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Contraception et gynécologie >
Quand un gynécologue est un danger public, il ne faut pas le laisser faire sans rien dire...
par E. et Martin Winckler
Article du 17 septembre 2007
Je reçois souvent des témoignages concernant le comportement des gynécologues à l’égard des femmes et de leurs demandes de contraception. Je ne les publie pas tous parce qu’ils sont souvent similaires. Celui qui suit est d’autant plus scandaleux qu’il est exemplaire de l’absence totale de professionnalisme et de souci de l’autre du praticien qu’il décrit. Ce type de comportement devrait être puni par la loi. Mais il ne pourra l’être que si toutes les femmes qui en sont victimes les dénoncent haut et fort.
MW
Voici le témoignage de E.
"Ma soeur a accouché de son 3eme enfant il y a 7 mois. Pendant sa grossesse, on a pas mal parlé contraception, elle en avait assez de la pilule (d’une part elle fume et on a des antécédents familiaux de problèmes cardio-vasculaires, d’autre part les pilules remboursées lui donnant de l’acné elle prenait une pilule de 3eme génération dont le prix a forcément un impact sur un budget de plus en plus serré maintenant qu’elle est en congé parental avec 3 enfants à charge.
(...)
Très contente de mon DIU, je lui recommande votre site, elle y réfléchit, et décide qu’elle voudrait un DIU hormonal, comme ses rêgles sont douloureuses et que, sa dernière grossesse la fatiguant beaucoup, si elle pouvait se passer de saignements mensuels ca ne peut que l’aider à récupérer. Elle en parle à son gynéco : "Oui oui, on verra..." Sauf que, après avoir accouché (d’un bébé nettement plus petit que les 2 ainés, et arrivé avec un petit peu d’avance - elle n’était vraiment pas en bonne forme depuis le début de sa grossesse, démarrée en étant maigre, et n’avait jamais vraiment pu récupérer) , elle quitte la maternité avec comme seule recommendation "Revenez me voir à votre retour de couche et on verra ce qu’on fait". Ni ordonnance pour la pilule, ni pour un DIU, rien. Et elle n’allaite pas non plus.
Trois mois plus tard, comme elle a des saignements, elle prend donc rendez-vous. Pour ressortir avec ... la même pilule qu’avant sa grossesse. Motif "Elle vous réussissait bien, pourquoi voudriez vous changer ?" Pendant 4 mois, elle va avoir des saignements intempestifs pendant tout ses cycles, une fatigue générale accrue, des nausées par moment, divers symptomes qu’elle associe à la pilule. Et va appeler très souvent son gynécologue pour s’en plaindre, et à chaque fois c’est "Ca va passer, attendez". Finalement au bout de 4 mois, lassé de ses coups de fils à répétition, il tranche "Bon, puisque vous y tenez tant, on va vous le poser votre stérilet" (sous entendu "vous imaginez tout ca parce que vous voulez pas de votre pilule").
Et là, le col n’est pas assez dilaté pour la pose. Alors il décide de faire une échographie "juste pour voir". Et constate que ... ma soeur est enceinte de 4 mois ! Soit à peu près la date de sa première visite... Elle font en larmes à cette nouvelle, déjà qu’elle a du mal à se remettre de sa grossesse et à faire face avec 3 enfants de 6 ans, 4 ans et 7 mois, elle n’en voulait pas d’autre. Et s’affole en même temps : elle n’a pris aucune précaution, a mangé crudités, huitres, crustacés, a pris des antibiotiques et de la cortisone, ainsi que 2 mois d’antihistaminiques, et enfin a passé un mois au maroc exposée à des conditions sanitaires forcément différentes de la France. Quel impact celà peut-il avoir sur l’embryon ?
Réaction du gynéco : il lui annonce pèle mèle :
- Vous êtes hors délais, hors de question d’envisager un IVG
- Vu comme vos grossesses sont rapprochées et votre état général, ca va surement être un prématuré, va falloir surveiller ça
- Pour les pbms que vous m’évoquez, on verra à l’échographie du 5eme mois, si y’a vraiment des malformations on pourra toujours envisager une IMG.
- Oh, mais n’hésitez pas à m’appeler si vous avez des soucis...
