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Radio et télévision > L’affaire Odyssée sur France Inter >


Et si l’on passait à autre chose ?
Odyssée, suite et fin.
Article du 18 septembre 2003

Dimanche 14 septembre, sur France Inter Philippe Labarde, médiateur de Radio-France, a répondu au très abondant courrier, souvent chargé de reproches, qu’il a reçu au sujet de la disparition d’ Odyssée. J’en ai déjà publié la transcription. Il est temps de tirer des enseignements de toute cette histoire.

Objectivement, je ne dispose d’aucune preuve irréfutable que la suppression d’ Odyssée soit due à des pressions de l’industrie. Mais tout le monde sera d’accord pour dire - et Philippe Labarde lui-même en a convenu - que la manière dont j’ai été "remercié", extrêmement maladroite - pour ne pas dire catastrophique pour l’image de France Inter - donnait à penser qu’il existait une relation de cause à effet.

Si, ce que je veux bien croire, la décision de ne pas renouveler ma chronique était une décision éditoriale - parfaitement légitime - il suffisait de me le dire ouvertement (je suis un grand garçon) et de me laisser faire mes cinq dernières chroniques : comme on pourra le constater dans le volume où elles seront reproduites,l’une d’elles rendait clairement hommage à la chaîne et à la liberté qu’elle m’a laissée !!! (Censurer quelqu’un qui est sur le point de dire qu’il n’a jamais été censuré, c’est très, très bête...)

Autrement dit, à cinq jours près, Odyssée aurait pu terminer sa balade tout naturellement, à la satisfaction de tous.

En revanche,
 supprimer la chronique sans un mot d’explication une semaine avant la date prévue,
 fermer l’accès au site dès le 7 juillet (en quoi le message d’adieu affiché sur le site ce jour-là
et qui a circulé largement, a-t-il froissé la chaîne ? Il était certes amer (n’importe qui l’aurait été à ma place) mais je n’y insultais personne, et je déclarais une fois encore qu’on ne m’avait jamais empêché de m’exprimer sur l’antenne d’Inter...),
 faire disparaître du jour au lendemain des archives que les auditeurs internautes consultaient régulièrement,
 et par-dessus le marché diffuser le "droit de réponse" du LEEM (groupement représentatif de l’industrie pharmaceutique française) dans la case d’ "Odyssée " cinq jours après sa suppression,

c’était mésestimer l’attachement de nombreux auditeurs à ces trois minutes quotidiennes, manifester un grand mépris à leur égard et, inévitablement, attirer l’attention de tous ceux qui s’attendaient, depuis mes chroniques, à une riposte de l’industrie pharmaceutique. Bref, c’était faire preuve d’une absence de clairvoyance assez stupéfiante. J’en viens à me demander si la ou les personnes qui ont pris cette suite de décisions avaient vraiment écouté Odyssée...

Incidemment, je m’interroge aussi, puisque ma responsabilité était engagée, sur les conditions dans lesquelles le LEEM a obtenu ce droit de réponse. Des propos citant un livre publié et non poursuivi peuvent-t-ils véritablement être "diffamatoires" ? Ce serait nouveau ! La chaîne n’a-t-elle pas été un peu trop prompte à s’exécuter ?

Si la diffamation était avérée, pourquoi l’industrie ne m’a-t-elle pas personnellement poursuivi (ou informé de la demande de droit de réponse) ? Et si la menace de procès était réelle, pourquoi France Inter ne m’en a-t-elle pas averti en temps utile ?

Je veux bien croire que la fin d’Odyssée n’ait rien à voir avec le LEEM ; il aurait suffi que JL Hees, au lieu de me dire au téléphone qu’il "m’aimait bien", ait eu la franchise de m’expliquer pourquoi il préférait confier la chronique à quelqu’un d’autre...

Quand à la cascade de maladresse qui a suivi, s’il s’agissait d’une successions de bévues, c’est regrettable, mais beaucoup moins infâmant que le soupçon d’avoir subi des pressions ; seulement, si tel est le cas, on apprécierait que la chaîne fasse amende honorable auprès de ses auditeurs. C’est ce qu’a suggéré, il me semble, Philippe Labarde au cours de son intervention du dimanche 14. Mais je ne suis pas sûr que cela ait été clair pour tous ceux qui l’ont entendu...

Si désagréable que soit une expérience, il faut savoir en tirer des enseignements positifs.

