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La pose d’un DIU est-elle toujours douloureuse ?
par N. et Martin Winckler
Article du 16 janvier 2005
Une question me taraude encore, après quelques témoignages au sujet de la pose du DIU, réputée plutôt difficile. Certaines disent que cela a vraiment été très désagréable (l’une s’est évanouie la première fois, une autre a eu très mal ...).
Est-ce une question de médecin ou est-ce normal et il faut le savoir ? Est-ce un mauvais moment à passer ou faut-il s’attendre à un fort désagrément qui peut durer quelques jours ou quelques semaines ? N.
Le col (la partie inférieure, porteuse de l’orifice) de l’utérus est une zone sensible. Les médecins français ont la mauvaise habitude, pour poser un DIU, de saisir le col avec une pince de Pozzi, une horreur terminée par deux crochets pointus. (En Angleterre, on utilise des pinces à extrémité plate.) La pose de la Pozzi peut être source d’une vive douleur, en particulier chez les femmes n’ayant pas eu d’enfant, car chez celles qui ont déjà accouché, le col a été beaucoup dilaté au cours du travail, et les fibres sensitives sont moins réactives quand on touche au col (beaucoup de femmes ayant accouché ne sentent même pas qu’on leur pose la pince).
Pendant des années, j’ai cherché par tous les moyens à minimiser cette douleur à la pose de la Pozzi, car elle entraîne une contraction du col et rend, de ce fait, la pose du DIU au travers du col, très pénible : ça provoque des contractions de l’utérus, qui sont les mêmes contractions que pendant les règles ou un accouchement. Evidemment, la gêne ou la douleur produite est variable d’une personne à une autre (comme toute douleur), mais l’idéal c’est de ne pas en produire du tout.
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Pour éviter la douleur à la pose, pendant longtemps, j’ai prescrit des anti-inflammatoires à prendre 1 ou 2 heures avant la pose du DIU, car ces médicaments diminuent les contractions de l’utérus. Mais depuis quelques années, grâce aux conseils d’une collègue médecin, j’ai résolu le problème de manière encore plus simple : je ne pose plus de Pozzi sur le col, sauf (ce n’est pas très fréquent) quand le col de l’utérus n’est pas dans l’axe du vagin, ce qui rend difficile de glisser le DIU dedans. Mais 99 fois sur 100 (ou presque), je n’ai pas besoin d’utiliser la Pozzi : je passe un antiseptique sur le col de l’utérus, je glisse un "hystéromètre" (un tube gradué très fin) dans le col pour mesurer la profondeur de l’utérus, et juste après j’insère le DIU. En procédant ainsi, la grande majorité des femmes ne sentent que le passage du col - une crampe, comme pendant les règles, mais qui disparaît dès que le DIU est en place.
Quelques unes ont des crampes pendant une heure ou deux (et je leur prescris des anti-inflammatoires pour que ça ne recommence pas) mais la très grande majorité (je les revois presque toujours un mois ou deux après, pour répondre à leurs questions, pour les rassurer sur le fait qu’elles ne sentent pas le DIU et qu’il est toujours bien en place...) me disent qu’au bout de quelques heures elles n’ont plus rien senti.
On poserait beaucoup plus de DIU si les médecins apprenaient à poser un DIU sans Pozzi. - Et à poser correctement un spéculum, d’ailleurs !!! Si on fait mal à la femme en lui posant le spéculum, tout le reste fera mal aussi !!! Le problème c’est que beaucoup de médecins (les femmes comme les hommes, malheureusement), ne gardent pas à l’esprit le fait que la zone à laquelle ils vont toucher est l’une des plus sensibles du corps. Personnellement, je ne l’oublie jamais.
Si ces gestes étaient enseignés comme il le faut, les médecins feraient moins mal aux femmes, ET ils auraient moins peur de poser des DIU (la peur du médecin compte beaucoup dans la douleur infligée... et dans le refus de poser des DIU).
Le signe indirect que les femmes qui repartent après la pose d’un DIU selon cette méthode n’ont pas souffert de manière importante (voire pas du tout), c’est qu’elles... m’envoient leurs amies, ou leurs soeurs, ou leurs filles et les rassurent. Ce qu’elles ne feraient pas si je les faisais souffrir.
