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Edito
Le désir des femmes, le paradis et l’enfer
par Martin Winckler
Article du 24 octobre 2011

Aujourd’hui, 20 Octobre 2011, je regarde les statistiques du Webzine et je découvre que le nombre de consultations a bondi depuis trois jours. Les six articles qui ont fait presque doubler la fréquentation sont, dans l’ordre : 1° Les règles, en avoir ou pas ? 2° Suis-je enceinte ou non ? 3° L’implant contraceptif. 4° La pilule - comment la prendre, que faire quand on l’a oubliée 5° J’ai arrêté ma contraception et je ne suis toujours pas enceinte, que se passe-t-il ? et 6° La pilule, le cycle, et comment réussir à être enceinte quand même.

Pourquoi ce brusque saut dans la consultation de textes qui sont certes les plus consultés du cycle, mais à une fréquence habituellement régulière ? Et surtout la fréquentation des deux premiers.

J’avancerais une explication hypothétique, fondée sur mon expérience en centre de planification (IVG, contraception) pendant 25 ans. Rien ne prouve que j’ai raison, mais ça mériterait d’être exploré.

Je regarde la date : nous sommes mi-Octobre. Et je me souviens qu’en Octobre, régulièrement, au centre de planification où je travaillais, il y avait une recrudescence de consultations. Des femmes venaient demander si elles étaient enceintes. Elles en avaient peur, elles n’étaient pas sûres, elles voulaient et ne voulaient pas savoir. Elles avaient fait un test ou non, il était positif ou non, et elles avaient besoin d’en parler. Certaines, bien sûr, savaient exactement ce qu’elles voulaient : elles voulaient que cette grossesse n’existe pas. Elles voulaient la faire disparaître. Et s’il avait existé une formule magique pour cela, elles auraient payé très cher pour l’avoir. D’ailleurs, pendant des siècles, c’est ce qu’elles ont fait. Elles ont consulté des guérisseuses, des rebouteux, des apothicaires, des droguistes pour leur demander une formule, une méthode, une solution.

Le plus souvent, quand une femme se découvre enceinte fin septembre ou début Octobre alors qu’elle ne s’y attendait pas, elle est d’abord dans l’incrédulité, puis dans la colère auto-infligée. Car le plus souvent, elle sait très bien ce qui s’est passé, et elle se souvient exactement où, comment, avec qui. Elle pensait seulement qu’elle ne risquait rien. Ou que « ça passerait ». Ou que ça ne prendrait pas. D’ailleurs, chaque fois qu’elle a essayé vraiment, ça n’a pas marché. On dirait que les grossesses n’arrivent jamais quand on les attend, et toujours quand on ne les attend pas.

Mais pourquoi fin Septembre/début Octobre, me direz-vous ? Parce que le mois d’Août.

Le mois d’Août est terrible pour les femmes.

Le mois d’Août, en France et dans beaucoup de pays, c’est souvent le mois des congés payés, des vacances. Non parce qu’elles le choisissent mais souvent parce qu’on - leur mari, leur employeur, l’employeur de leur mari - le choisit à leur place. Les mois de Juillet et Août sont ceux où beaucoup de médecins prennent des congés. Forcément, ce sont des gens comme les autres, ils ont besoin de se reposer, eux aussi. Si vous tombez en panne de pilule au mois de Juillet ou au mois d’Août, allez donc trouver un médecin (ou une antenne du Planning) disponible. (Quand ce n’est pas le médecin lui-même, cet inconscient(e), qui vous a conseillé d’ « arrêter la pilule pendant un mois pour vous assurer que tout va bien »... Oui, oui, ça existe, ça a existé et je crains que ça n’existe encore des andouilles de ce genre...)

Mais mettons simplement que vous êtes une adolescente qui passe l’été au soleil, avec tous les garçons qui vous tournent autour, y compris un qui vous plaît vraiment beaucoup, qui vous fait vraiment envie, et à qui vous faites confiance, forcément, pour « prendre des précautions ». Parce que prendre la pilule, vos parents/vos frères/vos sœurs aînées ne vous laisseraient pas faire, pas question, et parfois le médecin de famille non plus. Alors, comme vous êtes programmée (vous ne le savez pas, mais c’est comme ça) pour vous reproduire et comme vous confondez (notre cerveau fonctionne comme ça) pour confondre amour et pulsion de reproduction, eh bien vous y allez. Et personne ne prend de précautions. Et, comme c’est bon, vous recommencez.

D’ailleurs, sur le moment, il ne se passe rien. Et on est sûr qu’il ne va rien se passer. « D’ailleurs, j’ai eu mes règles il y a quelques jours, à peine. Et puis, la première fois, il ne peut rien arriver ». Ou bien « De toute manière (ça, c’est quand on est une femme) ça ne prend pas comme ça. Ça fait des mois qu’on essaie, lui et moi, et ça ne marche pas, et ce soir-là, j’ai croisé quelqu’un d’autre, quelqu’un dont j’ai eu envie et je me suis dit : ‘Qu’est-ce que je risque ?’ ». Ou alors : « On ne s’entendait plus, on ne faisait plus l’amour depuis des semaines, on est partis en vacances parce qu’on a des enfants, on voulait leur faire prendre l’air, le soleil, et puis un soir, je n’ai toujours pas compris comment, il était gentil comme il l’était avant, et j’ai eu envie de lui comme ça faisait longtemps, et puis voilà, et le lendemain, tout était comme avant et je me suis dit que finalement, ça ne voulait rien dire, c’était un feu de paille. » Ou encore : « Je n’ai pas de relations depuis plusieurs mois, plusieurs années, je suis allée rejoindre des amis dans le village où ils sont en vacances et là, il y avait un autre de leurs amis, et un soir... Mais à l’âge que j’ai je n’aurais jamais pensé... »

Le plus souvent des histoires simples, rarement des drames ou des violences - bien sûr, parfois il y en a, mais quand il y en a, les femmes ont tout de suite peur d’être enceintes. Tandis que quand ça s’est produit comme ça, une nuit, un soir, ou même deux heures de temps passées inaperçu, elles ont pensé que ça n’aurait pas de conséquence.

