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"Les Cahiers Marcoeur", 35e épisode
LA CHEMISE BLEUE : Emmanuel
Article du 19 août 2004
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LA CHEMISE BLEUE : EMMANUEL
Le Shogun est fermé, évidemment. Qu’est-ce qui lui a pris de venir là un dimanche matin ? Emmanuel passe devant le bistrot. Le juke-box déverse une cataracte de musique rythmée. S’il poussait jusque chez Antoine ? Il regarde sa montre. Dix heures trente. Pourquoi pas ?
Il traverse l’avenue, croise des religieuses, une calèche transportant des touristes aux yeux bridés, deux clochards portant des tennis presque neuves. On va encore lui faire la gueule tout à l’heure quand il va rentrer. Il a dit qu’il allait acheter le journal mais elles savent bien qu’il en a pour une heure. Il court presque, à présent. La librairie est au bout de la rue Basse. Une profonde librairie-papeterie à la façade en bois repeinte il y a quelques années depuis que le père a laissé ses fils prendre la relève. C’est fermé. Il colle son nez contre la porte vitrée. Ça ne serait pas étonnant que... Oui !
Manu se glisse dans la ruelle qui sépare la boutique de la maison voisine et frappe à une fenêtre. La fenêtre s’ouvre. - Bonjour, Manu ! Passe par derrière. - Je ne te dérange pas ? demande Manu en serrant la main d’Antoine. - Tu penses bien que si je suis ici ce matin, c’est seulement pour le plaisir... - Tu passes la semaine à remplir des papiers de commande et tu trouves encore la force de venir le dimanche ?
- C’est plus fort que moi. Quand j’étais gamin, mes parents se désolaient parce que je ne lisais jamais à la maison. En réalité, je n’aimais lire qu’ici, assis entre deux présentoirs. Et ça continue. Le dimanche, je viens renifler les livres, les feuilleter, choisir ceux que je vais emporter chez moi. Quand ils sortent des cartons ils ne me disent rien. Il faut qu’ils aient passé quelques jours parmi les autres livres. Qu’ils se soient faits à l’atmosphère... Et toi, Manu, quel bon vent t’amène ?
Emmanuel reste évasif. Il parle de ses enfants, pour lesquels il cherche tel ou tel album illustré, de Dolorès qui ne parvient pas à trouver tel traité de linguistique - est-ce que par hasard Antoine ne connaîtrait pas le diffuseur ? -, du film qu’il avait enregistré il y a deux nuits mais qu’il n’a pas réussi à regarder hier soir - Ah ! Gary Cooper... A vrai dire, il ne sait pas exactement pourquoi il est venu. Sans doute pour s’immerger dans les livres, comme son ami. Si la librairie avait été ouverte, il aurait pu flâner parmi les volumes sans avoir à faire la conversation. En l’occurrence, c’est plus délicat. Les deux amis échangent trois phrases et Manu ressort. Un moment, il a craint qu’Antoine ne lui demande des nouvelles de son père. Mais Antoine n’a pas abordé le sujet.
Empli d’un grand sentiment de frustration, il remonte l’avenue Magne vers la Maison de la Presse. Le rayon des revues informatiques est plein à craquer. Tous les numéros de mars sont déjà en vente. Il n’a que l’embarras du choix. L’Ecriture Electronique affiche un Dossier Spécial Roman ; Micro-Graphies consacre ses pages nouveautés à "Synopfiction 1.5" ; Plume et Souris renchérit avec les meilleurs logiciels de bases de données Polar et un entretien avec l’écrivain Ron Subsack, père du fameux Gerry Moseley, le Perturbateur.
Emmanuel les achète tous les trois. Il sait qu’au milieu des pages de publicité glacées, parmi les articles de rédactionnel compassé, entre deux bancs d’essais sponsorisés, il a une faible chance de trouver une information intéressante. Sur le comptoir de la boutique, il saisit un exemplaire du dernier Gerry Moseley, le retourne et lit distraitement la quatrième de couverture. - Ça fera quatre vingt quinze francs. La caissière retient ses doigts au-dessus de la caisse. Vous prenez le livre aussi ?... Emmanuel retourne le livre. Sur son énorme poitrine, une superbe rousse étreint un gigantesque stylo. Il hoche la tête. - Non merci, je regardais seulement.
