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"Osez l’amour pendant la grossesse"
une lecture critique d’un livre d’Ovidie, par Catherine Chaumont
Article du 10 avril 2010
Ce que je vous transmets ici, c’est ma perception de cet ouvrage, quelque chose d’éminemment subjectif donc... J’ai été terriblement déçue à sa lecture. Je m’attendais à un livre traitant sans tabou de la sexualité pendant la grossesse, un peu sulfureux et surtout, axé sur le plaisir et la nécessité d’être à l’écoute du corps et des émotions de chaque partenaire.
Pour avoir lu auparavant certains ouvrages de la même collection écrits par Coralie Trinh Thi, je pensais retrouver une approche holistique de la sexualité, soucieuse de ce qui fait l’intime de chaque partenaire, un récit généreux, ludique, osé, ouvert et tolérant.
A ma grande stupéfaction, les femmes et les hommes y sont décrits avec des comportements stéréotypés, aucune attention et aucun respect n’est manifesté envers la diversité des vécus et des ressentis. L’auteure ne suggère pas plusieurs voies mais une seule, au sein de laquelle les femmes enceintes seraient toutes des "Sex Godess", totalement épanouies sur le plan sexuel durant cette période. Celles qui échapperaient à cette description seraient hantées par le mythe de la mère et de la putain et les hommes qui n’auraient pas envie d’elles auraient forcément un problème avec la maternité.
Bien d’autres choses m’ont heurtée dans ce petit guide rédigé par Ovidie (éd. La Musardine). Je vous propose donc quelques extraits, entre guillemets, suivis de mes commentaires.
"La sexualité et la maternité sont justement les deux piliers fondateurs de la féminité"
Ça commence mal... C’est quoi cette "féminité dont on parle" ? Piliers fondateurs ? On est davantage "femme" quand on a accouché ? Meilleure femme ? Je rapproche ces mots de ceux qu’elle écrit à la fin de son ouvrage "Les mères sont les meilleurs amantes", "Maintenant que nous sommes mères, nous sommes réellement femmes".
Si pour Ovidie, une femme n’ayant pas enfant peut "généralement" trouver d’autres voies pour épanouir sa féminité, la grossesse et l’accouchement vous apportent inconditionnellement cette distinction, dont je vous avoue je ne sais pas trop ce qu’elle signifie...
On m’aurait parlé d’exploration d’une autre dimension de la féminité, j’aurais adhéré. Mais là, non.
Quant au fait qu’une femme ayant enfanté soit forcément une meilleure amante... Comment dire, j’hallucine. D’autant qu’Ovidie note que la maternité marque le temps de l’abandon "des plaisirs immatures d’une sexualité adolescente" pour un élan réellement fusionnel ! Que nous sommes dès lors réellement prêtes à accueillir le sexe de notre partenaire dans notre vagin et d’accepter qu’il nous "effracte" (!) comme notre bébé nous a "effractée" (!).
Effraction, définition : briser un système de fermeture pour commettre un délit... Mes enfants ne m’ont pas "effractée", je me suis ouverte pour permettre leur passage. Et jamais (sauf en cas de viol) je ne pourrais considérer la pénétration d’un pénis dans mon vagin comme une effraction. C’est plutôt un accueil, une aspiration avide, résultant d’un appel et d’une ouverture...
Pour moi une amante épanouie est une femme qui prend du plaisir et qui aime en offrir, qui vibre de toute sa sensualité. On peut être totalement inhibée sur le plan sexuel en étant mère !
Les chiffres qui fâchent : "80% de femmes subissent une épisiotomie lors de leur premier accouchement". Selon les chiffres dont nous disposons, datant de 2003, elles étaient 68% (31% chez les multipares). Depuis, la tendance est à la baisse. On en fait toujours trop, ok (d’ailleurs c’est un sujet qui me fâche aussi). Mais c’est pas la peine d’en rajouter...
