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"Les Cahiers Marcoeur", 9e épisode
Article du 20 mai 2004

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PRIERE D’INSERER, 2

Les éléments bio-bibliographiques nombreux (et néanmoins fictifs) rassemblés dans cet ouvrage, ont été recueillis entre le 22 février 1955 et le 22 juin 1991. La frappe du manuscrit a été effectuée sur un ordinateur compatible équipé d’un processeur 80286, d’un disque dur de 20 méga-octets et de deux lecteurs de disquette, (l’un de 3 pouces 1/2, l’autre de 5 pouces 1/4) entre le 20 avril 1990 et le 21 juillet 1991. Le tout constituant un manuscrit de $$$ feuillets et $$$$$$$ signes typographiques (environ). Après relecture et correction, le manuscrit a été composé en Times corps 9. L’illustration de couverture a été choisie par l’auteur. Le premier tirage est sorti il y a une semaine des ateliers de Normandie Roto S.A. 61250 - Lonrai.

Il s’agit d’une oeuvre d’imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures (Petit Robert, 1973), autrement dit : un roman.

Il y a quelques jours, votre serviteur (l’exemplaire que vous manipulez un peu négligemment) a voyagé, avec quelques autres, du dépôt du diffuseur à la réserve de cette librairie, via un carton de ce qu’on appelle "l’office". Voici quelques heures, on m’a posé sur ce présentoir ou cette table. Cela fait bien dix minutes que vous me tournez autour et relisez ces lignes. Vous avez beau scruter ma couverture, me feuilleter du bout des doigts, me tourner dans tous les sens, vous ne savez pas à quoi vous en tenir. Je suis trop gros. Pas facile de m’appréhender d’un coup d’oeil. En plus, je vous propose deux tables des matières, l’une au début, l’autre à la fin. Et huit (8 !) "Prière d’insérer". Mais pas le moindre index. Ce sont pourtant des choses qui se font.

Je vous agace, je peux l’imaginer. Vous êtes à deux doigts de me reposer. Mais - qui sait ? - taraudé par la curiosité et l’excitation sourde que je fais naître en vous en ne me livrant pas, vous résistez peut-être et, vaguement troublé, vous m’emportez à présent vers l’entrée.
Vous venez de mettre les yeux dans l’engrenage.

Félicitations ! vous faites partie des lecteurs qui prennent des risques. Soyez cependant assez aimable pour passer à la caisse.

Deuxième Partie : Jeudi

Un livre écrit de manière frénétique
comme si l’auteur avait sans cesse quelque chose à cacher.
(Peter Handke)

Le dossier vert, 2

Pourquoi décide-t-on un jour de s’asseoir dans un coin, devant un objet de fabrication industrielle, et de se couper du monde pendant des heures, parfois plusieurs jours, pour plonger dans un univers imaginaire ? Car tout écrit crée de l’imaginaire : le plus pointilleux des documents, le plus abscons des manuels de mathématiques, le dédale infini d’une réglementation administrative sécrètent de l’imaginaire. La description minutieuse d’un bidonville deviendra le décor fantastique de cérémonies macabres ou de mélodrames larmoyants. Le livre de mathématiques ouvrira sur des dimensions inexplorées peuplées de machines invraisemblables et d’univers délirants. Le règlement, le décret, la circulaire, bientôt forés par les cas particuliers, les exceptions, les situations non prévues, deviendront le labyrinthe d’hommes désespérés et sarcastiques. Il n’est pas d’écrit qui ne soit littérature, puisque la littérature parle du seul monde vrai : l’imaginaire.

Le monde réel n’est pour elle que la toile de fond sur laquelle les ombres prennent forme. Car en littérature les ombres font relief, et le décor est plat.