* * * * *
Il descend la petite rue Princesse. Là-bas sur la place, la croix verte d’une pharmacie clignote au-dessus d’un panneau d’affichage lumineux. Dimanche vingt février. 12 h 01. 7 °C. La pharmacie Homey vous propose la gamme Ladyhawke : Laits hypoallergénolipidoprotéiques vivifiés - Crèmes de jour et de nuit - Traitements antipeaulluants - Dentifrices gingivotoniques
Tu te rends compte, songe Manu, si tout le monde pouvait avoir son petit journal lumineux au-dessus de sa porte d’entrée, pour avertir de toutes ses petites misères quotidiennes, ses petites plaies, ses malédictions minuscules ? Genre : Faut que les visiteurs sachent dans quel état j’erre. Je vois ça d’ici. Douze janvier : chasse d’eau en panne - Treize février ; le plombier est passé ce matin. Bien cher, je vous le recommande pas - Seize février : mon petit dernier a sali sa couche, les Doucalines épongent pour vous - Vingt-deux février : Aujourd’hui, rien. Le robinet coule un peu. Ma femme vient de me quitter - Six mars : fuite de gaz. Les pompiers viennent de repartir. Je vais appeler le médecin pour qu’il me prescrive des tranquillisants. Dix-huit mars : Il n’y a plus d’abonné au numéro
- Manouchéri, ta femme commençait à s’inquiéter. Mais dis-moi ce que tu peux bien trouver à faire en ville un dimanche matin ? Manu pose tendrement la main sur le bras de sa mère et lui sourit sans répondre. - Regarde, Papa ! dit Mathieu en le tirant par la manche. Ça c’est ma voiture volante. Regarde, ça, c’est pour recharger, quand c’est prêt la lumière rouge devient verte. Et là, c’est dedans, j’ai collé, tu vois. Ici, l’accélérateur, et puis les sièges, et puis y a un parachute, au cas où. Et là, tu vois, c’est la télécommande. Et les deux poteaux suspendus, ça sert à ... à... enfin, tu vois, faut qu’il y ait de l’énergie dans la voiture, alors comme la clé de contact elle donne pas beaucoup d’énergie, il faut que le bâton touche le fil électrique pour démarrer. Bon, par là je regarde si j’ai rien oublié, et le petit écran sur la télécommande c’est pour voir où elle va. Elle te plaît ? - Beaucoup. Mais où est le siège du conducteur ? - Ben, on le voit pas, il faut ouvrir la porte.
* * * * *
Près du lit Emmanuel a posé les chemises et les livres qu’il a apportés, et ceux qu’il est allé dénicher dans le grenier, avant de se coucher. Il ne peut pas venir ici, dans la maison de son enfance, sans aller faire un tour au grenier, trois pièces aux cloisons de plâtre effondrées dans lesquelles sont entassés des livres, des journaux, des revues, des cartons de vêtements, de vieux postes de radio, des couvre-lits désaffectés, des outils rouillés, des chaises trouées, des objets passés de mode. Hier soir, dans une valise qu’il n’avait jamais remarquée jusque là, il a retrouvé des romans de jadis, imprimés en gros caractères, avec des titres de chapitres, une illustration toutes les dix pages, des personnages flamboyants, des animaux féroces, des châteaux, des déserts, des océans et leurs fonds mystérieux, des aventures incroyables, des mondes perdus, des fleuves d’éternité. Il y en avait une cinquantaine comme cela. Tous recouverts de toile bleu-nuit, miraculeusement épargnés par le temps. Manu était d’autant plus ému qu’il ne se souvenait pas en avoir possédé autant. Il en a reconnu quelques-uns, dont les illustrations faisaient resurgir des fantômes de lecture, mais n’est pas parvenu à se rappeler les autres.