Les fausses couches à répétition : "Si vous ne trouvez pas d’explication physiologique à ces fausses couches, peut-être cela signifie t-il qu’inconsciemment vous ne vous sentez pas encore prête à être mère" J’ai cru que j’allais m’étouffer... Déjà, je regarde le bouquin et je me dis que je rêve : c’est censé être un guide sexuel axé sur la grossesse pas un recueil de psycho à deux balles qui colle sur le psychisme des femmes tous les troubles non explicités par la médecine !
Premier trimestre : "Au delà de la crainte de la fausse couche, il se peut que vous soyez rebutée à l’idée d’avoir un rapport sexuel avec votre compagnon. Le clivage de la maman et de la putain s’installe progressivement dans votre esprit. Ce passage à l’état de mère vous fait oublier votre désir (elle aurait dû écrire "devoir", ç’aurait été plus rigolo) de femme. Faites en sorte de ne pas laisser s’installer cette situation. L’absence de sexualité n’a jamais rien apporté de bon au couple. Si vous commencez à interrompre le contact sexuel avec le papa dès le premier trimestre, la difficulté ne fera que s’accroître durant la grossesse et après l’accouchement".
Ca fait partie des trucs qui m’ont vachement énervée. Le culte de la performance sexuelle qui s’infiltre partout, le besoin pour les femmes de combler sexuellement un mec pour qu’il n’aille pas voir ailleurs (passke c’est super grave, il a pas le droit). Jamais Ovidie n’envisage qu’une femme n’ayant pas envie de sexe pendant sa grossesse soit simplement sous l’effet de ses hormones (la progestérone a un effet inhibiteur sur la sexualité). Et puis même si c’est juste qu’elle est centrée sur son nombril et sur la vie qui pousse en elle, même si elle se sent plus mère que femme, où est le mal ?
Ne peut-on pas être simplement à l’écoute de ce que son corps nous dit ? Faut-il se forcer à être amante ? Ne peut-on pas s’accorder des parenthèses durant lesquelles le désir sexuel se fait plus sourd ? Pourquoi forcément l’envisager sous l’angle de la "difficulté" ?
J’aurais aimé lire un bouquin où l’homme et la femme auraient été décrits dans tout ce qui peut faire leur différence. Un livre où on aurait posé le fait qu’il est probable que durant la grossesse, on ne soit pas en phase sur le plan sexuel mais que ce n’était pas forcément à considérer comme un problème. J’aurais aimé une approche plus sensuelle de la relation de couple dans ces cas où l’envie de sexe disparaît d’un côté ou de l’autre, voire des deux. Des caresses, des fous-rires, des massages... pour que la complicité érotique s’exprime sur un autre mode, sans qu’aucun ne culpabilise.
Effectivement, certaines femmes du fait d’une imprégnation hormonale particulière ou simplement parce quelles se sentent profondément heureuses et épanouies, pleines de vie, sont avides de sexe pendant leur grossesse. Mais pas toutes, loin de là.
Les baisses de désir sont tout à fait possibles, sans qu’il n’y ait d’événements traumatiques survenus avant ou pendant la grossesse. Parfois, on ne capte pas soi-même pourquoi pour telle grossesse, on était très réceptive et en demande et pour telle autre, c’était l’inverse.
N’est pas envisagé non plus que pour une femme (ou un homme), la nouvelle forme de sexualité du couple, plus soft, moins sauvage, moins variée et spontanée pour ce qui est des positions, puisse paraître peu excitante.
Est-on forcément obligée de trouver ça éclatant le sexe pendant la grossesse ?
Le sujet de la masturbation est à peine survolé. Exemple : "Rien ne vous empêche de vous masturber durant toute la durée de votre grossesse. Votre désir insatiable (encore présenté comme une évidence !), que le papa ne pourra pas toujours honorer, pourra parfois être apaisé par l’utilisation de sextoys".