Donc ma soeur va en plus du reste avoir un grand mois pour s’habituer et s’attacher à un foetus qui risque de faire derrière l’objet d’une IMG, et dont elle aura jusqu’au bout de sa grossesse la prédiction que "ce sera surement un prématuré" ?
Elle n’a que 27 ans, mais a perdu 6 dents suite à sa dernière grossesse, commence à avoir des problèmes chroniques de douleur au dos (hérédité aggravée par là aussi la grossesse et le fait de porter les enfants toute la journée) , n’a aucune réserve pour aborder une grossesse (elle doit faire 45 kilo pour 1m64 en ce moment), et a pendant 4 mois exposé l’embryon à tout un tas d’agressions environnementales et médicamenteuses. Et pardessus le marché, ne voulait pas de cette grossesse et vit cela comme une catastrophe. Et le médecin lui-même doute apparemment qu’elle puisse aller jusqu’au terme normal (et avec 3 enfants et pas les moyens pour embaucher une aide à domicile, impossible qu’elle passe 3 mois alitée)
ALors je m’avoue choquée non seulement de l’insouciance de son gynécologue (pourtant fort cher et réputé sur la place lyonnaise, un superbe cabinet dans les beaux quartiers...) , mais qu’il n’ait pas aussi proposé directement, de son propre chef, sur la base des raisons ci-dessus, une IMG ? Le danger pour la mère et l’enfant n’est peut-être pas immédiat et sur à 100%, mais le rôle humain d’un médecin n’est-il pas aussi de savoir interpréter les rêglements en son âme et conscience et dans l’intéret de la patiente ?
Et si finalement il doit bien y avoir une IMG, je crains qu’il ne la présente de manière à culpabiliser encore plus ma soeur.
En tout cas, la chose qu’il n’a pas faite, c’est lui présenter des excuses pour ne pas lui avoir poser un DIU dans les 6 semaines après son accouchement, ni pour avoir ignoré ses plaintes pendant 4 mois... "
E.
Réponse du Dr Marc Zaffran, alias Martin Winckler :
Chère Madame,
Merci pour votre longue lettre, à laquelle je m’empresse de répondre car il y a urgence.
Ce praticien est au minimum un imbécile incompétent. Au maximum, c’est une crapule.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est un danger public.
Des fautes multiples et des attitudes anti-professionnelles et contraires à l’éthique
En effet :
– il aurait dû prescrire une contraception à votre soeur à la sortie de la maternité. IL n’y a pas besoin d’être grand clerc pour savoir qu’elle ne voulait pas être de nouveau enceinte. Il s’agissait de faire de la prévention. Il n’avait AUCUNE raison (scientifique ou autre) de lui refuser un DIU.
Ne lui avoir prescrit aucune contraception est une faute professionnelle : un médecin a une obligation de moyens et la prévention des grossesses non désirée en fait partie. Et même s’il fallait attendre 4 à 6 semaines pour poser un DIU, il pouvait, au minimum, lui prescrire une pilule progestative, sans danger chez une femme qui vient d’accoucher et qui fume, à prendre jusqu’à la pose du DIU.
S’il ne pouvait pas lui donner un rendez-vous 4 à 6 semaines après son accouchement, il pouvait lui conseiller de consulter ailleurs ou lui prescrire une pilule progestative jusqu’au rendez-vous (il peut la prescrire pour 12 mois !) , ou lui poser un implant à la sortie de la maternité, ou lui conseiller l’usage systématique des préservatifs et lui prescrire du Norlevo en cas d’incident...
Bref, il avait au moins une demi-douzaine de propositions à lui faire... S’il ne les a pas faites, il a manqué à ses obligations professionnelles d’information sur la contraception, obligations définies dans des recommandations publiées par l’ANAES en 2004et
Ces recommandations, il devrait en connaître le contenu car il fait aussi partie de ses obligations professionnelles de mettre à jour les connaissances qui relèvent de sa spécialité !!!
– il aurait dû chercher à savoir si elle était enceinte quand il l’a vue trois mois après son accouchement !!!! et en tout cas, lui conseiller de faire des tests de grossesse. Cela lui aurait permis de découvrir sa grossesse plus tôt et de recourir à une IVG dans les délais. S’il ne l’a pas fait, c’est une autre faute professionnelle pour la même raison que précédemment.