Il a prélevé dans la malle une dizaine de volumes, qu’il a empilés près du lit en se disant qu’après avoir visionné le film, vers deux heures du matin, il aimerait s’y replonger. Bien entendu, il n’a pu respecter cet excellent programme, car il s’est endormi devant la télévision au bout de vingt minutes. Vers deux heures et demie, titubant comme un mort-vivant, il n’a eu que la force de se glisser dans son lit. Au petit matin, les enfants sont venus comme d’habitude le réveiller vers neuf heures pour lui demander s’ils pouvaient regarder TransPacific II, « c’est super génial et ya encore plus de personnages et en plus ya un concours on peut gagner l’armure foudroyante de Rimo le Dangereux et le jeu vidéo yaura plus qu’à s’acheter la console j’en ai vu une chez Guillaume il l’a lui papa dis tu veux bien ? »
A présent, il est quelque chose comme quatorze heures. Emmanuel a demandé la permission de se retirer pour faire une courte sieste après cet excellent repas. - Bon, mais pas trop longtemps, qu’on puisse aller voir ton père avant quatre heures et demie, tu sais qu’après ça fait tard pour lui, a dit sa mère. - Oui Maman, a répondu Manu. Il est énervé. L’insistance avec laquelle sa mère le rappelle à ses devoirs l’horripile au plus haut point. Il a beau avoir bientôt 36 ans - elle l’a même fait inscrire en toutes lettres sur le gâteau, ce midi -, trois enfants et de nombreux cheveux blancs dans sa barbe brune, il n’en reste pas moins le petit de sa maman et n’arrive pas à s’y faire.
Enfin, à présent il est tranquille pour au moins deux heures. Les enfants ont interdiction formelle d’entrer dans la chambre. Encadré d’un côté par ses livres d’enfance, et de l’autre par les revues achetées le matin même, Emmanuel soupire d’aise. Il s’adosse lourdement contre la tête de lit. Sur son dos, quelque chose lui fait mal. Il glisse la main sous la chemise. Son dos va de mal en pis et il n’a pas pensé à s’arrêter à la pharmacie en revenant ce matin. Il tripote vaguement les zones qui le démangent, installe l’oreiller contre le bois du lit et ouvre L’Ecriture Electronique. Il a repéré dans une des pages du début un produit très intéressant. Voyons.
Ah, voilà : ReadFast, logiciel de lecture accélérée... gain de temps considérable... douze étapes programmées... neuf cents mots-minute (fichtre !)... utilisé par la Nasa lors de la formation des astronautes... Bon, mais ça fonctionne comment ? ... délimite sur l’écran un quadrillage 7 x 7 dans lequel sont inscrites les phrases... l’oeil déchiffre carré par carré, selon des diagonales successives... Idéal pour les banques de données informatiques....
Evidemment ! Ça n’est fait que pour lire sur les écrans... Emmanuel se renfrogne. C’était trop beau. Il pensait qu’enfin, on allait lui permettre de rattraper son retard. Il a déjà tout essayé, rien ne marche. Pas moyen d’apprendre à lire plus vite qu’il ne le fait. Il a eu beau faire une demi-douzaine de stages, dévorer une vingtaine de livres sur le sujet, rien n’y fait. Ah, si ! Il sait lire L’idée en un quart d’heure, saisir l’essence d’un article scientifique de trente pages en quelques minutes, découvrir en quelques secondes le paragraphe important d’un lourd Traité de médecine. Là, ça marche. Mais pour la lecture des romans et nouvelles, zéro. Ses yeux semblent fonctionner au ralenti, céder le pas à la voix d’adolescent qui annone en lui dès la première ligne de la première page.
Depuis quand cela est-il ? Il ne le sait pas. Depuis le temps où il lisait en se passant toujours les mêmes disques sur un vieux Teppaz blanc monophonique, qu’il remettait en marche sans regarder, en tirant sur le bras avant de reposer la tête au bord du disque en la guidant du pouce. Toujours les mêmes disques : Rhapsody in blue, le Boléro, Sammy Davis Jr at the Cocoanut Grove, Porgy and Bess, Smitty Ducksteen’s Wanderlust... Il peut, s’il ferme les yeux et se met à fredonner l’une des mélodies ressassées, se rappeler des paragraphes entiers, des illustrations de couvertures, l’excitation ressentie lors d’une fuite éperdue dans des souterrains ou la tristesse éprouvée à la mort d’un personnage attachant.