Rien de franchement excitant sur le plan sexuel n’est suggéré. La masturbation, avec ou sans sextoys, est ici présentée très sommairement comme un simple moyen d’apaiser une tension sexuelle liée à la frustration. Elle n’est pas abordée telle une manière de développer son autoérotisme, de se redécouvrir avec ses doigts, de caresser et d’explorer ce corps qui change ; pas davantage à jeu à pratiquer en couple.
La masturbation avec ou sans sextoys, peut aussi, par exemple, permettre de déclencher un orgasme en s’abandonnant de façon plus "pulsionnelle", en donnant libre cours à ses fantasmes (centrée sur le ressenti corporel en oubliant l’état de gestation) pour sortir de la configuration "papa-maman" quand d’aventure elle nous perturbe un peu sur le plan sexuel.
Il y a tant de variantes possibles quand on touche à un sujet si intime, bouleversant les sensibilités respectives des femmes et des hommes ! Je ne comprends absolument pas le ton catégorique d’Ovidie. L’absence de désir devient sous sa plume soit inexistante soit révélatrice d’un problème psy.
Du coup, le tabou elle le pose sur la possibilité de devoir ponctuellement faire le deuil d’une sexualité que l’on trouvait épanouissante, pour s’adapter à une autre forme, qu’on pourra trouver géniale ou bof-bof ou nulle :-)
En fait, si Ovidie avait commencé par écrire "Il est possible que vous ressentiez un désir sexuel très fort durant votre grossesse", elle aurait logiquement pu enchaîner sur "Il est aussi possible que ce soit l’inverse" et poursuivre avec des trucs du genre "Voyons voir comment on peut entretenir l’érotisme du couple quand l’un ou l’autre ou les deux n’ont pas très envie de faire l’amour".
Son ouvrage devient dès lors très pauvre : celles et ceux qui vivent douloureusement les périodes de baisse de libido s’y trouvent stigmatisés, sans qu’on leur dise que c’est courant, que ce n’est pas dramatique, sans qu’on leur donne des pistes pour découvrir et partager du plaisir différemment, de manière ludique et décomplexée.
Ceux qui vivent leur éventuelle baisse de libido tranquillement et qui reprendront une vie sexuelle plus active progressivement après l’accouchement n’existent pas.
Et comme Ovidie ne conçoit pas qu’une femme enceinte puisse voir son désir s’émousser du fait de sa transformation physique, elle ne précise pas à quel point il peut être important qu’un homme dise à sa femme combien il la trouve belle avec ses formes généreuses (quand il le pense, of course, il ne s’agit pas de mentir...).
Achtung, le conseil vestimentaire qui tue : "Par pitié, évitez le trop tentant recours au pantalon de jogging lors du dernier trimestre !" Ben ouais, c’est pas sexy...
Deuxième trimestre : "Vos variations hormonales commencent à créer un immense besoin de satisfaction sexuelle. Plus que jamais, vous désirez faire l’amour avec le futur père de votre enfant".
Voilà, on y est : être enceinte, c’est forcément le pied et on se transforme en déesse du sexe : on a envie, envie, envie (du futur père de notre enfant, il va de soit...). Ca semble presque magique ; en fait ça sonne un peu comme les paroles d’un hypnothérapeute. Et si on n’avait déjà pas vraiment envie de lui avant d’être enceinte, ça marche quand même ?
Aucune place pour celles qui ne se retrouvent pas dans cette description idyllique. C’est comme ça, point.
Bon, on apprend que la grossesse "décuple notre libido", qu’on fait des rêves érotiques d’une intensité incroyable (pas moi) et que, je cite, "la grossesse est à envisager comme une sorte de psychanalyse gratuite".
Euh, non. C’est vraiment pas comme ça que j’ai envie d’envisager une grossesse...
