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"Les Cahiers Marcoeur", 14e épisode
LA CHEMISE JAUNE : Daniel
Article du 6 juin 2004
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LA CHEMISE JAUNE : DANIEL
L’influence anesthésiante de l’habitude ayant cessé, je me mis à penser, à sentir, choses si tristes...
Daniel referme le livre. Cela fait déjà deux heures qu’il est réveillé. Il est mort de fatigue, pourtant il ne peut pas dormir. Le jour se lève. La batterie de sa lampe commence à faiblir. Il s’est couché sans se déshabiller. Il a froid, malgré le duvet, malgré la douceur inhabituelle de ce matin de février. Il a faim. Hier soir, il n’a presque pas mangé. Le midi, deux saucisses dans un morceau de baguette à la cafétéria de la Faculté de Médecine. Il se demande encore pourquoi il y est allé. Il a passé presque toute l’après-midi à errer d’un lieu à l’autre, en tentant de retrouver va savoir quoi, en refaisant des itinéraires depuis longtemps oubliés, du moins le pensait-il. Les immeubles, les couleurs, les gens, presque tout a changé. Il peut encore se déplacer les yeux fermés dans les allées, lorsqu’il ouvre les yeux il est en terre étrangère. Cependant, les souvenirs ont la vie dure. De retour au Navire, les lieux anciens sont réapparus une fois estompées les images du réel. Comme s’il s’agissait de deux villes différentes.
Il vérifie que le marque-page est en place et repose le volume. D’un sac en plastique, il sort une demi-douzaine de livres de petit format, empruntés la veille lors de ses passages dans les librairies. Il note au crayon, sans appuyer, sur la page de garde, l’origine de chaque livre.
Daniel ne traverse jamais une ville sans y visiter les librairies. Il n’entre jamais dans une librairie sans emporter un livre. Il ne vole pas : il emprunte, il lit sans abîmer et remet en place après lecture. Il lui est même arrivé de renvoyer des livres par la poste - en port-dû, tout de même. Souvent, il glisse dans le livre une petite note de lecture. Dans quelques villes, des libraires amis ont proposé qu’il écrive ses commentaires dans leurs bulletins trimestriels, en échange d’emprunts facilités. Les autres râlent de voir que leur clientèle habituelle feuillette les bouquins à la recherche des notes de Daniel.
Mouche lui a souvent demandé pourquoi il agissait ainsi. Il a répondu que voler un livre ça n’est pas seulement voler un libraire, c’est voler un écrivain, un éditeur, des lecteurs, et il en est des livres comme du reste, ce sont les moins riches qui en font les frais. S’il les rend en parfait état c’est parce qu’il veut que le lecteur suivant ait le même plaisir que lui en le lisant, autrement, il se comporte comme un massacreur. Et puis, en bafouant d’abord les systèmes de surveillance électroniques - sa méthode de traversée des portiques magnétiques pourrait être brevetée, mais il se la garde pour lui -, et les inventaires informatisés - lesquels n’aiment pas que les livres disparaissent et réapparaissent sans crier gare ! -, il éprouve une satisfaction de polisson. Dans l’état actuel des choses, il peut difficilement cracher sur ce genre de gratification.
Daniel racontait à Mouche les livres qu’il avait lu. Mouche, qui ne lit que L’Idée et Femme-Femmes, semblait apprécier. Il a voulu l’inciter à toucher de près la douceur de la lecture, lui a choisi des textes, mais très vite il a vu à quel point il faisait fausse route. Mouche n’aime pas lire, elle aime seulement qu’on lui raconte des histoires. Pire, il n’y a pas très longtemps, elle a jeté un des romans qu’il avait empruntés et il n’a pu ni le rapporter ni le renvoyer. Daniel est entré dans une colère épouvantable. Mouche l’a traité de cinglé. Il a fini par penser qu’elle n’avait peut-être pas tort. Un tel respect pour une chose si dérisoire, alors qu’il n’a pas le moindre respect pour lui-même, est sans doute signe de folie.