De toute manière, comment peut-on lire rapidement de la fiction ? La lecture, c’est forcément le rythme de chacun, le rythme de la respiration, du coeur, et c’est surtout le rythme de la phrase. Est-il concevable de lire Proust rapidement ? Non, n’est-ce pas ? C’est bien pour cela que Manu prend son temps, pour la Recherche. Il l’a toujours avec lui. Au cas où il trouverait le temps de lire posément une centaine de pages aux lignes serrées. Le premier volume (il en est à la page cent soixante dix-sept) est à portée de main, juste derrière les volumes bleu-ciel. La place d’un livre de chevet est bien au chevet. La place d’un livre qu’on désire, qu’on a désiré, qu’on désire encore, est auprès du lecteur. Même si le lecteur ne le touche pas, ou à peine, ou seulement pour le changer de place, pour l’avoir sous les yeux.
Le livre, de toute manière, est un objet de désir, pense Emmanuel en se laissant doucement glisser dans la torpeur digestive. Le Livre... il l’attend depuis si longtemps. Avec le sentiment qu’il en sera le seul lecteur, le seul vrai. Pour chaque roman, il n’y a qu’un seul véritable lecteur, celui pour qui l’autre a écrit, celui qui sera le réceptacle parfait. Celui qui le comprendra, le contiendra absolument. Il a la certitude d’être le lecteur idéal d’un livre, un livre qu’il n’a pas encore rencontré mais ça ne saurait tarder, il l’attend, il finira bien par venir, il écume suffisamment les librairies pour ça, il passe des heures debout devant les piles, à les regarder les toucher les humer, fermer les yeux pour les soupeser se revoir sur son lit le livre à la main la Rhapsody dans l’oreille et le jour où il se trouvera devant lui il le saura, il le reconnaîtra. Il entrera dans le magasin et Il sera là, dans un coin, il ira vers lui sans réfléchir. Il saura immédiatement que c’est celui-là. Qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. D’ailleurs, il n’y aura qu’un seul exemplaire.
Manu est affalé sur l’oreiller. La revue d’informatique lui a glissé des mains. Il ronfle. Dans son bureau, le fax grésille, la photocopieuse grommelle, une fumée noire s’échappe de l’ordinateur. Il est obligé de verser des trombes de neige carbonique dessus. Il n’a rien pu sauvegarder du génial texte qu’il vient de composer. Il ne va plus pouvoir écrire. Sous le bureau, un bébé hurle. Il le prend dans ses bras mais ça ne le calme pas. Son père entre. Il lui prend le bébé des mains et dit : « Ça n’est pas comme ça qu’il faut voir le problème. Laisse-moi t’expliquer. » Il commence à dévisser la tête du bébé et la retourne. Au milieu du sang et des muscles déchiquetés, il manipule un interrupteur. Il revisse la tête du bébé. Le bébé jase et suce son pouce en riant.
Le père tend le bébé à Emmanuel en lui disant qu’il est sale et qu’il faut le changer. « Au bout de trois, tu dois être rodé. » Emmanuel traverse la porte sans l’ouvrir, dévale l’escalier, entre dans la salle de bains et se met à changer le bébé. La couche du bébé est une succession de feuilles manuscrites, fripées, souillées, illisibles. Emmanuel pleure. « C’est de la merde », dit-il en pleurant à chaudes larmes. Le père dit : « Tu sais, toute cette merde, quelqu’un d’autre l’a déjà écrite avant toi. » Le bébé rigole. Seule la pile de feuilles est sale. Ses fesses sont propres et roses. Emmanuel se réveille en sursaut. La bouche pâteuse, un goût aigre au fond de la gorge, il voit qu’il est quatre heures passées. Sa mère le regarde. - Mon fils, il est l’heure.
