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"A l’idée de mourir"
par Marcel, dit "Ma Pomme"
Article du 11 mars 2013

Marcel, dit "Ma Pomme", est un de mes "amis" Facebook. Hier, après avoir lu le lien que j’avais mis vers un beau texte du blog "Fils du Docteur Sachs" [1], il a écrit, sur ma page FB, le texte qui suit. Je lui ai demandé l’autorisation de le reproduire. Il me l’a donnée, et je lui en suis reconnaissant.
MW


Je suis terrifié à l’idée de mourir.

Pourquoi ?

Parce que, comme tout le monde je pense, j’ignore à peu près tout de ce qui va se passer, de ce que je vais ressentir, le moment venu.

Parce que, privé du secours de l’illusion religieuse, je n’arrive pas à imaginer ma propre disparition, à l’accepter sereinement.

Si vous avez une recette, je vous en prie, partagez-la.

Je pense, de plus en plus souvent, forcément vu le développement de la maladie, à ce geste qui m’apparaît de plus en plus inéluctable. Et, connaissant le médecin qui me traite actuellement, je le redoute encore plus.

J’ai du mal à m’imaginer demander ce geste, à lui ou n’importe quel autre mais lui moins que tout autre, d’ailleurs, ou même à l’accepter si on me le propose, lui en particulier.

J’ai, plus ou moins délibérément, souvent mis ma vie en danger, par désespoir, par colère. Mais je réalise qu’à chaque fois, inconsciemment, une part de moi misait sur l’échec de la tentative et que ça rendait cette tentative possible, acceptable parce qu’incertaine.

Il s’agissait plus d’un pari où j’abandonnais le contrôle des événements au hasard, où la mort n’était qu’une éventualité que je faisais entrer dans le cercle des "possibles", que d’un acte vraiment réfléchi.

Là, il s’agira de décider d’en faire une certitude.

J’ignore ce que je ferai quand la douleur et la dégradation seront intolérables, la question étant de savoir où se situe cette limite.
J’ai constaté que, plus j’avance dans la maladie, l’infirmité, plus mon seuil de tolérance augmente.

Quand j’avais 30 ans, ou 20 ans, comme beaucoup je me racontais des histoires du genre : "plutôt mourir que supporter..." ce que je voyais d’autres supporter.

Plus on est jeune, moins on supporte l’idée de la maladie, de la vieillesse, de la dégradation de soi et de ses conditions de vie.
Plus on avance vers la mort, plus on attache d’importance à la vie elle-même, quitte à ce qu’elle ne soit pas aussi belle et glorieuse que dans nos rêves d’adolescent ou de jeune homme/femme.

On s’acclimate à un corps moins beau, moins performant, moins séduisant pour soi autant que pour les autres. On s’adapte.

Je ne laisserai derrière moi rien qui compte vraiment, rien que je puisse vraiment regretter sinon des regrets pour certains choix que j’ai faits. Il y a eu tant de souffrance que je devrais envisager cette mort avec un genre de soulagement.
Mais non. C’est la vie elle-même qui est dure à quitter, sinon ça serait trop facile.

Beaucoup de gens se suicident, vraiment, sans tout ce fatras de questions, sans se laisser une chance de s’en tirer, juste parce qu’ils ont atteint leur limite. Mais je reste persuadé qu’ils sont allés au bout de leurs résistance, qu’ils se sont accrochés tant qu’ils ont pu. Simplement ils étaient plus vulnérables.

Je repense à ce recueil de textes de Bruno Bettelhein, « Survivre », paru d’abord chez Laffont en 1979 puis chez Hachette (Pluriel), Outre ce que l’on y apprend sur ce que des hommes peuvent faire à d’autres, on y apprend aussi ce qu’est la résilience, la capacité à supporter l’insupportable et, parfois, à s’en remettre, plus ou moins.

Je me suis parfois senti honteux de me lamenter sur mon sort en le comparant à ce que d’autres subissaient ou avaient subi.

Puis j’ai appris que chacun vit son enfer particulier et que le malheur des uns ne rend pas le sien plus supportable.

Au même titre qu’il est inadmissible de dire que l’on ne devrait pas se plaindre d’être au chômage ou de faire un boulot de merde, mal payé et traité comme un chien sous prétexte qu’il y a plus malheureux dans le monde.

La Rochefoucauld a écrit « On a toujours assez de forces pour supporter les malheurs des autres ».

Comme c’est vrai !

Tout comme il a écrit « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. », ce qui me ramène au sujet.