Aucun de ces livres-ci ne provient du Shogun. Mitsuko lui donnerait n’importe quoi, s’il le demandait, mais il se refuse à le faire. Là-bas, jadis, il montait chez elle et lisait ceux qu’elle avait mis de côté avant de les mettre en vente. Hier, elle a proposé de l’héberger ; il a refusé. Elle était bouleversée par ce qui s’était produit le matin même, cet homme qui avait fait un malaise, un de ses meilleurs clients disait-elle, presque un ami, et ajoutant ce commentaire étrange : « Tu sais, pendant un instant je l’ai pris pour toi, quand il est entré j’ai pensé à toi tout de suite, brusquement il est tombé, et j’ai réalisé que chaque fois que je voyais cet homme, il me faisait penser à toi. Il avait une douceur, une présence qui sont les tiennes et pourtant il n’est pas du tout dans ton genre... »
Elle l’a tout de même gardé à dîner. Ils ont parlé longtemps des années écoulées, des lettres qu’il lui envoyait de temps à autre pour lui dire qu’il était vivant - parfois, aussi pour se le prouver à lui-même, de sa crainte à elle de le savoir isolé et souffrant. « Je ne souffrais pas. Pas vraiment. » Il a raconté les errances du début, la manche aux terrasses et sur les esplanades, les "one-man shows" dans des troquets qui voulaient une animation. Il a dit comment, peu à peu, sur un circuit éprouvé, il a animé des bals, des banquets, des groupes scolaires, des samedi soirs de maisons de la culture... - Tu gagnes bien ta vie ? - Pas toujours. Là où il n’y a pas de travail d’artiste, je troque mes services contre un repas, mes bras contre un plein, des bricoles. On trouve toujours des gens qui sont prêts à troquer, ou à te faire une omelette si tu leur donnes un coup de main. On a fini par me connaître. J’ai beau avoir les cheveux longs et le nez cassé, mes costumes de scène sont propres et en bon état, ma guitare est accordée, je chante pas trop mal, je joue correctement de quelques instruments, je connais les sketches qui font toujours rire, les tours de prestidigitation qui en mettent plein la vue. Il y a tout de même des endroits où on me demande de venir régulièrement.
Il n’a pas dit que son circuit s’est peu à peu réduit autour de Tourmens, toujours les mêmes Maisons de la périphérie, et des trois départements contigus. Il n’a pas dit qu’il fait plus souvent des bals de mariage à l’accordéon que des bars au piano ou à la guitare. « Je me demande, avec tout ce que tu sais faire, pourquoi... - Pourquoi quoi ? Sans désir, tout ce que je fais ne sert à rien. Je n’avais pas le désir d’être une bête de scène, pas plus que celui de devenir spécialiste de la couille gauche. Je n’avais pas d’autre désir que celui de faire ce que je voulais, quand je le voulais. J’apprends facilement mais je voulais apprendre des choses qui me fassent plaisir, et ce qui me fait plaisir c’est de faire plaisir aux autres, pas de gagner du fric. Ça n’a pas été difficile de vivre, ça a été difficile de ne jamais s’installer. Je ne voulais pas entrer dans le jeu du salaire, des impôts, des paperasses, de la bureaucratie. Je m’en fous de ne pas avoir de couverture sociale, je m’en fous d’être malade et de crever. Je vis, ça durera ce que ça durera, de toute manière ça fait longtemps que je fais du rab. »
* * * * * *
Et maintenant qu’est-ce que je fais ? Allongé sur la couchette du camion, Daniel regarde les objets qui l’entourent comme s’il les découvrait. Il a fait comme si de rien n’était, mais revoir Mitsu l’a beaucoup ému. La tôle ondulée du Navire ne le protège décidément pas très bien. Si l’extérieur paraît avenant, l’intérieur est foutument pourri. Il se passe la main sur le menton. Il en a marre de se raser à sec, même au bout de cinq ans la peau ne s’est pas faite à ce traitement. Il sait qu’il peut aller au Shogun et s’installer, mais il en a marre de se laver dans les salles de bains des autres. Il se sent sale, et ça le gène.
