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Comment annoncer une mauvaise nouvelle...
Texte de la chronique d’ArteRadio. com
Article du 1er mars 2005
Tout à l’heure il faut que je fasse un cours à des étudiants en médecine qui s’appelle "l’annonce d’une mauvaise nouvelle". Et je voudrais partager avec vous les choses que je vais leur dire et auxquelles il va falloir que je les fasse réagir.
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Une mauvaise nouvelle, pour un médecin, ça fait partie du métier, c’est un acte médical. Ca fait partie de notre métier d’annoncer aux gens ce qu’ils ont, même si c’est pas une bonne nouvelle, du style "vous avez la grippe et vous êtes coincé au lit pour 5 jours alors qu’il y avait plein de choses à faire", ou au contraire "votre enfant risque d’avoir une malformation à la naissance", ou bien "vous-même, vous êtes susceptible d’avoir une maladie très grave".
Evidemment, le patient n’est jamais prêt à entendre une mauvaise nouvelle, et souvent le médecin n’est pas prêt à le dire. C’est tout le propos justement de faire cet enseignement dirigé à des étudiants de quatrième année pour les sensibiliser à la question. L’annonce de la mauvaise nouvelle, ça pose des questions éthiques et déontologiques, par exemple c’est le problème de la vérité : est-ce qu’il faut tout dire, est-ce qu’il ne faut pas tout dire, est-ce qu’il faut garder des choses pour soi ? Moi personnellement, je pense qu’il ne faut ni tout dire d’un seul coup et asséner la vérité, ni mentir, on ne peut pas soigner en mentant, et que donc, le problème de la vérité, c’est quelque chose qui doit être progressivement introduit avec le patient. Il y a des gens qui savent déjà plein de choses sur ce qu’ils ont, et qui veulent en savoir plus, il y en a d’autres qui en savent assez et qui vous le signifient. Et donc ce que le médecin à mon avis devrait faire, c’est se caler sur ce que le patient lui dit. Et sur ce que le patient lui dit, et non pas l’entourage du patient.
Parce que ça pose aussi le problème de l’entourage. Est-ce qu’on doit parler à l’entourage du patient ou est-ce que l’on doit parler seulement au patient ? Moi, je pense qu’on doit s’adresser d’abord à celui qui souffre, éventuellement lui demander de venir avec quelqu’un, qui va l’accompagner et à qui on va parler aussi, parce qu’il va le soutenir, ou elle va le soutenir, mais sûrement pas parler d’abord à la famille du patient, en isolant le patient de ce qui le concerne au premier chef.
Pourquoi est-ce que c’est difficile pour quelqu’un d’entendre une mauvaise nouvelle ? Parce que ça nous change, si on nous annonce une mauvaise nouvelle sur nous-même ou sur quelqu’un qui nous touche de près, on n’est plus dans le même monde. On n’est plus dans le monde où on maîtrise son environnement, on est dans un monde où on subit. Pourquoi est-ce que c’est difficile à dire pour le médecin ? Parce que le médecin doit d’abord faire face aux réactions émotionnelles du patient, mais il doit aussi faire face à ses propres réactions émotionnelles, d’autant plus que, le plus souvent, il est déjà au courant avant le patient, de ce qu’il doit lui annoncer. Et donc il anticipe l’angoisse du patient, il anticipe les propres sentiments du patient, quand lui-même sait ce qu’il faut annoncer.
Il y a des tas de mécanismes inconscients de défense, face à une mauvaise nouvelle. Il y en a deux en particulier, qui sont le déni, c’est-à-dire "je ne veux pas croire ce qu’on m’annonce", et puis l’isolation, c’est-à-dire "je ne veux pas entendre ce qu’on m’annonce". Et ce que beaucoup de médecins oublient, c’est que ces deux mécanismes de défense, ils les ont aussi. Comme le patient. C’est-à-dire que eux aussi ressentent "j’ai pas envie d’apprendre à ce patient qu’il a une maladie grave et qu’il va peut-être en mourir dans quelques mois ou dans peu d’années", et parfois il y a aussi une isolation, c’est-à-dire "je ne veux pas en parler", ce qui est toujours une erreur.
Alors ce que je vais essayer de dire à ces étudiants, c’est qu’il y a des choses à ne pas faire. Par exemple, il ne faut pas louvoyer avant d’annoncer une chose importante comme ça. Il ne faut pas tarder. Il ne faut pas dénigrer les autres, la façon dont les autres ne l’ont pas annoncée, il ne faut pas l’annoncer brutalement non plus. Il ne faut pas prendre un patient au téléphone, ou bien le lui annoncer tout seul. Il vaut mieux le faire venir avec quelqu’un. Il ne faut ni trop aggraver les choses, ni trop le rassurer. Ce qui est surtout très très important, c’est de le laisser parler, de le laisser exprimer ce qu’il a envie de dire, et surtout quelles sont ses propres inquiétudes. Parce que le rôle du médecin, c’est d’accompagner les gens. Ce n’est pas de faire les choses à leur place ou de décider à leur place ce qui est important ou pas.
Et ce que j’aimerais bien, c’est que vous réagissiez à cette petite chronique en me disant ce que vous pensez de l’annonce de la mauvaise nouvelle, en m’adressant un Email, pour me donner vos sentiments sur l’annonce de la mauvaise nouvelle, en tant que patients, usagers.
PS : J’ai fait ce TD aux étudiants en médecine le 23 février. Je l’ai fait deux fois de suite à deux groupes. A la fin, j’étais sur les genoux. Parler de l’annonce d’une mauvaise nouvelle, c’est presque aussi épuisant qu’en annoncer une. Je ne sais pas comment ils l’ont reçu. La seule chose qui me tracasse, au fond, c’est que je ne le saurai probablement jamais.
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