* * * * *
- Papa, tu nous mets la cassette, celle avec le monsieur qui joue de la guitare et qui dit qu’il est le fils du vent ? - Non. C’est pas l’heure. Une autre fois. Manu ronge son frein. Il fait la gueule. Et il est en colère. - Manu, pourquoi faut-il que nous repartions ce soir ? On pouvait très bien se lever un peu plus tôt demain matin... - Je ne supportais plus. - Tu ne supportes rien ! Mais ta mère, elle, a de la peine quand on passe en coup de vent comme ça... - En coup de vent ? On est resté deux jours ! - D’hier quatre heures à aujourd’hui six heures et demie, ça ne fait pas deux jours ! - Je ne voulais pas passer la soirée là-bas. Pas après cette visite à mon père... - Tu as parlé à l’infirmière ? - Oui. J’ai vu l’interne aussi, c’est une chance, il était de garde. - Que t’a-t-il dit ? - Que ça ne change pas. Il est toujours pareil. A le voir, on ne dirait pas qu’il... - Pourquoi est-ce que ça ne le prend que lorsqu’il sort de l’hôpital ? - Je ne sais pas. Personne n’en sait rien. Ils ont posé la question à des spécialistes à droite et à gauche. Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi il suffit qu’il sorte de l’enceinte de l’hôpital pour que ça le reprenne, alors que dedans, il semble parfaitement normal. C’est incompréhensible. Ils disent qu’il faut attendre... - Mais ça fait des années que ça dure ! - Et que veux-tu que j’y fasse, moi ? Je n’y suis pour rien. Je ne sais pas pourquoi c’est arrivé... - Non, mais c’est tout de même toi qui l’a fait hospitaliser en secteur psychiatrique. - Tu voyais une autre solution ? - C’est ton père, tout de même... - Je sais, que c’est mon père ! Mais il n’y avait pas moyen de faire autrement. On ne pouvait plus le laisser seul avec elle. - Oui, mais à présent, elle souffre de le voir là et de réaliser qu’il ne sortira sans doute jamais. Il a beau la rassurer en lui disant que ça ne durera pas, c’est insupportable ! C’est lui qui la rassure en lui disant que bientôt il sera sorti, et c’est vrai qu’il n’est pas malheureux, dans sa chambre, il a tout ce qu’il faut, il ne lui manque que le téléphone... - Il n’aura pas le téléphone. J’ai demandé qu’il ne l’ait pas. - Pourquoi ? - Parce qu’il serait sans arrêt pendu après à l’appeler et elle n’a pas besoin de ça. - Et tu crois que...
Dolorès s’interrompt. Emmanuel vient de regarder sa montre et de tourner le bouton de l’autoradio. - ...notre émission "Ecrivains du dimanche", présentée par Julien Bellion - - (Julien Bellion) : Bonjour ! Aujourd’hui nous parlerons de - - (Dolorès) Tu n’as pas dit à ta mère quand nous retournerions la voir. - (Manu) Je ne sais pas. - (Dolorès) Tu n’as pas très envie d’y retourner... - (J. Bellion) ... et pour commencer Les Cahiers Marcoeur - - (Manu) Bon, ça va, laisse tomber, tu veux bien ? - (J. Bellion)... série d’articles critiques, non ? Oui, c’est ça, un premier volume contenant des articles inédits, un second à paraître incessamment et qui inaugurent les oeuvres complètes d’un écrivain inconnu, Raphaël Marcoeur... Mais pour parler de tous ces livres avec nous aujourd’hui -
- (Dolorès) J’aimerais bien que tu sois un peu moins désagréable, parce que j’en ai assez de subir ta mauvaise humeur, tu comprends, moi je ne passe pas mes journées à la maison, je travaille et j’aimerais bien... - (Manu) D’accord, d’accord, excuse-moi, je te demande pardon, mais tu veux bien me laisser écouter ? - (Dolorès) Oh, toi et ta radio ! - (J. Bellion) ... Marcoeur, volume VI. Nous reviendrons sur cette numérotation qui n’est pas sans importance, il s’agit donc d’un recueil d’articles, concernant cet étrange écrivain, le fameux Marcoeur. Ce volume est publié avant même que l’ensemble des textes de Marcoeur soient présentés au public. On dirait un canular, et pourtant nous ne sommes pas le 1er Avril. Alors ? Sommes-nous devant une nouvelle affaire Ronceraille ? Raphaël Marcoeur existe-t-il vraiment ? Jeanne Martinez...