C’est toujours comme ça lorsqu’il revient à Tourmens. Il se sent sale. Il se sent poussiéreux, gluant. Comme on l’est au réveil, après un long voyage dans un autocar inconfortable ou un tortillard de nuit. Les mains collent. Le col irrite. Les pieds élancent. Le dos est en compote. Les yeux piquent. La langue est aigre comme si elle avait trempé toute la nuit dans l’estomac et quand on se regarde dans la glace du compartiment, on s’imagine très bien agonisant. Comme Madame Larcher. Pauvre Madame Larcher. Qui se souvient de son nom, à part moi ? C’est pas l’autre con sur son estrade qui s’en souvient, les femmes grosses et ménopausées avec leur cancer de l’utérus, qui peut bien s’en souvenir ?
Qui peut bien avoir envie de se souvenir longtemps après des mourants qui n’en finissent pas de mourir, et qu’on laisse râlant le vendredi soir en espérant que le lit sera vide le lundi matin ? Madame Larcher. Josette Larcher. Douze, rue des Merisiers. J’avais promis que je m’occuperais du chat, et je l’ai trahie...
Daniel se redresse sur la banquette, pose les livres loin de lui, et s’extrait de son duvet. Il se sent fatigué à l’idée d’avoir encore à se laver ici. Ce ne sera pas bien grande compromission que d’aller se plonger dans la baignoire de sa soeur. « Non, ne dis pas aux parents que tu m’as vu. Ça ne sert à rien, et je n’ai pas très envie qu’ils sachent que je suis en ville. » Ni même en vie. Et d’ailleurs il ne restera pas longtemps, juste le temps de se décrasser. Puis il ira s’acheter à manger. Oui, tiens ! du pain au bout de la rue de Jérusalem. Si le boulanger n’a pas jeté l’éponge, à force de faire des infarctus, il a peut-être fini par craquer, le pauvre. Et est-ce qu’ils ont rasé le quartier des pêcheurs ? Et cette histoire de chaîne de distribution qui a voulu racheter Le Royal, j’ai lu ça mais ça me paraît tellement incroyable...
Mais non, ça lui revient, un type lui en a parlé longuement il y a quelques mois, la boulangerie est toujours debout, toujours identique à ceci près qu’on a repeint la devanture en jaune plus vif qu’avant, « Il paraît que le vieux a passé la main à son fils, tu savais qu’il avait un problème cardiaque depuis l’enfance ? On lui avait donné tout au plus quelques années à vivre et regarde-moi ça ! Il doit avoir soixante-dix ans, pas loin, et il vient de prendre sa retraite ! Quant au Royal figure-toi qu’il a brûlé, un truc un peu suspect, si tu veux mon avis.
Alors Lefort, toujours solide, n’a fait ni une ni deux, il a reconstruit ses quatre salles, et bientôt une cinquième, mais pas dans les celliers du début, non ! Sur l’Ile Grande, Oui mon vieux, sur l’Ile en pleine Tourmente et on y va en prenant le pont, tu sais la passerelle branlante, ils l’ont refaite avec une rampe pour les handicapés, mais je te dis pas le cirque que c’est d’aller là-bas les jours de grand vent ! Eh bien, tu me croiras si tu veux la fréquentation a triplé depuis la réouverture il y a un an, c’est comme je te le dis... Ah ! c’est pareil Lefort lui non plus ne doit plus être très très jeune, en tout cas il est toujours aussi gros, mi-Welles mi-Leone... Le vieux Tourmens, quartier Pêcheurs et rempart nord, ça c’est une autre histoire, promoteurs et compagnie ça magouille sec... »
Daniel s’assied, se gratte les jambes, se gratte le cou, se gratte le dos. Il n’est qu’une gigantesque démangeaison. Oui, une baguette de ce pain jaune et lourd, un fromage de chèvre et en avant ! Il se raccroche à ces plaisirs lointains, au souvenir sépia de gestes anciens, couper du pain, le tartiner de fromage frais, mais il n’est pas sûr qu’il appréciera encore leur goût. Du goût, de toute manière, maintenant plus rien n’en a. Il entasse quelques vêtements de rechange dans un sac en plastique et sort du navire, en souriant de l’accueil que lui fera sa Feuille de Saule. « - Je savais bien que tu reviendrais ! - Tu as toujours raison, petite s ?ur. »
* * * * * *
Le sac de Daniel est un square mouth à soufflet et fermetures de cuivre, un « sac de docteur », si vous préférez. Il l’a fabriqué lui-même, lorsqu’il vivait chez Francis. Daniel avait aidé Francis à sortir sa 2 CV du fossé. Depuis deux heures, Francis faisait des signes aux voitures au bord de la nationale, personne ne s’arrêtait. Il faut dire qu’on était fin août. Tout le monde était pressé de rentrer perdre son bronzage sous les néons.