– le fait de lui annoncer de but en blanc qu’elle ferait peut-être l’objet d’une IMG est totalement contraire à l’éthique et à la réalité. Telles que vous me présentez les choses, rien dans ce que votre soeur a pris (antihistaminiques, corticoïdes, pilule contraceptive) n’entraîne obligatoirement des malformations graves.
– quant à la prématurité, je ne vois pas comment il peut ANNONCER ça, il se prend pour Nostradamus...
Autre faute professionnelle (et éthique) : un médecin a l’obligation de donner à ses patients toutes les informations nécessaires, pas de les terroriser. De plus, il devrait lui avoir demandé ce qu’elle voulait faire : ça s’appelle le consentement éclairé... De sorte qu’imposer une contraception à une patiente qui n’en veut pas, c’est une faute.
Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que s’il a parlé d’IMG c’est parce que, s’il découvre des malformations à l’échographie, il a la trouille que votre soeur lui reproche de les avoir provoquées en lui prescrivant une pilule sans vérifier qqu’elle n’était pas enceinte au moment où elle l’a commencée !!!
Heureusement (mais étant donné son incompétence, cela ne le suffit probablement pas à le rassurer...) la plupart des femmes qui débutent une grossesse sous pilule et la poursuivent sans savoir qu’elles sont enceintes ont des enfants en bonne santé... Cela étant, tout cela reste particulièrement angoissant...
– lui parler ainsi, sans délicatesse (et sans honte alors qu’il est responsable du refus de contraception et du délai à la découverte de la grossesse !!!) c’est aussi une faute professionnelle
Mon conseil : Qu’elle cesse d’aller voir ce type, qui coûte cher à tous points de vue !!. Qu’elle aille demander conseil à un autre médecin.
Qu’en est-il de l’IMG ?
L’interruption médicale de grossesse (IMG) n’est pas une procédure simple. Elle ne peut être décidée que par deux praticiens (dont un fait partie d’une équipe pluridisciplinaire) attestant « qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
En pratique, il est bien évident que ce praticien-ci ne peut pas, pour des raisons strictement éthiques et probablement légales, donner un avis (favorable ou non) sur la validité d’une IMG concernant votre sœur : il est partie prenante dans la survenue de cette grossesse !!!
De sorte que pour obtenir une IMG, il faudrait qu’elle en fasse la demande à quelqu’un d’autre, et fasse l’objet d’une enquête médicale très soigneuse ET d’échographies pour démontrer que cette grossesse présente les caractéristiques justifiant une IMG.
Autant dire que c’est très hypothétique : encore une fois, rien de ce à quoi votre sœur a été exposée n’est susceptible à coup sûr de provoquer des malformations graves... Pas même la pilule que ce [utiliser le qualificatif de votre choix] de praticien lui a prescrite.
Une femme a le droit d’exprimer clairement, et sans honte, si elle désire ou non garder sa grossesse.
Si elle veut poursuivre cette grossesse, que votre soeur soit rassurée : il y a peu de chance que ce qu’elle a pris soit cause de malformations (au premier trimestre, très peu de choses peuvent altérer une grossesse). Effectivement, les échographies tardives peuvent rassurer sur la santé du foetus ou préciser l’existence d’éventuelles malformations.
Mais (j’espère que vous et elle allez me comprendre et que ma formulation écrite est aussi précise et intelligible que celle que je lui donnerais si je la voyais en personne) :
Qu’elle n’attende pas d’avoir une échographie et la confirmation - hypothétique - d’une malformation pour décider si elle veut, ou non, poursuivre cette grossesse.
Plus une interruption de grossesse est tardive (et quelle qu’en soit le motif), plus c’est pénible pour la femme et sa famille. Or, elle a le droit, moralement, d’exprimer clairement son refus ou son désir de grossesse, sans avoir besoin de le justifier par une éventuelle malformation. Et qu’elle ne s’en sente pas coupable. Le seul responsable de cette situation dramatique, c’est ce "gynécologue".