"Il est souvent interdit aux femmes d’avoir des rapports sexuels classiques". Souvent ? Ah oui, on apprend dans le bouquin que c’est le gynobs ou la sage-femme qui nous dit si on a le droit d’avoir des rapports selon la consistance et la longueur de notre col... Le toucher vaginal pour autoriser les rapports sexuels, arf... Et l’écoute des sensations corporelles, ça ne suffit pas pour une femme ? Moi qui pensais que si on n’avait pas de signes inquiétants genre contractions, douleurs ou saignements, on pouvait faire crac-crac aussi souvent qu’on le voulait et que les touchers vaginaux, outre qu’ils prédisposaient aux infections n’empêchaient pas les accouchements prématurés...
Paraît que de ce fait (interdiction d’avoir des rapports sexuels), les femmes sont nombreuses à se lancer dans l’aventure de la sodomie et que même des fois, après la naissance, c’est niet, elles veulent plus. La sodomie devient dans ce contexte une, je cite, "prescription médicale non avouée"... Arrrgh... La sodomie présentée comme substitution à la pénétration vaginale sur "prescription médicale". Enoncé comme ça, c’est fou ce que ça donne envie.
Merde : et le plaisir, et la sensualité et les sensibilités, tabous et inhibitions des unes et des autres ? Où est la nuance dans ce bouquin ? Une fille franchement rebutée à l’idée d’avoir un rapport anal ne va pas
subitement y trouver du plaisir. Et celle qui découvre cette pratique et qui y prend du plaisir risque aussi de renouveler l’expérience après la naissance.
Bon, Ovidie ne donne aucune description détaillée concernant les caresses buccales langoureuses des zones génitales ni même de conseils pour apprivoiser l’orifice anal et permettre une ouverture propice au plaisir. Vous trouverez juste quelques croquis montrant des positions "recommandées" pendant la grossesse (mais pas trop comme ci pour ne pas comprimer la veine cave, pas trop fort si t’es comme ça...). Bref, du très technique, fade, dépourvu de conseils coquins, dépourvu d’encouragements à observer l’autre, à cerner les signes qui indiquent qu’il aime ou qu’il n’aime pas (la respiration d’une femme,sa manière de basculer son bassin, l’ouverture de ses cuisses, ses gémissement). Rien non plus sur la présence du bébé : ce tiers présent entre l’homme et la femme, entre papa et maman. Peut-on le caresser ce ventre distendu, et à travers lui le bébé, pendant qu’on fait l’amour ? Comment est-ce perçu par les partenaires ? Est-ce que ça peut être gênant pour l’un, pour l’autre ?
Vous en ressortirez avec une vision tronquée de la maternité : ça m’a fait penser à un sketch de Florence Foresti. La "brigade des nurses" est passée par là ! Tout est beau, tout est chaud, nos seins sont supers sensibles et on adoooore ça qu’on nous les titille (déjà en temps normal on n’est pas toutes pareilles sur le sujet : il y a celle à qui ça procure des sensations de plaisir intense, celle à qui ça ne fait rien et enfin celle pour qui c’est hyper désagréable), on a envie de sexe tout le temps, si on est bonne au pieu, on va accoucher, je cite, "dans la joie voire dans l’extase"... Et là, je fais une pause.
S’il est possible que le fait d’être très à l’aise dans sa sexualité puisse favoriser un accouchement facile, rien n’est sûr ! La plupart d’entre nous ne font d’ailleurs pas le lien entre accouchement et sexe. Dès lors, des inhibitions pouvant affecter notre sexualité peuvent ne pas perturber un accouchement. Il y a des nanas pas franchement branchées sur la bagatelle qui accouchent comme on met une lettre à la poste. D’autres hyper branchées sexe, très à l’aise dans leur petite culotte, qui vont trouver leur accouchement horrible, atroce, à mille lieues de ce qu’elles considèrent comme faisant partie de la sphère de la sexualité ! D’autres en effet, incluant l’accouchement dans le champ de leur sexualité, vont se trouver aussi à l’aise quand elles font l’amour qu’en accouchant (et pas comme l’écrit Ovidie "sur une table d’accouchement" : on peut accoucher ailleurs...).
