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"Chevaliers des touches" - un blog pour écrivants

Un blog où l’on parle cuisine de l’écriture. Papiers, ciseaux, stylos, claviers. MW

Vous y trouverez : des textes de MW sur son métier d’écrivain, des propositions d’exercices d’écriture et les textes et commentaires des participants au blog.


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Les ouvrages de Martin Winckler chez P.O.L : La Vacation, La Maladie de Sachs, Légendes, Plumes d’Ange, Les Trois Médecins, Histoires en l’air, Le Chœur des femmes, En souvenir d’André


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Débat éthique (suite)
Relation de soin : des questions de fond
par Antoine Poichotte et M. Zaffran/M. Winckler
Article du 6 juillet 2014

Antoine Poichotte est chirurgien orthopédiste. Il a lu "La maltraitance médicale est (vécue comme) un viol" et il m’a écrit. Voici notre échange.

Je viens de lire votre article.

Je suis parfaitement d’accord que rien ne doit être fait sans l’accord express du patient (hors urgence « vraie »).

J’ai trois réflexions :

— j’ai de la famille qui vit aux Pays-Bas et qui est très étonnée des consultations de médecine générale là bas : les médecins ne touchent jamais au patient. Aucun examen clinique. Uniquement l’interrogatoire. On peut raisonnablement se poser la question de la qualité d’une consultation sans examen. Les généralistes néerlandais ont d’ailleurs la possibilité de facturer des consultations téléphoniques, donc là aussi sans examen. Ne sont-ils pas passés à un extrême, au nom de l’éthique ? C’est sûr que sans toucher au patient on ne risque pas de le maltraiter (physiquement) et encore moins de le violer. Mais fait-on correctement son travail ?

— le problème de l’enseignement. Un patient, un médecin, un interne, c’est bien joli, c’est certainement le top, pour le patient comme pour l’enseigné, mais ce n’est pas si simple au quotidien.
Enseigner prend du temps, qu’on a de moins en moins. Peut-on rallonger les heures de consultation, pour permettre à tous les étudiants de passer un à un, quand à 17 h on n’a plus de personnel (merci les 35 heures) ?
Peut-on diminuer le nombre d’interventions au bloc opératoire, pour prendre le temps d’enseigner, quand la direction de l’hôpital pousse pour augmenter le nombre des actes, seule solution, avec la T2A, pour financer l’hôpital ?

— on voit apparaitre, depuis quelques années, une certaine pression, sur les enseignants de médecine, pour développer la simulation. Je pense que c’est en rapport direct avec cette prise de conscience éthique, qu’un patient n’est pas un objet, et qu’il n’a pas à accepter de fait d’être pris en charge par un étudiant au seul prétexte qu’il est hospitalisé en CHU. On parle maintenant du « jamais sur un patient la première fois ». On peut certainement y arriver pour nombres d’actes techniques (l’apprentissage de l’auscultation via des enregistrements est un très bon exemple, d’autant qu’on peut se les repasser à l’envi, quand un patient n’est « disponible » que pendant un court laps de temps).
Mais, pour le chirurgien que je suis, il y aura toujours une première fois, même après de nombreux passages en simulateur, et les simulateurs on les attend toujours. On fait comment en attendant ?

Il est très important de réfléchir à l’éthique, de ne rien faire sans consentement du patient, mais il ne faut peut-être pas être trop radical, quand on n’en a pas les moyens (financiers entre autres). La médecine, qui reste un art, a toujours été un compromis. À nous, médecins, de faire comprendre, et accepter, cela à nos patients.

Cordialement,

A. Poichotte
Chirurgien orthopédiste

Réponses

Sur l’examen clinique :

Je suis comme vous, je trouverais bizarre de ne jamais examiner un patient. L’examen clinique fait partie de la démarche diagnostique et souvent thérapeutique. Il serait absurde de ne pas examiner certains patients car il apporte des informations importantes, quand on sait les chercher. C’est bien sûr vrai en chirurgie orthopédique, mais c’est vrai dans toutes les spécialités, y compris la médecine générale. Je trouve de plus (comme beaucoup de médecins) que les étudiants d’aujourd’hui sont sous-éduqués sur ce plan. Je ne sais pas pourquoi on pratique ainsi aux Pays-Bas — ni même (cela mériterait d’être vérifié) si c’est une pratique courante ou générale. Mais il n’est pas exclu qu’il y ait aux Pays-Bas plusieurs "écoles", voire même des habitudes culturelles qui fondent la pratique courante de la médecine générale sur des entretiens sans examen clinique. Si je l’envisage ainsi c’est parce que la lutte contre les gestes inutilement invasifs fait aussi partie de l’amélioration des soins. A l’inverse, je me souviens avoir entendu des personnes venues d’autres pays être très choquées de se voir ordonner par les médecins français de se déshabiller entièrement. Il y a donc là des questions culturelles qui croisent les questions professionnelles, il est donc difficile de comparer les pratiques d’un pays à celles d’un autre.

Ce qu’il est possible et légitime de faire en France, en revanche, c’est d’enseigner aux étudiants à demander aux patients l’autorisation de les examiner (en principe, on doit demander l’accord du patient pour TOUT geste, c’est dans le Code de la santé publique) et de le faire dans des conditions qui ne soient ni gênantes, ni humiliantes pour lui. C’est pour cela que je milite, personnellement. J’ai pu constater au fil de mon exercice, qu’en France, les patient(e)s le plus souvent veulent être examiné(e)s, pas seulement parce que c’est l’habitude, mais aussi parce que ça témoigne à leurs yeux de l’attention que les médecins leur portent. Pour autant, ça ne devrait pas être une obligation.

Cela dit, encore une fois, il n’y a pas de règle générale.

Sur la question de l’enseignement

Je suis conscient des contraintes qui pèsent sur les enseignants - contraintes très variables, d’ailleurs, selon les CHU, les villes, les services. Je conçois aussi qu’on puisse être amené à faire une visite à plusieurs parce qu’il n’est pas possible de le faire "un par un". Mais on peut établir des régles de conduite qui permettent de ne pas être humiliants pour les patients.
Avant de pouvoir mettre en place des procédures d’enseignement adéquates, il me semble qu’il n’est pas éthiquement correct de s’appuyer sur les mauvaises conditions d’enseignement pour tolérer des choses qui ne sont pas tolérables. Et on peut se mettre d’accord sur les gestes qu’il est possible de faire faire aux étudiants et les gestes qu’on ne doit pas leur faire faire. S’il est, par exemple, justifié, sous supervision, d’enseigner à un étudiant à intuber un patient endormi qui de toute façon doit l’être, ou d’effectuer un TR diagnostique sur un patient confus, il n’est pas admissible de demander aux étudiants de pratiquer des examens gynécologiques, des examens des seins ou des TR inutiles sur des patients qui n’y ont pas explicitement consenti
Le Collège des obstétriciens du Canada a énoncé des règles de bonne pratique à ce sujet, pourquoi les Gynécologues français ne font-ils pas de même ? Au Québec, la gynécologie courante et les frottis, par exemple sont enseignés avec la coopération de patientes volontaires, qui acceptent d’y participer et avec qui l’hôpital signe un contrat très précis.

Et ceci pourrait être fait dans toutes les spécialités. Il est de la compétence et de la responsabilité des enseignants de CHU de fixer ce que sont les règles de bonne pratique d’enseignement clinique. A charge, ensuite, pour les praticiens, de les appliquer dans toute la France. Même si l’enseignement de la médecine passe par l’apprentissage de l’examen clinique, il ne peut pas se faire en utilisant les patients comme des cobayes.

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