Même si l’IVG après 14 semaines est illégale en France, elle ne l’est pas dans d’autres pays étrangers et l’obligation professionnelle du praticien est de le lui indiquer. La circulation des citoyens en Europe est libre. Si les Français ont le droit aller acheter leur cigarettes en Belgique à prix réduit, rien ne leur interdit de recourir à une IVG dans un autre pays de la CEE.
Pour votre soeur, aujourd’hui, la question est douloureuse mais simple : si elle préfère interrompre sa grossesse sans opter pour la demande d’une IMG avec un résultat hypothétique, sa meilleure option est de se rendre en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, où les délais d’IVG sont de 25 ou 26 semaines. C’est coûteux, c’est terrible moralement, mais ça pourrait être encore beaucoup plus terrible et coûteux pour tout le monde (elle et sa famille) de conserver une grossesse dont elle ne veut pas. Si c’est son choix, elle peut obtenir les informations nécessaires auprès des antennes locales du Planning Familial.
Les femmes doivent dénoncer haut et fort les comportements anti-professionnels des médecins
Quand pareille situation survient, il me paraît indispensable (et je conseille à votre soeur de le faire) de mettre sur le papier tout ce qui lui est arrivé, en citant les dates, les conversations, les attitudes, les commentaires du médecin. Il me paraît aussi important d’exprimer sa colère à l’égard de ces comportements dans les termes les plus vifs (en évitant les insultes, car elles desservent le propos).
Qu’elle envoie la lettre au COnseil de l’Ordre des médecins de Lyon, à l’Ordre National, et au médecin lui-même en copie (pour qu’il sache que d’autres personnes sont au courant). Et qu’elle la termine en disant "Je me réserve le droit de donner à cette affaire les suites disciplinaires et pénales que mon avocat me conseillera".
Il ne s’agit pas pour moi de suggérer que la seule attitude consiste à attaquer ce praticien en justice (voir plus bas) : c’est long et coûteux pour un résultat souvent très incertain. Mais si on donne à penser aux praticiens fautifs qu’ils peuvent faire l’objet de poursuites ça leur pourrit la vie. Gratuitement. Et ça, ce n’est pas rien.
Cette seule lettre, et cette seule menace suffiront déjà à l’empêcher de dormir, pendant longtemps. Le propre des praticiens les plus irrespectueux, c’est qu’ils pensent que personne ne sait ce qu’il font dans leur cabinet, et qu’ils sont intouchables. Dès qu’on met tout le monde au courant, ils sont terrorisés. Ne vous privez pas de ça.
Enfin, je lui conseille aussi d’envoyer cette lettre aux journaux et aux associations de consommateurs et de patients, sans citer le nom du médecin, pour alerter les autres habitantes de Lyon et leur dire : "Ne vous laissez pas faire. Certains comportements sont inacceptables. Dénoncez-les. Refusez-les."
Quand peut-on porter plainte contre un médecin ?
Je vous renvoie au livre que j’ai co-signé avec Salomé Viviana, Les Droits du Patient, mais voici en résumé les circonstances qui permettent de porter plainte contre un médecin. Pour qu’il y ait plainte il faut qu’il y ait
– une faute du professionnel
– un préjudice subi par le patient
– un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice observé
La faute peut-être :
– un non respect des données actuelles de la science
– les erreurs et fautes techniques
– le non-respect des obligations morales (information, consentement du patient, par ex.)
– l’admnistration de soins avec retard fautif...
On voit que dans le cas qui précède, les fautes sont multiples. Le préjudice, ici est au moins la survenue d’une grossesse non désirée par la patiente, la faute incombant au médecin de ne pas avoir rempli son obligation de moyens. C’est à lui de démontrer que cette obligation de moyens a été remplie. Là, je pense qu’il aura du mal...
Au pire, si jamais le fœtus présentait une malformation, on pourrait en plus arguer que les erreurs du médecin, en exposant votre sœur à des médicaments incompatibles avec sa grossesse, peut avoir été responsable du préjudice pour le fœtus lui-même.
La causalité est difficile à établir pour une éventuelle malformation. Mais pour la grossesse non désirée et l’IVG qui en a résulté, elle coule de source.