Ovidie donne une indication fort utile aux futurs papas : ne surtout pas interroger leurs amis (ou membres de groupes de futurs papas) sur l’accouchement de leurs compagnes, non ! Il existerait une sorte de complaisance dans l’horreur (l’histoire de boucherie de Foresti). Vos amis risquent de vous raconter des bobards, juste pour vous faire flipper. La vision toute rose d’Ovidie est tellement plus adaptée à vos besoins... Ah oui, un accouchement, ça dure en moyenne 7 heures (ou des fois plus si l’accouchement "n’avance plus en cours de route"). Hum... No comment, ou bien si : Merde aux montres. Merde aux préjugés sur l’accouchement "normal" qui devrait durer "tant" et où les "pauses " sont interprétées comme pathologiques. Merde.
Préparation du périnée... L’assouplissement du périnée par des massages à l’huile. Bon, je croyais qu’on allait parler Q, moi... Ah ben on y vient, sauf que j’accroche pas du tout : lors des rapports sexuels, la meilleure technique de préparation du périnée selon Ovidie, c’est l’introduction de plusieurs doigts du futur papa, voire la main, avec utilisation d’huile végétale. Et là, j’ai eu besoin d’air (encore...).
Soit j’ai un rapport sexuel avec mon mec et je m’amuse avec un lubrifiant (c’est vachement plus fun que l’huile) à accueillir ses doigts pour devenir dingue de plaisir, soit je fais de la préparation périnéale avec de l’huile. Je ne fais pas de "préparation périnéale" pendant un rapport sexuel. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire... Pour moi, c’est ce qui fait la différence entre un examen gynéco et un délire sexuel. L’intention compte. D’un côté le plaisir et l’abandon pour la femme et l’excitation particulière que peut éprouver un homme lors de ces jeux, de l’autre une optique d’assouplissement des tissus où mon mec devient aussi excitant qu’une sage-femme ou un gynobs quand il glisse ses doigts dans mon vagin.
Ensuite, elle évoque la péridurale, qu’il vaut mieux éviter car la mère en position gynéco "empêche son bébé de s’engager correctement". Les mots importent pour moi : ce n’est pas "la mère" qui empêche son bébé de s’engager, c’est la position qui ne facilite pas l’engagement (et aussi le fait que sous péri, les tissus deviennent mous).
Ovidie précise aussi le recours plus fréquent aux forceps et à l’épisiotomie sous péridurale et note que l’état de notre périnée a de l’importance dans notre vie sexuelle. Mais bon, j’aurais aimé lire qu’un accouchement mal vécu par absence de péridurale, où on accouche malgré soi en n’étant parfois plus que souffrance, sous les yeux d’un compagnon traumatisé par ce qu’il voit, parfois aussi avec un forceps pour "manque de coopération maternelle", ça peut aussi avoir des répercussions négatives dans la sexualité du couple...
Elle évoque le déclenchement et affirme qu’un rapport sexuel déclenche l’accouchement si on est à terme. C’est faux ! Cela peut éventuellement aider dans certains cas, mais celles qui paniquées par leur dépassement de terme ont tout tenté : stimulation des mamelons, rapport sexuel... savent que parfois, rien n’y fait. De la même manière, les déclenchements en milieu hospitaliers usant de prostaglandines ou d’ocytocine ne marchent pas forcément...
Ovidie n’aborde pas une question fondamentale : pourquoi vouloir déclencher un accouchement ? Est-ce souhaitable tant que maman et bébé vont bien ?
Le désir des mecs. S’ils osent vous dire qu’ils vous trouvent moins bandante alors que vous ressemblez à une baleine, pleine de cellulite, de vergetures, voire d’acné sur le dos, les fesses, le visage (ouais,ça arrive à certaines mais Ovidie n’en parle pas), c’est juste parce qu’ils "expriment un refus de votre maternité et par extension de votre féminité".