La mort est inéluctable dès l’instant de notre conception.
Un de mes amis, mort il y a une dizaine d’années, me disait détester ses parents pour lui avoir donné la mort en lui donnant la vie.

Il y a de nombreuses « plaisanteries » sur la mort, dont celle-ci, de Woody Allen : « La vie est une maladie mortelle, sexuellement transmissible » tout comme il a dit « Je ne sais pas si Dieu existe mais s’il existe j’espère qu’il a une bonne excuse ! »

Je ne suis pas plus avancé qu’en commençant ce message, je suis toujours terrifié par ce néant qui nous attend tous. Savoir que c’est le sort commun n’y change rien.

Je lisais récemment un article dans la presse sur les « progrès » de la science en matière de longévité. Le journaliste écrit " « Peut-être disposeront-ils à cette époque d’une espérance de vie très longue, peut-être déjà 150 ans, 200 ans voire plus. » Plus ? Non, il ne faut pas exagérer. Restons-en à 200, ça nous suffit largement."

Je n’ai pu m’empêcher de commenter ainsi « Au moment où vous serez sur le point de faire le grand saut vous découvrirez, quel que soit votre âge, que vous trouverez que ça arrive bien trop tôt. Même quand vous aurez 200 ans. »

C’est pour ça que je trouve, depuis longtemps, absurde cette notion du « Il est parti trop tôt », ou « Le pauvre ! Il était si jeune », et que je trouve, à l’inverse, inacceptable l’idée que « Ah ! Ben... à son âge, il ne faut pas se plaindre ! »

Et, à l’instant, cela me remet en mémoire les Voyages de Gulliver, chef-d’oeuvre de satire, quand Gulliver arrive dans un pays (Luggnagg) où existent des immortels. J’en recommande la lecture.

D’ailleurs je recommande la lecture de la totalité de l’ouvrage dont on ne connaît en général (je hais le Reader’s Digest) que les voyages à Lilliput et Brobdingnag.

Je ne peux m’empêcher de me demander si ces digressions littéraires n’ont pas pour objet de m’éloigner du sujet tant il est effrayant.

Peut-être est-il préférable que j’en reste là, finalement. Quoique je puisse ajouter n’ajoutera rien d’essentiel.

Les questions qui me restent sont, en gros, que se passera-t-il si la chimio ne donne pas le résultat souhaité ? Comment y ferai-je face ?

Je n’ai pas les réponses et ne crois pas que d’autres les aient, alors... à quoi bon.

Un jour après l’autre...

J’aimerais être un poisson rouge.

Marcel

Note de MW : Après que je lui ai écrit et proposé de publier ce texte, parce que je le trouve important, Marcel m’a répondu :

Je ne sais pas si c’est important mais si je l’ai écrit, c’est que ça devait me "travailler" depuis un moment.

Depuis l’an dernier, en fait, au moment où, après moins de 2 ans de rémission, les symptômes de la maladie sont réapparus et que j’ai vraiment cru que je serais mort avant la Noël. J’ai repris vraiment conscience du fait que j’arrivais au bout et je n’y étais pas, ni maintenant, prêt.

Alors qu’il y a 3 ans, lors de l’annonce du diagnostic, j’étais prêt à mourir, je n’en avais rien à foutre.

Après avoir traversé le calvaire du traitement, j’ai dû me dire que j’avais droit à un peu plus de temps, à moins de souffrance.

Mais ça ne marche pas comme ça. La vie n’est ni juste ni injuste : elle est, point, jusqu’au moment où elle cesse.

Lui chercher un sens est vain, absurde, c’est ce qui rend sa fin insupportable parce qu’elle n’a pas plus de justification que son début. Toute tentative de rationalisation ou d’explication est vouée à l’échec si on n’arrive pas à admettre que la vie n’a pas été inventée pour répondre à nos désirs, qu’elle est juste une manifestation du hasard qui a produit l’Univers.

Bien sûr on peut chercher une intention derrière tout ça, pour se rassurer et se dire que toutes les souffrances endurées ne le sont pas sans raison. Je n’ai pas cette possibilité.

Alors il faudra bien faire face, le moment venu.

Quand mon père est mort, à l’âge que j’ai aujourd’hui, je me suis demandé s’il avait eu conscience de sa fin et comment il l’avait ressentie.

Encore une question oiseuse, destinée à rester sans réponse.

Marcel


[1NB : Soit dit en passant, je ne connais pas le "Fils du Dr Sachs", et son surnom m’a fait sourire, mais ça ne m’empêche pas d’apprécier son travail.

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