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Edito
Usagers ou médecins ? Le médiateur de la république a choisi son camp
par Salomé Viviana, juriste
Article du 12 septembre 2010
Le 7 septembre 2010 a été signée une convention de partenariat entre le Médiateur et le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) dont on peut prendre connaissance sur leur site respectif.
Petit rappel : L’institution du Médiateur de la République a été créée en 1973 dans le but d’améliorer les relations entre l’administration française et le citoyen. Ainsi, le Médiateur, qui est une autorité indépendante, recherche un règlement amiable, au cas par cas et en équité, entre les deux parties. Lorsque qu’il apparait que certains textes ou procédures sont inadaptés ou qu’il existe de graves dysfonctionnements, le Médiateur propose des réformes. Selon le site du Médiateur, « L’institution se veut être ainsi une passerelle afin de rétablir la confiance entre les administrés et l’administration. » Le Médiateur est un « observateur privilégié de notre société » et est amené à « intervenir dans les grands débats en relayant souvent la voix des plus vulnérables. » (c’est moi qui souligne)
Créé en 2009, le pôle Santé sécurité soins du Médiateur de la République, qui dispose de son propre site intérêt, est, selon ce site, « chargé de renforcer le dialogue entre les usagers du système de soins et les professionnels de santé. Il analyse et traite toutes demandes d’information ou réclamations qui mettent en cause le non respect du droit des malades, la qualité du système de santé, la sécurité des soins et l’accès aux soins. »
La convention signée le 7 septembre affiche comme objectif l’accroissement de l’efficacité de l’action du Médiateur et du CNOM dans l’intérêt des usagers du système de santé. Le but est louable.
Il est toutefois prévu que les deux parties procèdent à des échanges d’analyse et d’expertise sur les propositions de réformes émanant de l’un ou de l’autre. On rappellera simplement que le positionnement du Médiateur n’est pas d’être aux cotés du CNOM et que si les échanges avec le CNOM au sujet des propositions de réforme peuvent présenter un intérêt, des échanges équivalents avec une association représentative des usagers telle que le CISS présentent le même intérêt. Si le Médiateur souhaite conserver son image d’autorité indépendante, il est urgent qu’il signe une convention de même nature avec les représentants des usagers.
La suite de la convention comporte des difficultés encore plus graves : il est prévu que le Médiateur adresse au CNOM, pour avis, certaines réclamations dont il est saisi. Les conclusions de cet échange sont portées à la connaissance du réclamant et de la personne qu’il met en cause. Ici encore, pourquoi est-ce que l’équivalent n’est pas prévu, c’est à dire pourquoi le Médiateur ne prendrait-il pas l’avis d’une association de patients sur les dires du médecin ou de l’établissement objet de la plainte ? De plus, il n’est écrit nulle part dans ce protocole que le réclamant est informé du fait que sa plainte va être soumise pour avis au CDOM, ni qu’il peut éventuellement s’y opposer. En outre, il est prévu que cet échange avec le CNOM permette à l’ordre de « valider les informations apportées par le réclamant » : le Médiateur n’est-il donc pas capable d’apprécier la pertinence des informations qui lui sont apportées ? Est-il à ce point mal entouré ? Demande-t-on à une association de patients de valider les explications des médecins ou des établissements de soins ?
La fin, relative au secret médical, est encore plus cocasse : la convention précise en effet que « les échanges d’information entre les parties se font dans le respect du secret médical. ». Rappelons ici les dispositions de l’article 226-13 du code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Le dépositaire du secret médical n’a pas le droit de révéler à quiconque une information concernant un patient sans l’accord explicite de celui-ci. Ceci signifie sans ambigüité que le Médiateur de la République ne peut soumettre une réclamation pour avis à l’ordre des médecins sans l’autorisation expresse du plaignant.
En signant cette convention avec le CNOM, le Médiateur a bradé son indépendance. Une sortie honorable pourrait être de dénoncer cette convention ou d’en signer une équivalente avec une association de patients.
Salomé VIVIANA
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