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Qu’est-ce qu’une drogue ?
France Inter, "Odyssée "- 13 Juin 2003
Article du 4 septembre 2006

Vous vous souvenez peut-être de ma chronique sur le cannabis, il y a deux mois ? J’ai reçu pas mal de courrier en réponse, et ça m’a donné envie de revenir sur le sujet de la drogue, car au fond, je ne suis pas sûr que tout le monde ait les idées très claires à ce sujet.

Et voilà que dans le numéro de juin 2003 de La Recherche, qui est décidément une très bonne revue de vulgarisation scientifique, Bertrand Lebeau répond justement à cette question : qu’est-ce qu’une drogue ?

D’abord, le mot drogue, au XIVe siècle, désignait un ingrédient servant aussi bien à la teinture qu’aux préparations chimiques. Le mot désignait aussi une potion thérapeutique. C’est pour cette raison qu’en anglais, le mot drug désigne aussi bien un médicament qu’une drogue - ce qui donne souvent lieu à des confusions quand les films ou les séries télévisées sont traduits par des gens qui ne connaissent ni les drogues, ni la langue française...

Parmi les drogues il y a des substances stimulantes (la nicotine, les amphétamines) des substances sédatives (les dérivés de l’opium comme la morphine et l’héroïne, les barbituriques, ou les benzodiazépines que les médecins français prescrivent à tire-larigot, aussi bien pour calmer les nerfs de leurs patients que pour les aider à dormir) et des substances hallucinogènes comme le LSD ou le cannabis.

Certaines cumulent les effets : l’alcool est d’abord stimulant et désinhibiteur, puis il est sédatif ; l’ecstasy est stimulant et hallucinogène.
Toutes ces substances ont en commun d’agir sur ce qu’on appelle les neurotransmetteurs. Qu’est-ce qu’un neuro-transmetteur ? Une substance chimique qui assure la transmission de l’information entre les neurones, c’est à dire les cellules du cerveau.

Les drogues sédatives agissent sur un neurotransmetteur particulier, qui s’appelle la dopamine. Cette substance déclenche un réseau de neurones que l’on qualifie de « système de récompense », et provoque une sensation de jouissance. Les excitants agissent plutôt sur la noradrénaline, ce qui stimule le sujet ; les hallucinogènes agissent plutôt sur la sérotonine, qui joue un rôle central dans les informations sensorielles.

La plupart des toxicomanes ne se droguent pas « pour se détruire », comme on l’a longtemps dit mais, tout simplement, pour stimuler leur « système de récompense » et se donner du plaisir en stimulant leurs centres nerveux par l’intermédiaire des drogues.

(À ce sujet, je m’interroge sur le terme de « toxicomanie » appliqué aux jeunes adeptes de jeux vidéo par exemple. Le jeu leur apporte certainement du plaisir, comme toute activité ludique ou agréable comme la lecture, la musique, les dessins animés ou, à partir de l’adolescence, les galipettes galantes... mais pas par le biais d’une substance chimique artificielle, comme une drogue. Peut-on alors véritablement parler de toxicomanie en ce qui les concerne ?)

Qu’est-ce que la dépendance ? On dit qu’une personne est dépendante quand toutes ses activités et toute sa vie s’organisent autour de la consommation de drogue. Des études sur l’animal ont montré que la dépendance est surtout psychique avec les stimulants (cocaïne ou amphétamine) ; ce qui veut dire que lorsqu’on cesse de leur en donner, les animaux ne font pas de syndrome de sevrage, autrement dit : ils ne souffrent pas de l’arrêt.

Il en va tout à fait autrement avec l’alcool, l’héroïne (qui est synthétisée à partir de l’opium) et les benzodiazépines (vous savez, les trucs pour vous calmer ou pour dormir). L’arrêt brutal de l’alcool peut provoquer un délirium tremens (c’est à dire un état d’agitation intense avec des hallucinations) ; l’arrêt de l’héroïne s’accompagne de douleurs intenses et diffuses ; l’arrêt des benzodiazépines peut provoquer des convulsions. Pourquoi ? Parce que les drogues ont pris la place des neurotransmetteurs normaux dans l’organisme de la personne qui les consomme, et parce que le système nerveux a horreur du vide.

C’est pour cela qu’il est si difficile à un toxicomane de guérir et que l’on recourt de moins en moins au sevrage brutal, effroyablement pénible et douloureux, et de plus en plus à la prescription de médicaments comme la méthadone en lieu et place de la drogue. Il ne s’agit pas là d’une manière de « ménager » les toxicomanes, mais d’une méthode plus adéquate pour les aider à « décrocher » et à se réinsérer. Car le toxicomane souffre aussi de la désinsertion et du rejet social.

Il y a encore beaucoup à dire. L’article de Bertrand Lebeau le fait très bien. Je vous le recommande.
La Recherche, juin 2003, pp 83-86

Martin Winckler

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