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La couleur aux Antilles
par Rachel
Article du 8 janvier 2005

Après avoir lu la chronique consacrée à Joséphine de Beauharnais, Rachel, qui vit aux Antilles, m’a envoyé le témoignage qui suit.

Je souhaiterais rebondir sur le sujet que vous avez mis en ligne au sujet de Joséphine et souligner l’importance des couleurs aux antilles.

Je vis en Martinique depuis presque trois ans maintenant, et je suis ce qu’on appelle ici une métro. Quand je suis arrivée, je ne m’attendais pas à ce que la couleur de peau soit ici un sujet aussi complexe. J’ai vite appris qu’il y avait une multitude de nuances et qu’il fallait y faire attention pour ne pas vexer les gens.

Par exemple :

Une de mes amies antillaises revenait de vacances et pensant lui faire plaisir je lui dis : « Qu’est ce que tu as bronzé ! » phrase stéréotypée classement retour des vacances section amies.

Et bien ici, c’est perçu comme une insulte par beaucoup, d’ailleurs j’ai blessé mon amie, elle me l’a avoué plus tard.

Oui ! Bronzé ça veut dire plus foncé de peau et il existe ici ce qu’on appelle le chapéisme.

C’est une notion assez complexe que je ne suis pas sûre encore de totalement comprendre. En gros, disons qu’il s’agit de devenir le plus clair de peau possible au travers du métissage.

Si à l’origine, il s’agissait pour les femmes esclaves, de permettre à leurs enfants d’échapper à l’esclavage en les métissant, de nos jours, c’est devenu une discrimination plus pernicieuse.

En effet, une femme plus claire de peau aura beaucoup plus de chance de se marier avec l’homme qu’elle souhaite qu’une femme plus foncée, les hommes préférant souvent épouser une femme plus claire qu’eux ! On est malheureusement encore loin d’être sorti du chapéisme.

De ce fait, il existe dans le vocabulaire antillais de nombreux termes pour qualifier la couleur de peau et/ou les castes. Par exemple, Joséphine était une békée, les békés sont les blancs descendants des colons et qui forment un groupe qui se mélange très peu aux autres - même pas aux métros (pour métropolitains) qui sont comme vous l’aurez compris les blancs venus de métropole (le plus souvent pour le travail).

Ensuite il existe de nombreux mots pour qualifier les différents métissages en fonction de la couleur de peau, des traits européens ou "négroïdes", des cheveux raides ou crépus, du pourcentage de sang blanc ou noir, de l’origine du métissage (indien, chinois), exemple : chabin, mulâtre, quarteron, griffe, câpre, chapé-coolie etc.

Moi qui ne m’attache pas à la couleur de la peau j’ai toujours un peu de mal à cerner toutes les nuances.

Un autre exemple :

J’ai récemment assisté à un concert de Gospel, et au cours du spectacle, le chef de chorale fait monter les enfants sur scène et entreprend de les qualifier par leur couleur, chabin, marron etc. Arrive le tour d’une petite fille « métro » et là au lieu de dire tout simplement blanche, il dit « la pureté » !

L’assistance en majorité noire n’a pas bronché. Moi j’ai senti un malaise m’envahir. Pourquoi ? Parce que je pense ne pas l’avoir interprété de la même façon que les autres. J’ai vu ce mot « pureté » associé à un sombre passé que mon grand-père juif m’a souvent raconté. Pourquoi les autres n’ont pas réagi ? Parce que eux ne l’ont pas entendu de cette manière, ils ont simplement vu une couleur : le blanc !

Comme quoi toutes les notions dépendent de la façon dont on les interprète et aussi de notre expérience (culture, passé).

Rachel

PS : Je vous confirme que la statue de Joséphine qui trône sur la place de la Savane à Fort de France est bel et bien décapitée ! comme en témoigne la photo ci-jointe.

PPS : Au fait Alexandre Dumas était métis, non ?

J’en ai certainement, Monsieur, du sang noir ! Mon père était mulâtre, mon grand-père était un nègre, mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur, que ma famille commence où la vôtre finit...

(répartie attribuée à Alexandre Dumas père)

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