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Les généralistes sont-ils vraiment des paresseux ?
par Christian Lehmann, Claude Bronner, Jean-Paul Hamon, Hélène Baudry, Martin Winckler
Article du 31 mars 2005
La saturation des urgences hospitalières amène l’urgentiste Patrick Pelloux à tenter de désigner comme boucs émissaires commodes les médecins généralistes qui se "désengageraient de la permanence des soins".
La réalité est qu’aucun médecin généraliste ne se désengage de la permanence des soins, que chacun d’eux l’assume, en moyenne, pendant 55 heures hebdomadaires.
Le travail des généralistes, dans la journée, est probablement moins photogénique, moins visible, moins médiatisé que celui de leurs confrères urgentistes. Il reste qu’ils prennent en charge, 55 heures par semaine en moyenne, des patients présentant des problèmes chroniques, mais aussi des problèmes aigüs plus ou moins sévères, et que cette prise en charge permet à ces patients de ne JAMAIS entrer dans les statistiques hospitalières.
Mais pour le savoir, il faut avoir une vision du système de santé un peu plus étendue, un peu moins cloisonnée, un peu moins corporatiste. (Note de MW : Certains urgentistes, l’ont, cette vision d’ensemble, comme on pourra le découvrir en lisant cette interview du Dr Frédéric Pain, urgentiste et secrétaire général du syndicat des urgentistes hospitaliers)
Patrick Pelloux, qui déplorait il y a quelques mois, comme nous, la mort d’une interne dans un accident de voiture dû à la fatigue un lendemain de garde, devrait savoir que ce qui est intolérable pour les médecins hospitaliers l’est aussi pour leurs confrères généralistes : aucun soignant ne peut travailler jour et nuit d’affilée sans mettre en péril sa santé et la vie de ses patients.
Au moment où la convention médicale fragilise gravement la médecine générale et l’hôpital public, laisser libre cours à des accusations de cette nature, c’est porter gravement atteinte au combat pour une assurance-maladie solidaire.
Les urgences hospitalières sont, comme les généralistes, les victimes d’un système totalement dérégulé dont médecins, infirmiers, soignants, patients, sont devenus la variable d’ajustement.
Elles sont aussi les victimes du discours hospitalocentriste qui a longtemps mis en avant le SAMU et les urgences hospitalières comme le nec plus ultra. Ainsi quand 3000 pédiatres libéraux ont récemment fait grève, certaines radios n’hésitaient pas à rappeler qu’heureusement les urgences hospitalières restaient ouvertes... ignorant probablement que chaque jour, 55.000 généralistes en France accueillent un très grand nombre d’enfants et de nourrissons !
Elles sont les victimes, encore, de la casse de la médecine générale, et de la destruction programmée du tiers-payant en médecine générale, qui permettait aux patients démunis de se soigner sans avancer les frais.
De nombreuses propositions, de nombreuses expérimentations de régulation de la permanence des soins ont été menées par les généralistes conjointement avec les urgentistes, sur l’ensemble du territoire. Mais l’Etat rechigne à engager les moyens nécessaires à la mise en place et à la pérennisation de systèmes organisés, cohérents, attractifs, sur la base du volontariat.
Ceux qui rêvent de coercition n’ont rien compris, ne voient pas ce qui se passe autour d’eux :
la désertification du tissu médico-social, le vieillissement des praticiens en exercice, la vertigineuse chute démographique qui s’annonce.
– Dr Christian Lehmann, médecin généraliste, co-auteur du Manifeste-sante-mg.org
– Dr Claude Bronner, médecin généraliste, président de MG-VA
– Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste, vice président de la FMF
– Dr Hélène Baudry, médecin généraliste, présidente de l’Amedref
– Dr Marc Zaffran (Martin Winckler), médecin généraliste, co-auteur du Manifeste-sante-mg.org
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