Radio et télévision >
Télévision : la censure dans tous ses états >
Censure : France 2 remet ça !
Suppression d’un épisode de la série "PJ"
Article du 23 décembre 2003
Dans un article intitulé La série "P.J." victime d’un "problème d’interprétation", Le Monde du 18 décembre révélait qu’après avoir coupé la mini-série Frères d’armes il y a quelques mois et un épisode d’ Urgences à la rentrée, France 2, cette fois-ci, censure un épisode de la série "P.J." qu’elle avait commandée et approuvée. Encore un exemple du respect et de la confiance dans laquelle la chaîne du service public tient les téléspectateurs.
Voir l’article publié dans "Le Monde"
Le mardi 16 décembre, France 2 décide de "surseoir à la diffusion d’un épisode de "P.J.", intitulé "Religion", et programmé initialement le 9 janvier prochain.
L’épisode, dont le scénario avait été validé par la chaîne, traite de l’incendie criminel d’une école juive. Après avoir un temps soupçonné des personnages de confession musulmane, les enquêteurs découvrent que l’incendie a été provoqué par un proche de l’école, juif lui aussi.
Interrogé par Le Monde le mercredi 17 décembre, Christopher Baldelli, directeur général de France 2 explique : C’est la responsabilité d’une chaîne d’apprécier, pour tous les programmes qu’elle diffuse, si le contexte du moment de la diffusion ne pose pas un problème d’interprétation ou de compréhension [c’est moi qui souligne] du programme concerné.
Laurence Bachman, directrice de la fiction de France 2 déclare quant à elle :
Ce n’est pas le contenu de l’épisode qui a provoqué son retrait, [mais] le moment de sa programmation.
On voit cependant difficilement comment le "contexte" peut poser un problème indépendamment du "contenu". Mais les dirigeants de France 2 n’en sont pas à un sophisme près.
Emmanuelle Sardou, coprésidente de l’UGS (Union-Guilde des scénaristes) a quant à elle déclaré : "Voilà un sujet de plus dont il ne faut pas parler dans les fictions télé. (...) Dans n’importe quel autre pays riche et démocratique, les affaires Elf, Crédit lyonnais ou Rainbow Warrior auraient été traitées."
On ne saurait si bien dire.
Diffuser cet épisode c’était justement l’occasion de montrer que l’on peut écrire des fictions policières sans être manichéen (l’incendie d’un édifice confessionnel n’est pas nécessairement un crime raciste, ça peut aussi être un crime crapuleux, par exemple...). Ce type de thème (le "coupable désigné" se révèle être innocent et le coupable véritable proche des victimes, ce qui est très souvent vrai) est couramment traité dans des séries de très grande qualité artistique comme Law & Order/New York District ou CSI/Les Experts - toutes deux diffusées sur TF1, et donc visibles par tous les français. Mais il s’agit de séries américaines, dont les scénaristes ont toute latitude pour aborder les thèmes qui leur paraissent importants, et ce d’autant plus qu’ils ont une portée sociale, politique ou polémique ; ils n’hésitent d’ailleurs jamais à parler de religion...
Et les responsables de France 2 ignorent (et méprisent) ce que les spectateurs français regardent quand ils ne se branchent pas sur leur chaîne.
Si le thème de cet épisode "pose un problème d’interprétation" dans l’esprit des dirigeants de la chaîne (dans celui des spectateurs), je déconseille fortement à France 2 d’inclure dorénavant la moindre mention de violence, de meurtre, de vol ou de viol dans l’une de ses fictions. Ca risquerait de choquer les spectateurs. Enfin, ceux qu’il leur reste.
Martin Winckler
Lisez un autre exemple de la censure selon France 2
Imprimer
|