Dr Marc Zaffran, alias Martin Winckler
Le point de vue juridique
La difficulté dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres, du reste, c’est la question de la preuve : il faut d’abord que la patiente prouve qu’elle est sortie de la maternité sans contraception, ce qu’elle peut faire en se procurant son dossier médical auprès de cette maternité (demande par écrit accompagnée d’une copie d’une pièce d’identité, sans avoir à expliquer pourquoi elle veut son dossier ; c’est un droit)
Il faut ensuite établir que ce n’était pas parce qu’elle ne voulait pas de contraception qu’on ne lui en a pas donné (argument qu’un médecin de mauvaise foi n’hésitera pas à avancer), mais parce que le médecin ne lui en a pas délivré. Pour cela, les témoignages de l’entourage sur le fait qu’elle ne voulait plus d’enfant sont utiles. Ne pas hésiter à utiliser les rélevés téléphoniques détaillés pour montrer le nombre de coups de fils qu’elle a passés à son gynéco.
Rappelons que pour qu’il y ait plainte il faut une faute et un préjudice
la faute ici, c’est
1° le refus de contraception (donc de soin de prévention) alors que la femme en avait besoin (dans les 3 premiers mois post-partum) - on peut le prouver en montrant qu’il n’y a pas de prescription de contraception à la sortie de la mat ni dans les mois qui suivent - en insistant sur le fait qu’elle souhaitait cette contraception et qu’on la lui a refusée par négligence ; en effet, si le médecin ne lui a pas fait d’ordonnance, ce n’est pas parce qu’il avait en face de lui une patiente qui ne voulait pas de contraception = argument qui risque d’etre soulevé par la partie adverse.
2° la non-prise en compte des désirs de la patiente (des personnes de son entourage savaient que la patiente voulait un DIU et ne voulait plus d’enfant) et le refus d’information sur la contraception et ses limites. la Cour de Cassation a stipulé dans un arrêt que c’est au médecin de prouver qu’il a donné l’information...) ; le Code de la santé publique lui-meme le dit, et c’est repris par la jurisprudence :
Article L1111-2
(Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 art. 9 Journal Officiel du 5 mars 2002)
(Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 art. 11 Journal Officiel du 5 mars 2002)
(Loi nº 2004-810 du 13 août 2004 art. 36 III Journal Officiel du 17 août 2004)
(Loi nº 2005-370 du 22 avril 2005 art. 10 II Journal Officiel du 23 avril 2005)
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen."
Article L1111-4
(Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 art. 9 Journal Officiel du 5 mars 2002)
(Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 art. 11 Journal Officiel du 5 mars 2002)
(Loi nº 2005-370 du 22 avril 2005 art. 3, art. 4, art. 5, art. 10 II Journal Officiel du 23 avril 2005 rectificatif JORF 20 mai 2005)
Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix (...)"
3° la prescription autoritaire (sans consentement éclairé) d’une contraception inadaptée (la pilule) sans vérification que la femme n’était pas enceinte (elle saignait quand elle a vu son médecin. Il aurait dû vérifier !!! ). Il faut, pour argumenter cela, se baser sur les données acquises de la science ou les guides de bonnes pratiques médicales (les recommandations de la HAS, par exemple, indiquent clairement que c’est à la femme de choisir sa contraception, en toute connaissance de cause)
Le préjudice, ici, c’est
1° une grossesse non désirée par absence de contraception efficace dans les 3 premiers mois
2° un retard à la découverte de la grossesse privant la femme du choix de l’interrompre dans les délais prévus par la loi- du fait que le médecin n’a pas tenté de vérifier, quand la patiente est allée le voir, si elle était enceinte, avant de lui prescrire une pilule dont elle en voulait pas... (ça fait partie des obligations du médecin de vérifier qu’une femme n’est pas enceinte avant de lui prescrire une contraception) ; ce type de préjudice est, il faut le souligner, tout a fait indemnisable
3° une grossesse exposée à des risques (médicamenteux en particulier) du fait de l’ignorance de la grossesse et de la prescription fautive par le praticien d’une contraception tardive (la pilule) - susceptible d’entrâiner des malformations
4° un préjudice moral (meme si les montants accordés à ce titre sont surtout symboliques)
Malheureusement, je doute qu’une affaire comme celle là puisse aboutir au pénal.
