exemple, le fait qu’il n’est nullement nécessaire d’introduire tout le tube d’insertion d’un DIU à l’intérieur d’un utérus, et même pas conseillé : les tubes d’insertion sont rigides, et peuvent donc perforer.

Une fois repéré (à l’hystéromètre souple, et pas métallique, qui perfore aussi) l’axe de l’utérus, j’insère le tube dans le canal cervical sans jamais forcer et je pousse dans l’utérus le DIU qui, comme il est souple, ne perfore pas...
(Vous faites peut-être aussi comme ça. Sachez que nous sommes loin d’être majoritaires... puisque tous les internes qui passent à mes consultations me décrivent les poses de DIU à la hussarde qu’on leur a montrées dans les CHU...)

J’ai aussi appris à ne pas utiliser de Pince de Pozzi, ce qui fait que je n’introduis jamais un DIU en force (en retenant l’utérus). Comme je ne force pas, je ne perfore pas. Alors, oui, il arrive parfois (pas très souvent) que je ne puisse pas poser un DIU, à cause d’un col spasmé. Mais c’est un moindre mal, qui peut être facilement arrangé avec des prostaglandines...
Rappelez-vous ce que disait Lippes : Ce n’est pas le DIU qui perfore. C’est le médecin.

Et puisque vous parlez de chirurgie, je ne suis pas chirurgien mais, si je ne m’abuse, les compresses oubliées et les sutures qui lâchent, est-ce que ça n’est pas aussi le fait de praticiens très compétents... mais trop pressés ?

Avant de poser un DIU, je prends mon temps, j’explique et je montre, je rassure. Ca n’est pas rien. De plus, mon agressivité vis-à-vis des femmes est inexistante et ma patience, grâce à 15 ans de Balint, extrêmement grande. Tout ceci explique peut-être cela.

J’ai également pratiqué des IVG pendant 15 ans. Je n’ai jamais, que je sache, perforé un utérus en faisant une IVG. Pourtant, on m’avait assuré que je le ferais - dès ma première vacation, un de mes confrères m’avait "gentiment" fait cette prédiction. Comme je ne suis pas très enclin à me laisser culpabiliser, et encore moins à l’avance, je me suis efforcé de le faire mentir. Je me demande encore comment on peut perforer un utérus avec une sonde en polyéthylène, sinon... en forçant. Je n’ai jamais forcé. C’est (je pense) pour ça que je n’ai jamais perforé l’utérus d’une patiente dont je pratiqué l’IVG. En revanche, je pense qu’il m’aurait été beaucoup plus facile de faire des dégats si j’avais travaillé comme nos confrères gynécologues-obstétriciens qui ont, pendant longtemps, pratiqué des IVG "curetages" à la curette métallique coupante...

Je vous rassure, j’ai eu des pépins moi aussi (je ne suis pas si chanceux que ça...) - comme, par exemple, sous-estimer cliniquement l’âge d’une grossesse à l’époque où le CIVG ne disposait pas d’échographe et où certains internes ou praticiens de la maternité REFUSAIENT de faire une échographie parce qu’ils étaient "moralement" opposés à l’IVG... Je touche du bois, pour les femmes ça s’est toujours bien terminé. C’est l’essentiel.

Certes, il m’arrive régulièrement de faire des erreurs, comme tout le monde. Mon attitude consiste cependant à les reconnaître et à les expliquer immédiatement. Ce n’est malheureusement pas le cas de beaucoup de nos confrères. Ceux dont je parle sur le site. J’aimerais mieux ne pas avoir à le faire, et il n’y aurait pas lieu de le faire si la profession faisait le ménage elle-même. Mais je n’ai pas encore vu de publication de la SNGOF dénonçant les pratiques discutables de ses membres.
Allons, comme je ne suis qu’un "praticien qui n’exerce plus", c’est sûrement la SNGOF qui a raison !

Dans "Contraceptions, your questions answered", que je considère comme le meilleur livre pratique et scientifique de référence sur le sujet [1], John Guillebaud, spécialiste britannique mondialement connu de la contraception écrit (après avoir décrit la méthode d’insertion soigneuse et douce du DIU) :

"Problems like perforation are rare, but should be mentioned with the aid of a leaflet. Honest and accurate answers should be given to all questions."
(Les problèmes comme la perforation sont rares, mais devraient être mentionnées sur un document explicatif. Des réponses honnêtes et précises devraient être données à toutes les questions.) (4e éd. 2004, p 424)

Si en Angleterre les perforations sont rares, je m’étonne que (d’après ce que vous suggérez) elles soient fréquentes en France. En revanche, je doute que des explications "honnêtes et précises" soient données systématiquement dans notre pays.
Manque de temps, sans doute.

Martin Winckler


[1Aucun éditeur médical n’a jugé utile de traduire en France et aucun gynécologue n’a jugé bon de le citer dans les manuels destinés aux étudiants, ce qui explique peut-être que beaucoup lisent... mon bouquin et visitent mon site.

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