Ainsi, si on peut comprendre qu’un homme puisse trouver certains physiques non attirants sur le plan sexuel, il n’en va pas de même pendant la grossesse. Même si vous devenez un peu moche et même si vous vous trouvez vous-même plutôt baleine que panthère de l’amour, la sanction est implacable pour monsieur : il a problème dans la tête et ça, c’est pas acceptable.
Re-merde : on peut en rire de notre côté baleine. On peut amener son partenaire à l’apprivoiser en décomplexant. On peut s’amuser d’être temporairement loin de la prédatrice sexuelle que nous étions auparavant. On ne va pas imposer une psychothérapie à notre mec s’il est perturbé par notre physique imposant, ou disgracieux à ses yeux.
Il y a ceux qui vont se délecter de nos formes généreuses, qui vont être fous de notre corps et l’honorer avec délices. Il y a ceux que ça n’inspire pas vraiment. Autant du côté des hommes que des femmes les sensibilités sont variées...
Ces pères qui trompent...
Ouhhh les vilains. Y a ceux qui sont surpris en train de regarder des films pornos, ceux qui tchattent sur des sites de rencontre, ceux qui draguent dans la rue, ceux qui osent se "vautrer" (sic) dans les bras d’une autre femme.
Par son statut de future mère, la femme est plus que jamais en droit de s’immiscer dans l’imaginaire érotique de son compagnon, de "lui demander des explications", de "lui faire comprendre son mécontentement", d’exiger l’exclusivité affective et sexuelle. C’est comme ça dans un couple respectable : on appartient à l’autre, on n’est plus libre, ni de ses pensées, ni de ses paroles, ni de ses actes. Pour moi que cette vision horripile, c’est dur à encaisser sous la plume d’une femme libérée sexuellement. Ah oui, un mec "honnête vous avoue avoir eu une liaison et n’attend pas qu’on le découvre" (à force d’épier notre moitié, on va bien finir par trouver des trucs compromettants). Pire que la prison. On surveille tes communications téléphoniques, on lit ton courrier, on renifle tes vêtements, on veut savoir où tu étais à telle heure et avec qui. On est loin de l’adage "ce qui ne se sait pas ne saurait nuire".
Ces femmes qui trompent leur mari...
Ahhh, ben voilà, la femme libérée sexuellement s’exprime timidement, avec largement moins de sévérité qu’envers les hommes...
C’est nor-maaal : beaucoup de femmes trompent leur mec pendant la grossesse (un "nombre considérable", dixit Ovidie ; je découvre ça avec étonnement...).
C’est soit parce qu’on avait déjà un amant avant, soit à cause de nos hormones de l’amouuuur et de la frustration née d’un compagnon qui refuse de nous honorer. Nous, on a le droit au plaisir extra conjugal, même s’il faut faire gaffe, hein. Pourquoi ? "Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais vous aurez plus que jamais besoin de votre compagnon pendant les premiers mois de votre enfant. Etre maman solo n’a jamais été facile".
Bon, il est donc entendu pour Ovidie que l’adultère signe la fin du couple, que c’est normal d’exercer un chantage affectif sur la personne avec laquelle on vit et que si on doit faire gaffe de notre côté, c’est juste parce qu’un mec, c’est bien utile "pendant les premiers mois" de notre bébé. Après, on peut le jeter.
Elle a une approche très conventionnelle du couple. Reconnaissant que des frustrations puissent naître de part et d’autre elle n’envisage pas pour autant qu’il puisse être normal et sain de combler ses besoins dans l’autoérotisme, l’imaginaire ou dans la liaison amoureuse extra conjugale. Plus gênant pour moi, elle trouve légitime l’intrusion d’une femme dans le jardin secret d’un homme, normal qu’on exige des comptes. Moi, je comprends pas...
