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L’éthique dans les séries télé : une émission radio hebdomadaire en ligne sur Radio Créum

Les séries TV et le soap opéra

Conférence donnée à l’université de tous les savoirs le 17/04/2004.


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Je me souviens du petit taureau
Claude Nougaro (1929-2004)
Article du 8 mars 2004

Je ne sais pas si c’était la première fois que je l’entendais, mais je me souviens de la première fois que j’ai vu chanter Claude Nougaro...

C’était en 1962 à Marseille. Ma famille émigrée d’Algérie rentrait en France après une tentative avortée d’installation en Israël. Nous mangions chez des amis qui nous recevaient pendant notre transit vers... où ? Nulle part, dans mon esprit. J’avais sept ans et demi, pas plus.

Dans la salle à manger où nous dînions, il y avait un poste de télévision. Un type en noir et blanc déambulait dans un décor stylisé. Il croisait une fille, la suivait. Et brusquement, un éclair aveuglant et une musique assourdissante éclataient. Et la scène s’assombrissait, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de la lumière que sur le visage du chanteur.

Nougaro venait de chanter Y’avait une ville et il ne savait pas à quel point il me parlait, à moi dont les parents avaient perdu la leur, moi qui portais sans le savoir le chagrin de cette perte.

Comme beaucoup d’adultes de ma génération, je pourrais sans doute retracer toute ma vie avec des chansons de Nougaro. Comme beaucoup, je peux dire que Une petite fille a fait mon éducation sentimentale ; que j’ai très tôt pensé à la mort en écoutant A bout de souffle ; que j’ai appris à être père avec Cécile, ma fille ; que Les mains d’une femme et Saint Thomas sont deux des chansons les plus érotiques que je connaisse ; qu’Un été est l’une des plus émouvantes...

Je peux dire que depuis que j’écoute des chansons, je jouis des jeux de mots vigoureux et sensuels de Nougaro comme de la verve insolente de Brassens, de la révolte de Brel et de la colère de Ferré.

J’ai eu la chance de le voir sur scène, à quelques années d’écart, lors d’un concert " musclé " avec tambours africains qui débutait par Locomotive d’or, puis d’un concert en petite formation (Vander-Michelot-Lubat). Il fut, évidemment, magistral, l’une et l’autre fois.

L’an dernier, lorsque mon Plumes d’Ange a été publié, j’ai demandé à Jean-Paul Hirsch, ange gardien des écrivains à la maison P.O.L, de trouver l’adresse de Claude Nougaro pour que je puisse lui en envoyer un exemplaire. C’était bien le moins que je puisse faire, après m’être approprié le titre d’un de ses plus beaux textes et mis en épigraphe ses premières phrases.

Quelques jours après avoir posté le livre, en mai 2003, j’ai reçu une lettre manuscrite tracée d’une main ferme et élégante. Elle contenait les remerciements de Claude Nougaro.
Suprême élégance : sur l’enveloppe était collé un timbre à l’effigie de Léo Ferré.

 Dansez sur moi/Dansez sur moi/A l’heure de mes funérailles/Que ma vie soit feu d’artifices/
Et ma mort un feu de paille...

Tes mots ne meurent pas, petit taureau.
Ils continuent à faire feu de tout toi.

Martin Winckler

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