Daniel s’était arrêté pile. En sortant du Navire - il voyageait seul, à l’époque - il vit venir vers lui un type qui lui demandait s’il pouvait l’emmener chercher un dépanneur. Daniel répondit qu’ils arriveraient très bien à s’en sortir sans. Et puis il vit Marie remonter le talus, deux colis gigotant dans ses bras. Elle était allée se mettre à l’ombre un peu plus bas avec ses jumeaux. Plus tard, bien plus tard, Daniel comprit que Francis aurait gagné la prochaine ville à pied plutôt que d’exposer Marie et les jumeaux au bord de la route. Un type décent. Prudent, aussi.
Ils sortirent la 2 CV du fossé, les deux hommes poussant, Marie tirant aux commandes du Navire, les jumeaux faisant la claque. Il leur restait dix kilomètres à faire. Daniel les suivit jusque chez eux. Francis lui proposa de rester quelques jours. Il y passa six mois, apprit à travailler le cuir. « - T’apprends drôlement vite, toi... - Ouais... encore faut-il que ça serve à quelque chose. »
Six mois dans un même lieu. Six mois durant lesquels il coucha sur une mezzanine au-dessus de la salle. Six mois de chaleur, de berceuses à la guitare. Six mois avec Francis, six mois avec Marie... Un jour, Marie annonça qu’elle était enceinte. Daniel remit la guitare dans sa housse et reprit la route sans dire au revoir. Aux jumeaux il laissa les carnets de chants et des cassettes, à Francis les textes des chansons qu’il avait écrites, à Marie une longue lettre, presque un roman. Daniel ne pense presque jamais à eux. Mais leurs noms sont gravés sur une plaque de cuivre fixée à même le sac. Ce sac appartient à. Leurs noms, leur adresse. Au cas où.
Le sac comprend deux compartiments de taille égale, doublés de poches ménagées dans la tapisserie. Daniel y range les objets dont il ne se sépare jamais. Un briquet à essence vide depuis longtemps ; trois cahiers cartonnés de petit format ; une grande trousse contenant des onglets métalliques et en plastique, un jeu de cordes neuves, un diapason ; une boîte en fer-blanc bourrée de stylos en tous genres ; un carnet d’adresses ; une minuscule trousse de toilette renfermant un rasoir coupe-choux et une brosse à dents ; une enveloppe kraft demi-format pleine à craquer mais close, qui porte sur une face les lettres R et M ; un épais flacon de verre sans étiquette, à moitié rempli de liquide translucide ; un porte-cartes bourré de photos ; les trois volumes d’une ancienne édition sur papier bible d’A la recherche du temps perdu et un tome des oeuvres complètes de Franz Kafka (Récits et fragments narratifs) dans la même collection ; un paquet de tabac éventé ; un collier fait de minuscules coquillages ; une éprouvette de quinze centimètres de long enveloppée dans un morceau de tissu ; une boîte de préservatifs ; une bille d’agate verte ; un rouleau de scotch ; une voiture miniature (une Lotus monoplace) ; une carte postale qui représente une sorte de visage rond en pierre - peut-être une roue de moulin à grain - au dos de laquelle sont écrits les mots Je ne t’ ; une chemise cartonnée contenant une liasse de lettres ; un couteau Opinel n° 5 ; un trousseau de clés ; un sachet en plastique contenant une chose brune et poussiéreuse ; un médaillon en or en forme de "tables de la Loi" portant d’un côté une figure de Moïse - lumière irradiant de son front, tables de pierre serrées contre sa poitrine -, de l’autre quelques caractères hébraïques ; une chemise transparente dans laquelle sont rangées des coupures de journaux solidarisées par une très grande attache-trombone ; une sphère de bois de la taille d’une balle de ping-pong qui est aussi un casse-tête (dix-huit pièces)... ; un livre recouvert de papier aluminium dont la moitié des pages manque.