Et il y en a : pendant dix mois, à une heure de grande écoute, une chronique scientifique a été nourrie par les suggestions et les contributions concrètes des auditeurs - et tout particulièrement des internautes ; leur participation active à la chronique et leur mobilisation spontanée après sa suppression sont impressionnantes. Alors que la France est réputée à la traîne en ce qui concerne le partage des informations et des savoirs, une simple chronique radiophonique a démontré que les auditeurs ne sont ni passifs, ni ignorants, ni dénués de ressources, et qu’ils sont tout prêts à partager. Et des informations à partager, ils en ont des milliers !

Il y a une autre raison de se réjouir : lorsque Odyssée a cessé, j’ai clairement déploré les conditions dans lesquels on m’a empêché de conclure, mais je n’ai pas eu la moindre vélléité de demander réparation : en ce qui me concerne, il n’y avait rien à réparer - j’étais un collaborateur occasionnel et j’acceptais depuis le début l’idée que cette chronique pouvait cesser d’un jour à l’autre. Loin de moi l’idée, donc, d’exiger quoi que ce soit d’une une équipe qui - et c’est son droit - ne voulait plus de moi. Loin de moi, également, l’idée de vouloir médire de l’ensemble d’une chaîne de service public qui m’a fait la confiance de me donner la parole. Car quand bien même aurais-je un contentieux avec un membre de France Inter, je pourrais en nommer vingt autres qui n’ont eu que des bienveillances à mon égard...

Mais ce que je pense est une chose. Ce que les citoyens individuellement ou en groupe - pensent et font en est une autre. Etranger à la radio, je n’avais pas mesuré l’impact public d’une telle chronique avant de prendre la parole. J’ai pu le mesurer très tôt, en voyant les réactions que provoquaient certains des thèmes abordés ("Quelle est la différence entre Dieu et un médecin ?", "Faut-il se sentir coupable de ne pas faire don de ses organes ?", pour ne prendre que ces deux exemples...).

Je n’ai donc pas été surpris par la mobilisation spontanée des auditeurs parce que je la comprends : pour la plupart de celles et ceux qui ont protesté (et tout porte à croire qu’ils ont été très, très nombreux), il ne s’agissait pas simplement de prendre fait et cause pour ma petite personne, mais de réagir à ce qu’ils avaient ressenti - à tort ou à raison - comme une trahison de la part de "leur" radio. Sentiment de trahison que le "silence radio" a déclenché, puis amplifié, et que les divers démentis n’ont pas complètement éteint.

Cela aussi, même si c’est cuisant pour Inter, est très positif : encore une fois, les citoyens ne sont pas des personnes passives qui se contentent d’avaler ce qu’on leur dit. Le jour venu, ils expriment sans hésiter leurs convictions, leur intérêt ou leur désapprobation - j’en ai fait l’expérience directe pendant dix mois ! Belle manifestation de démocratie individuelle et collective. À cet égard, le Réseau des réseaux m’apparaît comme une forme moderne du mythique Agora athénien, place publique de débat sur laquelle chaque citoyen pouvait prendre la parole.

Cela dit, il est temps de passer à autre chose. Qu’on soit déçu ou non par l’attitude de France Inter, convaincu ou non par ses explications, cet épisode désagréable - et ce n’est qu’un épisode : il y a tant de problèmes plus graves à affronter ! - ne doit pas, à mon humble avis, canaliser indéfiniment l’attention et les énergies. Même publique, la radio est un média centralisé, qui par nature donne difficilement aux citoyens l’occasion de s’exprimer sans frein. La Toile, elle, nous permet d’échanger librement. La richesse d’ Odyssée - les échanges qu’elle suscitait - se trouvait hors antenne ; les échanges continueront hors antenne.

 Sur le papier, d’abord : le premier volume des chroniques (compte tenu de leur longueur, il y en aura deux !) paraît fin octobre ou tout début novembre aux éditions du Cherche-Midi). A l’heure où j’écris, on le met en pages.
 Sur les écrans, ensuite : la rubrique Courriers et contributions de ce site est faite pour accueillir les textes de correspondants extérieurs à ce site. J’ai commencé à en poster. D’autres ne devraient pas tarder à les rejoindre...

À vos plumes, j’ai hâte de vous lire !

Marc Zaffran/Martin Winckler.

Le 18 septembre 2003.

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