Seulement, ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’une grossesse, ça n’obéit pas à la volonté, aux vœux pieux, à la pensée magique. Quand ça décide de prendre, ça prend. Et ça ne demande rien à personne.

Et puis, deux ou trois semaines plus tard, elles ont eu leurs règles un tout petit peu en retard, ou un peu moins que d’habitude, mais bon, c’était presque ça, et elles se sont dit « ça va bien, ça ira » ou alors, elles ont complètement oublié qu’elles ne les avaient pas : c’était la rentrée, la reprise du boulot, les impôts à payer, tous les problèmes qu’on a oubliés pendant les vacances et qui vous retombent sur la tête quand vous vous retrouvez dans la réalité. Alors la passade du mois d’Août, c’est passé, on l’oublie, on ne veut plus y penser.

Et puis arrive le mois d’Octobre. Et les règles, elles, n’arrivent pas. Mais à la place, il y a les seins gonflés, les nausées, l’envie de dormir ou de boulotter tout le temps. Et la peur. Qu’on vive seule ou avec quelqu’un. A moins qu’on n’attende ça depuis longtemps (et alors, peu importe qu’elle vienne à ce moment-là, elle est bien reçue), une grossesse, fin Septembre ou début Octobre, est souvent malvenue.

Et puis bien sûr, il y a l’inverse. Les femmes qui, au mois d’Août, ont décidé d’arrêter la pilule, de sauter le pas et qui sont parvenues à faire céder - ou ont cédé à - leur jules... et elles ont bien calculé leur coup, elles ont arrêté la pilule juste quand il fallait pour que leurs règles tombent avant leurs vacances, et qu’elles ovulent pile quatorze jours plus tard (pensent-elles) pour ne rien laisser au hasard et pour que ça prenne elles ont fait des galipettes tant et plus, en long en large et en travers, avec un jules qui parfois leur a dit que bon, trois fois par jour ça suffisait, fallait aussi qu’ils puissent se reposer un peu, faire la sieste, taper la boule, boire un pastis avec les copains de l’été ou qui s’est demandé ce qui leur arrivait (parce que oui, il y en a qui ne l’ont pas dit, à leur jules, qu’elles avaient arrêté la pilule, elles ont pensé : « Le mois dernier il m’a dit qu’il était prêt, alors c’est maintenant ou jamais sinon il va changer d’avis » et elles ont pris les décisions qui s’imposaient) et le plus souvent le jules ne demandait pas mieux et il était ravi de voir avec quel enthousiasme inhabituel...

Seulement, ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’une grossesse ça n’obéit pas au désir, aux plans, aux décisions. Quand ça ne veut pas prendre, ça ne prend pas. Et quand arrive Septembre et leurs règles, elles se disent qu’elles n’ont pas essayé assez fort, assez bien, au bon moment, à la bonne heure, et elles achètent des tests d’ovulation, et elles s’y remettent à qui mieux mieux. Et quand arrive Octobre, et qu’elles sont déçues une nouvelle fois, elles désespèrent et elles se demandent si elles y arriveront jamais. Si elles sont normales. Si ce n’est pas trop tard. Si elles ne sont pas punies - d’avoir pris la pilule trop jeune, d’avoir fait une IVG l’an passé, d’avoir attendu trop longtemps, d’avoir trompé leur jules avec leur ex, je ne sais quoi encore...

Après avoir lu ce qui précède, un médecin qui travaille dans un centre d’IVG très similaire à celui où j’exerçais m’écrit ceci : "Je rajouterais aussi dans les demandes d’IVG d’Octobre les couples pour qui un enfant était en projet cet été, le soleil rendant les problèmes moins moches (!)... La grossesse arrive, le soleil est parti, et finalement, la grossesse n’est plus vraiment la bienvenue... J’en ai vu plusieurs ce mois-ci, et sans doute plus que les autres mois je crois..."

Oui, les temps sont durs aussi pour les couples...

Voilà pourquoi les centres de planification et d’IVG ont plus d’appel. Voilà pourquoi ce site (et d’autres, certainement) reçoit beaucoup plus de visites, mi Octobre, chaque année ou presque.

Souvent le mois d’Août est un paradis pour le désir des femmes, et le mois d’Octobre leur enfer.

Et si ça se cantonnait au mois d’Octobre... Mais comme l’indiquent plusieurs articles aperçus sur les pages du Monde.fr, la contraception reste d’accès difficile pour les femmes françaises. Est-ce vraiment un manque d’information, ou bien faut-il y voir, encore une fois, des obstacles qui tiennent beaucoup à la répression implicite de la sexualité-sans-projet-d’enfant chez les adolescent(e)s et chez les femmes jeunes (la moitié des IVG concernent des moins de 25 ans) ?

Le malheur, c’est que cette répression, je le maintiens, est entretenue par un trop grand nombre de praticiens, qui par phobie ou par incompétence ou par souci de leur propre confort, restreignent le conseil contraceptif à la seule pilule et, parfois, aux pilules dont un visiteur médical vient de leur déposer la fiche signalétique...

(La suite dans l’article intitulé : "Les médecins mauvais prescripteurs", qui reprendra, dans quelques jours, le cycle des "Médecins maltraitants").

Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)

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