(Jeanne Martinez) : Oui, il s’agit d’une entreprise singulière, puisqu’elle rassemble un certain nombre de personnalités du monde littéraire autour d’un écrivain inconnu. (Julien Bellion) : ... et que personne n’a jamais vu ! (Jeanne Martinez) : Personne, sauf Jérôme Cinoche... (Julien Bellion) : ... qu’en revanche, nous connaissons très bien, et qu’on ne présente plus puisqu’il a déjà été de nombreuses fois l’invité de notre émission. (Jeanne Martinez) : Oui, il s’agit donc d’un recueil d’articles consacrés à une oeuvre inédite mais très originale...
(Jean-Edouard Dunod) : ...Si vous me le permettez, ça reste à voir, parce que ça sent la mystification, tout de même... (Jeanne Martinez) : ...Voudriez-vous me laisser finir ? Merci, donc je disais qu’il s’agit d’une suite de textes critiques portant sur une oeuvre totalement inédite... (Jean-Edouard Dunod) : ... et apocryphe... (Julien Bellion) : S’il vous plaît ! (Jeanne Martinez) : ... et à lire les contributions de ce volume, cette oeuvre paraît absolument unique. Il s’agit d’une oeuvre écrite, mais aussi plastique, d’après ce que m’a laissé entendre Jérôme Cinoche au cours d’un entretien...
(Julien Bellion) : A propos de Cinoche il faut d’ailleurs noter que la préface du volume IX - qui doit paraître d’ici quelques semaines - est le premier texte qu’il publie depuis de nombreuses années, ce qui donne plus de poids encore à l’entreprise. Sa préface accompagnera la transcription d’un long manuscrit de Marcoeur, apparemment sa dernière oeuvre connue. En revanche, le volume VI que nous avons sous les yeux aujourd’hui, ne contient que des extraits assez courts... (Jeanne Martinez) : Effectivement, c’est une des choses qui rendent la lecture difficile. On se demande d’abord comment il est possible de commenter des textes qui ne sont pas encore accessibles à tous ? Et peu à peu...
(Jehan Ramette) : Il faut tout de même signaler que les intervenants les ont lus, ces textes. Pour certains, ils ont rencontré ou même personnellement connu l’auteur. D’autre part, l’équipe des intervenants est très hétérogène, puisque on y retrouve bien sûr Cinoche et Peter L. Yuth, Ramón Baretto, que nous connaissons bien, ainsi que Bernard Gutyer, connu surtout pour ses travaux de psychanalyse plastique, mais par ailleurs des inconnues comme Daniella Bonelli et Laetitia Desormes... (Jeanne Martinez) : Si, tout de même, Daniella Bonelli on la connaît ! C’est la traductrice italienne de Cinoche et, depuis que ce dernier n’écrit plus, elle a entrepris d’écrire sa biographie... Il semble qu’elle passe tout son temps à l’appeler et solliciter des entretiens qu’il lui refuse systématiquement ; le seul qu’il lui ait accordé figure dans ce recueil. Ils y parlent des problèmes d’édition que représente l’oeuvre de Marcoeur...
(Jean-Edouard Dunod) : Enfin, ça ne vous paraît pas étrange, cette assemblée de familiers de Cinoche dans une entreprise pareille ? Parce qu’enfin, bon je n’ai pas eu le temps de lire ce livre mais l’entreprise me paraît très douteuse, voilà un livre qui n’en est pas un, fait quasiment en famille par une bande de copains - en dehors des plus célèbres, que vous avez cités, tous les universitaires spécialistes de Cinoche y sont aussi, et ce sont des gens qui se connaissent depuis de nombreuses années...
(Philippe Renaud) : Ce n’est pas vrai ! Cinoche et Peter Yuth sont de la même génération mais ils n’ont jamais travaillé ensemble. Par contre, j’ai entendu Yuth dire dans une émission récente qu’ils se sont lus régulièrement... (Georges Moumoune) : Si vous permettez, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous pour ce qui est du canularr. En effet, le canularr est une manoeuvrre en quelque sorte orchestrrée de mystification, telle que la définit Freud dans son livre sur les mots d’esprits. Ici, ce n’est pas à une manoeuvrre orchestrrée que nous avons affaire, mais bien à une polyphonie librre, puisque Jérôme Cinoche se défend d’avoir véritablement dirigé ce travail collectif. Il s’agit au contraire d’une sorte de fugue contrapuntique, je dirais même d’une variation très savante, parfois même surprenante, sur un thème mystérieux. Le Mystèrre Marcoeurr, pourrait-on dirre, est au centre de cette polyphonie, et la différence entre le canular et le mystère c’est que le canular s’impose tandis que le mystère se refuse, c’est d’ailleurs également ce qui différencie la séduction de la provocation...