* * * * * *
Allongé sur le lit de Mitsu, Daniel tente de sortir de la torpeur qui l’a saisi sous la douche. Dans son crâne tourne un disque rayé. « Je crois que nous allons avoir du travail. » La phrase ne le quitte pas, elle revient sans cesse. Il tente de la maîtriser. Il la dit à haute voix, la répète. En changeant d’accent, d’intonation, de rythme, de respiration. Il la chante. Il la martèle. Cette phrase le poursuit depuis des années, sans qu’il sache ce qu’elle signifie, ni d’où elle sort, ni ce qui la fait resurgir périodiquement. Elle apparaît par temps sombre, quand la pression est trop forte. Elle resurgit sans prévenir, sans raison. Elle le parasite. Il prend un des cahiers dans son sac, se couche sur le ventre, se met à écrire.
Je crois que nous allons avoir du travail famille patrie pas triste fatras ma triste mitraille. Ça tourne et ça n’a aucun sens, mais comment en sortir, comment sortir de la spirale ? Je crois que nous allons avoir du travail. Mouche est partie. Je ne l’aimais pas. Je n’aimais même pas baiser avec elle. Je crois que j’aimais qu’elle soit là parce que je ne supportais plus de me retrouver seul sur la route. Je me souviens avoir écrit un jour, sur un des cahiers perdus, un truc du genre « Pour aimer, il faut avoir appris. Je n’ai appris que les bonnes manières. » Je me souviens bien de ces phrases, de l’aspect qu’elles prenaient au milieu de la page, je peux presque évoquer la sensation physique que j’éprouvais en les traçant. C’était bien avant de m’en aller.
* * * * * *
Guitare en bandoulière, Daniel sort du Shogun. Il rejoint l’avenue Magne, s’engage dans le boulevard Janvier, en direction du Jardin des Plantes. Le soleil a fait son apparition. Les rues luisent. Il fait doux, presque tiède. Les nuages de vapeur buée ont déserté les lèvres soudain un peu plus roses. Sur les trottoirs bondés, les manteaux s’entrouvrent, les écharpes se dénouent, les gants réintègrent les poches. Au carrefour, installé dans une cocotte-minute antédiluvienne, un agent tire sur son col et s’essuie le front entre deux gestes sémaphoriques. Il pourrait presque y avoir des tables dehors, des gens aux terrasses. Ce pourraient être des signes avant-coureurs d’un réchauffement de la planète, ultime canicule, parfum de fin du monde.
Sur la fesse de Daniel, la housse de la guitare ballotte à chaque pas ; à sa main, le sac-de-docteur pèse son poids de souvenirs et de réalité. Il croit percevoir une odeur de marrons chauds, mais le vieil homme et son fourneau ambulant en forme de locomotive ne sont pas là, d’ailleurs est-ce qu’on trouve encore des marrons en février ? Soudain, un tourbillon, des lèvres rouges poudrées de blanc, des yeux peints, des joues roses, des vêtements de couleur, des jeunes filles rient de le voir hésiter devant elles, s’égayent, continuent leur chemin en parlant fort et en mangeant leurs gaufres.
Daniel est debout devant la devanture d’une viennoiserie. Ça sent bon. Il a faim. Malgré la baguette et le fromage de chèvre. Il fouille dans sa poche. - Une grosse brioche, s’il vous plaît. Une sirène retentit, un camion de police surgit du boulevard et passe dans le boulevard. Les passants commentent, les voitures s’écartent ou se rangent, les cyclistes serrent les fesses et le trottoir, Daniel avale une moelleuse bouchée de brioche dorée.
Tandis qu’il traverse la rue, il se met à sentir le poids de ses pas sur le sol.
(A suivre...)
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