(Les Tout Derniers Cahiers)

LA CHEMISE JAUNE : FREDERIC

« ... un "protocole d’approche des femmes" : les choisir fermes et de bonne tenue ; les faire devenir tendres et juteuses. » (Le Cahier de chair)

Assis dans un ample fauteuil du salon de l’Hôtel Continental, le nez dans son expresso, Frédéric n’écoute plus ce que lui dit le gros homme assis en face de lui. Au début du repas, il était question de promotion des produits, de courbes de croissance, de qualité de service, d’image de société. Imperceptiblement, au détour d’une caille croustillante, le propos s’est infléchi du produit vers la cible, du rouge à lèvres aux lèvres, du mascara à la couleur des yeux, de la crème de beauté à la peau ferme du visage, la peau laiteuse que l’on prend soin de brunir sur les affiches et de cacher en ville. A présent, avachi sur le cuir rebondi de la banquette, le gros homme débite d’un ton confidentiel une série d’histoires qu’il attribue à un sien ami, sans pour autant faire illusion.

Près de lui, Roussel, directeur commercial de la branche cosmétiques de Ladyhawke se retient à grand-peine de commenter, voire d’y aller de son propre couplet. Le gros homme est trop important. Frédéric serre les dents et se met à rêver de cadres spéciaux, habilités à traiter les contrats en distrayant eux-mêmes leurs interlocuteurs, bref à négocier avec leur queue ou leur cul. Mais si l’on se met à recruter les cadres supérieurs en tenant compte de leurs prouesses sexuelles, il faudra exiger qu’ils se fassent vacciner contre les maladies sexuellement transmissibles et vérifier périodiquement leur état de santé. Décrocher un contrat en contaminant le client, ça la foutrait mal !

Peu à peu, Frédéric se peint le gros homme un peu plus maigre, un peu moins chauve, un peu plus sensuel, parce qu’il est vrai qu’il parle bien. Il ne lui manque que le physique de l’emploi.
- Qu’en pensez-vous, Zacks ? demande Roussel.
- J’en pense... que ce sont toutes des salopes ! rétorque Frédéric en se levant brusquement.
Le gros homme éclate d’un rire gras tandis que Roussel interloqué fait semblant de n’avoir pas compris.

Dans les toilettes, Frédéric passe longuement ses mains sous l’eau froide. Il les frotte fermement, comme s’il voulait en faire partir la peau. Mais la peau tient. Il les porte à son visage. Elles ont une odeur, ces mains, une odeur indéfinissable, l’odeur-mélange de tout ce qu’il touche dans la journée, le gel moussant, l’après-rasage, le café, le savon liquide, les essences au laboratoire d’essais, les échalotes de la bavette, les oranges, les cachous, le savon en poudre, les mains moites de tous ces cons, le con moite de - Eh bien non, pas aujourd’hui...

Il se regarde dans la glace. Il a trois cheveux blancs sur la tempe droite. Ça lui fait une belle jambe.

* * * * * *

La femme avance d’un pas décidé. Elle porte une longue veste de laine. Un sac en plastique se balance à sa main droite. De la gauche, elle ferme le col de sa veste. Un pantalon rouge sombre, ample, finit de rendre ses formes incertaines. Elle a de très longs cheveux noirs qui descendent presque jusqu’à la taille, retenus en arrière par un double anneau élastique rouge. Elle traverse, les yeux droit devant elle - à la hauteur du premier étage -, et frôle en passant l’avant de la voiture, au point que Frédéric se demande s’il ne l’a pas entendue toucher la carrosserie. Au moment où elle atteint le trottoir, son visage plonge vers le sol et il croit la voir frissonner. Mais déjà, elle se redresse.

Il la suit des yeux en espérant qu’elle va dans la même direction que lui - dès que le feu sera vert, il la dépassera, ira se garer plus loin et reviendra à pied à sa rencontre - mais elle disparaît au coin de la rue toute proche.
- Pauvre con ! Tu n’as pas encore compris ? Tu ne la reverras jamais. Jamais ! crie-t-il en frappant sur le volant de toutes ses forces. Derrière lui, on klaxonne. Il remet les gaz et fait crier ses pneus.

* * * * * *

- Je vous écoute, dit Frédéric d’un ton ennuyé.
L’homme, très bien habillé, arbore une superbe cravate. Il sort de sa mallette deux boîtes à échantillon.