(Jeanne Martinez) : Je suis d’accord avec Moumoune... (Philippe Renaud) : On est tout de même en droit de se demander s’il ne s’agit pas d’une manière de comeback pour Jérôme Cinoche, qui a certes été un écrivain très important il y a quelques années, qui a reçu de nombreux prix, mais qui n’écrit plus du tout depuis... quand a-t-il publié son dernier texte ? Sept ans ?
(Jehan Ramette) : Huit ans, c’était Miroirs, un roman qui d’ailleurs reste inachevé puisqu’il devait en publier la suite quelques mois plus tard... (Manu) : Mais non, andouille, c’est L’arbre ! T’y connais rien ! (Philippe Renaud) : ... se demander s’il ne s’agit pas tout simplement d’une façon de compenser ce silence d’écriture, après tout, il n’est pas sain qu’un écrivain n’écrive pas et ne fasse que parler, ou pire, faire parler de lui... Et là, on a bien le sentiment que Cinoche a donné une sorte de thème imposé à un certain nombre de ses amis ou alliés, autour d’un écrivain imaginaire ou mythique, pour se présenter comme un fédérateur avant de se dévoiler comme le maître d’oeuvre d’une sorte de machine fictionnelle assez impressionnante, mais tout de même très lourde, il faut bien le dire...
(Manu) : Mais il dit des insanités, ce con !!!! (Jeanne Martinez) : ... du tout d’accord avec vous (Manu) : C’est Pas Vrai Je Rêve... (Georges Moumoune) : ... textes de Marcoeur existent, ils en reproduisent des fac-similé à la fin... (Dolorès) : Veux-tu bien regarder la route, s’il te plaît ? (Jehan Ramette) : ... manière d’annoncer un retour de Cinoche, qui doit tout de même avoir écrit beaucoup de choses pendant ces années et s’il s’agit d’une annonce, c’est celle d’un travail qui s’est fait en silence, pendant de longs mois, un travail qui a été bâti contre le temps et la maladie Papa, quand est-ce qu’on arrive ? pas écrit une ligne depuis sept ans et voilà qu’il découvre Papa !
- Mathieu, ta gueule, j’écoute la radio ! extraordinaire et inédit dont le travail - - Ne parle pas comme ça aux enfants ! - Mais c’est pas vrai, je rêve, vous allez me laisser écouter, oui ou merde ? travail remarquable et les contributions de Daniella Bonelli et de Laetitia Desormeaux ne sont pas les moins... (Jehan Ramette) : Je ne voudrais pas décevoir Jeanne Martinez qui parle ici certainement par solidarité féminine (Jeanne Martinez) : Absolument pas !
(Jehan Ramette) : Mais il faut bien dire que tout n’est pas bon dans ce recueil et de loin, et ce que disait Jean-Edouard Dunod n’est pas seulement provocateur, on peut en effet se demander à quoi rime une telle entreprise. Il aurait été plus logique de publier certains des textes les plus importants, afin que nous ayons la possibilité de les consulter, et ainsi juger de la pertinence des analyses. (Julien Bellion) : Tout de même ! L’éditeur n’a pas... (Jean-Edouard Dunod) : Oh, on sait que Saul Laurentieff est l’éditeur de Jérôme Cinoche depuis ses débuts ou presque, et il est bien évident que tout cela se fait avec sa bénédiction...
(Julien Bellion) : Je trouve que vous exagérez un peucrouiiicksshhhhfpflfflfpcette semaine promotion sur toute la lingerie féminicrouiiicksshhhhfpflfflfshhhhhhhhhhhhhhhhhh - Dolorès règle-moi ça, nom de dieu ! - Tu sais bien qu’à partir de Villemare, on sort de la zone de réception et on ne capteMais qu’est-ce que tu fais ? Manu, qu’est-ce que tu fabriques ? - Je m’arrête et je recule ! - Tu es fou, pas sur l’autoroute ! Arrête, je t’en prie, arrête !
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