Le baby-clash : le mythe du bébé responsable de la séparation du couple... Des stats indiquent des pics de séparation au bout de 4 ans, quelles que soient les cultures, quelles que soient les époques, dès lors que la femme dispose d’une autonomie sur le plan économique. Ces séparations précoces interviennent davantage chez les jeunes sans enfants que chez les moins jeunes...
L’usure du couple, ça existe, même sans enfants. L’arrivée de bébé, même si ça peut être source de fatigue et conflits, c’est aussi un ciment pour beaucoup de couples. Les enfants nous font comprendre qu’ils ont besoin de maman et papa...
Ovidie parle de la dépression du post partum, à différencier du "classique baby blues hormonal du troisième jour". J’ai eu trois gosses, je ne sais pas de quoi elle parle. C’est donc systématique ce baby-blues hormonal ?
Le proto-regard :
"Il est extrêmement important que l’équipe soignante veille à ce qu’immédiatement après l’accouchement, la mère et son enfant puissent se plonger dans les yeux l’un de l’autre. Ce regard sera le ciment d’un amour maternel indestructible".
Nan, l’équipe soignante doit foutre la paix à la maman et à son bébé. Et on doit rassurer les femmes : si des circonstances font qu’elles ne plongent pas leur regard dans celui de leur bébé immédiatement après l’accouchement, elles le feront plus tard. L’amour maternel n’est pas conditionné par nos hormones, ni par un "proto- regard".
Voilà, je vais m’arrêter là. J’ai trouvé tout ça trop nul. Ovidie mettant en avant le fait que l’accouchement faisait partie intégrante de la sexualité féminine, je trouvais ça trop bien. Mais elle manque profondément de nuance, d’humilité face à la grande diversité des ressentis humains, que ce soit en matière d’accouchement ou de sexualité.
Quand elle finit par écrire que l’accouchement n’est "pas un acte physique mais uniquement psychologique", que "tout se joue dans la tête de celle qui accouche", j’ai envie de hurler. Pourquoi dissocier le corps de l’esprit ? Comment nier la part énorme de travail purement physique, déclenché et entretenu de manière involontaire ? Nos caractéristiques, nos forces et nos faiblesses corporelles ? Oui, le psychisme intervient : on accouche toute entière, avec nos émotions, nos ressentis, notre vécu, nos peurs, nos joies... mais aussi avec notre corps, qui va s’ouvrir, qui se contracte, qui transpire, qui a faim, qui a soif, qui a mal... Les deux sont en interaction. Il n’y a pas que le psychisme qui peut compliquer ou faciliter un accouchement sur le plan physique. Il y a aussi le physique qui peut compliquer ou faciliter un vécu psychique...
Catherine Chaumont
PS : Je n’ai absolument aucun a priori négatif vis à vis des anciennes actrices de porno. On peut avoir exercé ce métier et savoir faire preuve d’intelligence, de sensibilité, d’ouverture d’esprit, sans donner dans le stéréotype... J’ai pu lire l’autobiographie ("La Voie Humide") de Coralie Trinh Thi - elle aussi ancienne star du X - et j’ai été absolument bouleversée tant par son style que par la profondeur de son texte, émue jusqu’aux larmes à la lecture de la dernière phrase de ce livre (qui citée hors contexte n’a pas du tout la même signification que lorsqu’on a lu les 700 pages qui précèdent...). Cette femme-là a écrit deux guides dans la collection "Osez" et on est à mille lieues de ce qu’a produit Ovidie.
Mère de trois enfants, Catherine Chaumont est membre de l’Alliance Francophone pour l’accouchement respecté (AFAR) et du Collectif Interassociatif autour de la NaissancE (CIANE).
Elle anime un site internet sur le sujet des Maisons de naissance : http://chaumont.catherine.free.fr/mdn/
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