- Voici d’abord notre patch au parfum. C’est une retombée de la recherche médicale sur l’administration des hormones et des médicaments par voie cutanée. Comme vous le voyez, ce patch auto-collant est grand comme une pièce de monnaie, il adhère très bien à la peau, même sous la douche ! On l’ôte au moyen d’un solvant spécial. Il libère une quantité fixe de parfum pendant un, cinq ou huit jours, selon le modèle. Finies les senteurs éventées, plus besoin d’atomiseur. Même après une nuit agitée, l’utilisatrice se réveille aussi parfumée que la veille. Qu’en dites-vous ?

- Ça ne marchera pas, fait Frédéric en haussant les épaules.

- Pourquoi ?

- Les femmes ont souvent plusieurs parfums, qu’elles utilisent selon les circonstances. Elles changent. Et puis il y a tout une gestuelle du moment où elles se parfument et où leur homme vient leur mordiller le cou... Le patch ne permet pas ça. Et d’ailleurs, où l’appliqueront-elles, ce patch ?

- Il est conçu pour se poser derrière l’oreille ou sous l’aisselle.

- Bravo ! Quel est le génie qui a eu cette idée ?

- Euh... mais, c’est comme ça qu’on fait en médecine pour administrer les médicaments contre le mal de mer ou les hormones pour les femmes ménopausées...

- Ah, bon ? Il ne vous est pas venu à l’idée que cela pourrait être un peu indécent, indiscret, indélicat ?

- Euh, non... pourquoi ?

Frédéric se tait et tente d’imaginer son interlocuteur effleurant des lèvres le lobe d’une oreille ou le globe d’un sein. Evidemment, il échoue. Il soupire.

- Ça ne fait rien... Passons. Mais je suis persuadé que ça ne marchera pas.
Le représentant, un peu troublé, fouille dans sa mallette et enchaîne rapidement sur le second produit :

- ... un vernis à lèvres à intensité progressive : de plus en plus lumineux à mesure que la lumière descend, il est presque visible dans le noir total. Un nuancier de deux cent dix teintes... et c’est indélébile !

- Comment ça, indélébile ?

- C’est indispensable, si l’on veut assurer le maintien de l’effet photosensible jusqu’au soir... Enfin ce n’est pas tout à fait vrai, le vernis est présenté avec son démaquillant spécial dans un stylo-pulseur bicéphale...

- Ouais. Le feutre et l’effaceur, en quelque sorte ?
Le représentant reste interdit, puis tente un sourire poli.

- Ah, je n’avais pas pensé à ça, mais maintenant que vous le dites... Nous sommes en train de mettre au point un article que vous voudrez certainement intégrer à votre ligne, et tout à fait original, puisqu’il s’agit d’un rouge à lèvres qui change de teinte chaque fois qu’on ouvre le tube...

- Quel est l’intérêt, si on ne sait pas ce qu’on va trouver ?

- Mais nous avons pensé que beaucoup de femmes aiment les surprises.

- Oui, elles aiment les surprises quand ce sont elles qui les font, ou quand celles qu’on leur fait sont prévisibles...
Percevant l’agacement croissant dans la voix de Frédéric, le représentant range ses affaires et, mallette sur les genoux, prêt à partir, il fait une ultime tentative...

- Euh, je sais que la société LadyHawke ne commercialise pas ce genre de produits mais je voulais tout de même vous signaler que nous avons lancé une gamme de cosmétiques destinés à des activités spécialisées, comme le théâtre ou le cinéma... Si vous voulez, je peux vous montrer le dépliant ? Là, c’est le rouge qui s’intensifie dès qu’on l’applique ailleurs que sur les lèvres. Ici, c’est le rimmel qui coule sans pleurer. Et ici le lait démaquillant qui laisse des traces - et le produit spécial pour l’enlever.

- Et pourquoi pas un soutien-gorge éjectable qui se détache quand on siffle ?