Une chose importante aussi, et peut-être la plus importante : j’EXPLIQUE tout ça AVANT de poser le DIU. Je montre sur une planche anatomique où le DIU sera posé, je donne un DIU à la femme pour qu’elle le touche, qu’elle voie sa taille, qu’elle voie que c’est souple (ça ne peut pas perforer l’utérus ou le blesser), etc. Je le fais bien sûr avant de prescrire un DIU (je ne le prescris qu’une fois la femme rassurée, et si elle le désire !!!), mais je le fais encore plus attentivement quand la femme qui vient se faire poser un DIU (après une IVG, par exemple) ne m’a jamais vu. Souvent, on ne lui a pas expliqué tout ça, ce qui contribue à son anxiété, et donc à accentuer les phénomènes douloureux.
Quand on me demande si ça fait mal, je dis que ça peut provoquer des contractions similaires à celles des règles ou à celles du travail et de l’accouchement (en moins intense, bien sûr), ce qui bien évidemment relativise tout de suite les choses. Mais à vrai dire, la plupart des femmes (y compris les jeunes femmes sans enfant) à qui je pose un DIU se relèvent étonnées : c’est désagréable, mais elles n’ont pas souffert ; parfois, elles n’ont pas du tout senti que je leur ai posé le DIU.
Et quand le DIU a été posé, je dis toujours à la patiente qu’elle ne doit plus rien sentir au plus tard le lendemain. Un DIU qui fait souffrir plusieurs jours est un DIU mal posé (posé trop bas, dans un col qui n’en finit pas de se contracter), ou que la femme est en train d’expulser. Un DIU correctement posé dans la cavité utérine se fait oublier immédiatement (c’est particulièrement net chez les utilisatrices de longue date, à qui j’ai posé un premier DIU sans problème, et qui reviennent le faire changer sans crainte et sans arrière-pensée).
Il se fait si bien oublier que les femmes n’éprouvent pas le besoin de revenir voir le médecin à tout bout de champ. En fait, les utilisatrices de DIU heureuses (et j’en connais beaucoup) ne viennent consulter que tous les 2 ou 3 ans, pour faire un frottis. Entre-temps, elles n’ont aucune raison de venir : le DIU qui ne s’accompagne d’aucun symptôme est la norme ; et la femme n’a pas besoin du médecin (même si beaucoup de médecins prétendent le contraire...)
Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le DIU (et aussi sur l’implant) comme méthode source d’une extrême liberté pour les femmes : le DIU les affranchit non seulement de la grossesse non désirée, mais aussi des négociations avec les hommes - autour du préservatif ou du "bon moment du cycle", etc. - et de la baisse de la libido parfois induite par les méthodes hormonales. Mais en outre, le DIU affranchit les femmes de la dépendance au médecin !!!
On ne le dira jamais assez.
Martin W.
Pour en savoir plus sur les DIU (et leur pose) cliquez ICI
[1] A propos de l’évanouissement : c’est ce qu’on appelle un malaise vagal : un réflexe neurologique qui survient chez un petit nombre de femmes quand on touche au col de l’utérus - même si ça n’est pas douloureux ! Le malaise en question s’annonce : elles ont chaud, leur coeur se ralentit, la tête tourne, et si elles se lèvent avant que ce malaise soit terminé (ça met 1 ou 2 minutes), elles tombent dans les pommes. Je ne fais jamais relever la patiente à qui j’ai posé le DIU avant d’avoir vérifié son pouls et lui avoir demandé comment elle se sent.
Il n’y a pas longtemps, une femme en pleine forme, très sportive, à qui je venais de poser son premier DIU sans l’ombre d’une gêne pour elle, était si contente de n’avoir rien senti qu’elle s’est levée très vite de la table, s’est rhabillée (le tout en 30 secondes) et, d’un seul coup, m’a dit "Oh, je me sens pas bien"... Je n’ai eu que le temps de la rattraper et de la déposer doucement par terre. Elle est restée dans les pommes 15 secondes et puis s’est relevée en disant : "Ah, je ne sais pas ce qui m’a pris..." Et elle n’avait senti aucune douleur ! Donc, l’évanouissement par malaise vagal est possible, mais il est indépendant de la douleur, il vaut mieux le savoir.
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