Cela dit, dans un premier temps, s’il s’agit d’un médecin libéral, je tenterais la voie disciplinaire (Ordre des médecins) : la procédure vient d’être réformée et donne davantage de garanties au justiciable ; en plus, elle est rapide, la juridiction doit statuer dans les six mois après avoir été saisie ; il n’y a pas besoin d’avocat, meme s’il vaut mieux en prendre un. La sanction peut aller du simple blame à l’interdiction d’exercer pendant x temps.
Pour cette procédure, il faut porter plainte devant le conseil départemental de l’0rdre (écrire très clairement qu’il s’agit d’une plainte), qui la convoquera alors à une réunion dite de "conciliation" ; à la suite de cette réunion, elle décide de maintenir sa plainte (il ne faut surtout pas se laisser dissuader) ; le conseil départemental sera alors obligé de la transmettre à la juridiction disciplinaire.
Le motif de la plainte doit comprendre tout ce qui figure ci-dessus , y compris les textes réglementaires et législatifs, histoire de bien cadrer le débat et de pousser le médecin et le conseil de l’ordre qui recevra la plainte dans leurs retranchements.
Il me semble aussi utile de mentionner les articles suivants du code de déontologie médicale :
Article R4127-32
Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents.
Article R4127-35
Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. (...)
Article R4127-40
Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. (ici, le risque de grossesse)
Si la procédure réglementaire n’aboutissait pas (= aucune sanction digne de ce nom contre le praticien), ou si elle souhaite une indemnisation financière, il sera encore temps de saisir le tribunal de grande instance (avec avocat), mais là, le procès dure beaucoup plus longtemps.
S’il s’agit d’un médecin hospitalier, la meilleure solution est, à mon sens, le tribunal administratif, avec avocat meme si ce n’est pas obligatoire.
Si la patiente veut obtenir une indemnisation sans saisir les tribunaux, il reste la soution intermédiaire de la CRCI (commission régionale de conciliation), qui statue plus vite que les tribunaux, mais souvent, avec des indemnités moindres.
Mais la première étape est de monter un dossier solide.
Martin Winckler
PS : même si ce point de vue est donné après discussion avec un juriste, seul un avocat pourrait en dire davantage sur les aspects juridiques de ce dossier.
Les lignes qui suivent sont écrites d’une part à l’intention des étudiants encore incertains sur la nature de leurs obligations éthiques ; d’autre part, à l’intention des "docteurs" qui seraient en train de s’étouffer de colère après avoir lu ce qui précède (je présume en effet que les soignants dignes de ce nom, en revanche, sont d’accord avec moi).
Encourager une patiente à porter plainte contre un praticien indélicat n’est pas "anticonfraternel", c’est une obligation morale pour tout médecin désireux que sa profession soit exercée par des professionnels respectueux d’autrui.
Il serait en effet INACCEPTABLE, d’un point de vue éthique, de rejeter le témoignage d’une patiente en usant d’arguments du style : "Cette patiente n’a pas bien compris" ou "Elle ment" ou "Elle délire".
La parole d’un patient VAUT AUTANT que celle d’un médecin.
Etre médecin confère avant tout des obligations. Si un médecin ne remplit pas ses obligations (de moyen, d’information, d’écoute, de prise en compte des besoins des patients) il est en faute.
Il incombe à tout médecin de faire son boulot et d’en garder les traces (les doubles des ordonnances, les résultats d’examens ne sont pas faites pour les chiens mais pour les dossiers et pour des raisons médico-légales).
Personne n’est parfait, et quand on commet une erreur, la moindre des choses est de le reconnaître et de ne pas aggraver les choses. Le praticien décrit ci-dessus n’est pas simplement fautif. Il a accumulé les erreurs et les fautes et il ne les a reconnues à aucun moment. Par bêtise ou par vanité. Dans les deux cas, il est inexcusable. Et s’il y a eu préjudice, il doit être sanctionné.
Si certains lecteurs médecins pensent qu’il faut défendre à tout prix les attitudes fautives de leurs confrères, je les engage vivement à changer de métier : leur attitude les disqualifie en tant que soignant.
Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire. Maintenant, vous pouvez - selon le cas - continuer à vous former dans le respect des patients, ou continuer à vous étouffer...
Dr Marc Zaffran, alias Martin Winckler
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