- Hahaha, très drôle !!! Notez bien, il existe des attaches très pratiques...
Je sais, pense Frédéric. Jeannette portait un splendide body carmin dont les pressions étaient des attaches magnétiques. La garce ! ce qu’elle a pu me faire attendre avant de l’enlever, ça a duré une heure. Je l’avais allongée sur le tapis, la télé était en marche. Chaque fois que nous roulions devant le poste, il changeait de chaîne.

* * * * * *

L’enregistreur est à peine plus grand qu’un paquet de cigarettes. Frédéric le laisse toujours dans la boîte à gants de la voiture, avec une cassette et des piles de rechange. Il parle.

« Une note à l’intention de Monsieur Morand, du secteur recherches... Cher ami, le projet dont j’aimerais m’entretenir avec toi est je le crois de première importance pour l’avenir de la société. Je ne t’apprendrai pas que, par les temps qui courent, une maison comme la nôtre doit non seulement façonner au millimètre son image publique mais encore montrer sa différence, voire afficher ouvertement ses prises de position sociales ou politiques.

Le temps où les produits de beauté et le matériel de maquillage étaient des objets de luxe est révolu, les cosmétiques font à présent partie intégrante de la vie quotidienne. Une grande palette de produits toujours renouvelés doit se poser quotidiennement la question de l’adéquation aux besoins des utilisatrices. Il ne suffit pas de fabriquer des produits de qualité et de les commercialiser à des prix accessibles, il faut que ces produits soient dénués d’inconvénients et mettent totalement à l’abri de réactions allergiques ; mieux : il faut que les femmes choisissent les produits LadyHawke parce qu’ils apportent un "plus" à leur vie quotidienne.

C’est dans cet esprit que nous avons orienté notre effort de recherche, et ceci, sous mon impulsion, vers le développement de produits de beauté thérapeutiques. Il ne s’agissait plus de fabriquer des crèmes collagènes ou des lotions hydratantes pour un bénéfice hypothétique, il fallait mettre en oeuvre ce que l’on sait des maladies de la peau, des ongles et des cheveux, et les premiers, développer les produits que les médecins pourront être amenés à prescrire.

Les enquêtes sur un panel de généralistes du département sont à cet égard très encourageantes puisque les praticiens semblent très souvent soumis à des demandes cosmétiques de la part de leur clientèle. Ainsi, nos laboratoires mettent la dernière main à un fond de teint anti-acnéique qui devrait être très bien accueilli par les adolescentes, et peut-être aussi par une frange minime mais non négligeable de la population masculine.

J’en viens à l’objet de ce mémo : Je voulais te proposer un autre axe de recherche qui me semble prometteur. Nous sommes, tu le sais, au stade d’étude d’un nécessaire à maquillage, dont les éléments miniaturisés (crayon, blush, tube de rouge, stylo à mascara, etc...) tous rechargeables, contiendront des produits sous pression d’azote, et dont le volume total ne dépassera pas la taille d’un étui à cigarettes.
Je te propose de concevoir un container destiné aux préservatifs ultra-fins de notre filiale latex. Je pense en particulier aux modèles qui seront parfumés avec des essences de notre gamme masculine. Ce container pourra renfermer trois à cinq préservatifs sous étui stérile, il devra être pratique - il n’est pas question que l’utilisateur éparpille ses capotes sur le lit en voulant se servir - et se fixer au nécessaire de maquillage par un simple clip, ou même... par attaches magnétiques.

Il devra être discret, pourra être acheté séparément et, comme le nécessaire à maquillage, comporter une version de luxe, bien entendu. J’insiste sur le caractère pratique de l’objet, qui devra être d’utilisation aussi naturelle et décontractée qu’un étui à cigarettes. Aujourd’hui, contraception et protection convergent en un même procédé, utilisable par tous et par toutes, il nous faut donc oeuvrer dans ce sens pour faire de LadyHawke la première société à assumer ses responsabilités dans ce domaine.

Merci de me répondre dès que possible ce que tu penses de la faisabilité de ce projet. Il va sans dire que ceci reste entre nous tant que nous n’avons pas mis le projet au point et effectué une petite enquête préliminaire. Actuellement, j’aimerais surtout savoir si techniquement cela te semble réalisable.

* * * * * *

Frédéric est seul dans un box de l’Oliver’s. Il regarde attentivement la barmaid, elle est assez gentille, pas bête, et peut-être que... mais non, il faut se sortir ce genre d’idée de la tête. Il regarde sa montre. Il est 18 heures 30. Il se demande ce qu’il fait là, pourquoi il est venu dans ce bar, les femmes ne viennent jamais seules ici, ou seulement lorsqu’elles ne veulent pas se faire draguer par les hommes, tandis que lui, s’il reste encore un peu, un mec va sûrement finir par l’aborder, ça lui arrive déjà régulièrement dans la rue, alors ici...

Un homme entre. Il porte une large moustache, un imperméable ruisselant, un chapeau qu’il ôte et secoue. Il se dirige vers le bar. Frédéric le regarde, il lui rappelle quelqu’un. L’homme s’installe sur un tabouret haut, commande quelque chose, se retourne pour observer la salle. Son regard croise celui de Frédéric. Les deux hommes se fixent attentivement. Au bout de quelques instants, l’homme prend son verre, descend de son tabouret et s’approche, d’abord hésitant, puis il pointe son index vers Frédéric :
- Zacks, Frédéric Zacks, c’est ça ?
- Oui, c’est ça. On se connaît ?
- Je pense bien ! Le Club 37 il y a - oh mon dieu, bien sept, huit ans, vous ne vous souvenez pas ? Jacques Leterme !

Frédéric se lève, serre la main tendue, fait un vague signe mais l’autre se vautre déjà dans un fauteuil du box.
- Dites-moi, ça fait une paie !
- Oui, répond Frédéric en sirotant son cocktail de mangue.
L’autre sourit, toussote, constate que son interlocuteur n’a guère envie de parler et risque :
- Je passe la soirée à Tourmens, je repars demain, chuis chez Markson, le matériel agricole, les tondeuses, mais la route la nuit j’aime pas trop, et puis ça me repose de ma femme de passer une nuit dehors de temps à autre, hein... Et vous ?
- Moi, je vis ici. Mais je ne suis pas marié.
- Ah ! Vous travaillez à Tourmens ?
- Oui. Chez LadyHawke.

Leterme sourit grassement et se lisse la moustache tandis que la barmaid lui apporte son whisky.
- Ah, oui, La femme dans tous ses états ! Fameuse, la pub, le top model qui se maquille, s’habille, se parfume, et se couche dans les draps de soie, tout vient de chez vous. Comment c’est, le slogan ? LadyHawke - Tout ce qui plait aux hommes, c’est ça ? Vous n’avez pas changé, hein, toujours les femmes ? Dans le temps déjà, je me souviens, vous étiez très entouré...
Frédéric hausse les épaules.

- Si, si ! Je me souviens d’une flopée de gonzesses qui n’avaient d’yeux que pour vous. Moi, je n’ai jamais pu en emballer une, pas même le jour où vous avez commencé à vous ranger, brusquement on vous a vu sans arrêt avec la même, personne ne savait d’où elle sortait, mais les filles - je me souviens d’une en particulier, j’en rêvais la nuit... Alexandra, c’est ça ! - les filles étaient d’une jalousie féroce, elles l’auraient bouffée, comment s’appelait-elle déjà ?
Frédéric ne répond pas.
- L’américaine ! insiste Leterme. Elle avait un nom pas possible !...
Il claque des doigts, très excité.
- Chérie Smith, c’est ça ?
- Shari Jones.
- Oui, peut-être bien... une fille superbe, qu’est-ce que vous avez dû vous... enfin ! Et vous ne l’avez pas épousée, en fin de compte ? Elle est repartie dans son pays ?
- Elle est morte.
- Oh ? ... Sans blague... J’savais pas...
Il plonge dans son whisky.
- ... Quel dommage... Une si belle fille. Vous deviez l’aimer beaucoup...
- Non, fait Frédéric en se levant. Pas beaucoup.

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Merci à Louise Kelso-Bartlebooth pour la mise en page de cet épisode.


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