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Les droits des patientes aux IVG
par S. et Martin Winckler

21 janvier 2007

L’IVG est - faut-il le rappeler ? - encadrée par la loi dans ses moindres détails. Comment les femmes qui demandent une IVG sont elles traitées dans les hôpitaux qui les pratiquent ? Ce courrier de R., étudiante en médecine, attire notre attention sur le fait que les choses se passent, évidemment, de manière très variable d’un centre à un autre...

MW

Je suis étudiante en 6ème année de médecine.
Et à la suite de discussions avec des amies au sujet de l’avortement un
certain nombres de questions se sont posées. Malgré une recherche
attentive et approfondie dans diverses bases de données sur ce sujet
parmi lesquel votre site je ne parviens pas à trouver des éléments de
réponses ; c’est pourquoi je fais appel à votre expérience et à vos
connaisances dans ce domaine.

Quelle est la place faite à l’entourage (ami-e-s, compagnon, parents
...) d’une femme choisissant d’avorter face à une grossesse non désirée
 ? Une place accordée ou encadrée par les lois ? Qu’en est-il en pratique
dans les établissements effectuant des IVG ?



Les ouvrages aussi bien que les sites dont j’ai pu prendre connaissance
développent une information claire par rapport aux techniques
d’avortement disponibles, aux dispositions réglementaires, aux données
épidémiologiques et aux possibilités d’accompagnements psychologiques.
Ainsi une femme qui avorte est dans l’ensemble (mes lectures n’ont pas
été exhaustives) considérée comme une individualité isolée que les
soignants doivent aider et conseiller dans cette démarche douloureuse,
difficile. Or il me semble que toutes les femmes en situations d’avorter
ne sont pas en situation de grande précarité ou de grand isolement
social et que ce soutien peut venir des membres de son entourages avec
lesquels elle choisi de partager ce moment.

Voici différentes questions :
- est-il possible pour une femme de demander la présence de
quelqu’un de son choix auprès d’elle lors d’un avortement pratiqué à
l’hopital (aussi bien lors d’une technique Karmann, qu’une méthode
médicamenteuse)
- pourquoi serait-il légitime de ne pas accéder à cette requête ?

Les IVG au sein du CHU où je fais mes études sont pour les méthodes
d’aspirations effectuées systématiquement dans un bloc opératoire
interdit d’accès à tout accompagnant. Est-ce ainsi dans tous les centres
où se pratique les IVG ?

A mon sens cet accompagnement par une personne proche de confiance
pourrait dédramatiser ce moment ( ce qui ne veut absoluement pas dire
banaliser), ammener une part connue rassurante dans cet environnement
hospitalier assez inhospitalier (je m’excuse du jeu de mot).

R.


Réponse de Martin Winckler

Chère R.

Voici quelques réponses à vos questions. C’est un sujet important. Il est réconfortant que vous vous penchiez dessus.

Quelle est la place faite à l’entourage (ami-e-s, compagnon, parents
...) d’une femme choisissant d’avorter face à une grossesse non désirée
 ? Une place accordée ou encadrée par les lois ? Qu’en est-il en pratique
dans les établissements effectuant des IVG ?

Ca dépend des centres, certainement. Quand le centre d’IVG est indépendant c’est plus simple que quand les IVG sont effectuées à la sauvette dans une maternité par des obstétriciens qui n’ont pas le temps (ou pas envie) de s’occuper de « ces femmes-là ». Dans le centre où je travaille (au Mans), et où les femmes sont prises en charge dans une section spécifique, la personne de leur choix peut les accompagner, les assister pendant l’intervention si elles le désirent, et rester avec elles pendant les deux ou trois heures qu’elles passent ensuite à se reposer avant de partir. Ce n’est malheureusement pas le cas partout.

Or il me semble que toutes les femmes en situations d’avorter
ne sont pas en situation de grande précarité ou de grand isolement
social et que ce soutien peut venir des membres de son entourages avec
lesquels elle choisi de partager ce moment.

Vous avez absolument raison. Le discours sur les femmes en demande d’IVG est souvent extrêmement réducteur, alors qu’il y a autant de demandes que de femmes. Et une femme qui demande une IVG ne devrait pas être considérée ou traitée autrement que n’importe quelle patiente. Or, malheureusement c’est souvent le cas : il est encore fréquent qu’elles soient culpabilisées, infantilisées et traitées comme des irresponsables. Les femmes enceintes aussi, d’ailleurs. Le monde médical a fâcheusement tendance à considérer les femmes, dans leur ensemble, comme des personnes inconstantes, qui ne savent pas ce qu’elles veulent. Si vous vous baladez sur le site, vous verrez au travers des témoignages comment on refuse des DIU ou des implants ou des interventions de stérilisation à des femmes pourtant suffisamment adultes pour avoir des enfants et voter...

Est-il possible pour une femme de demander la présence de
quelqu’un de son choix auprès d’elle lors d’un avortement pratiqué à
l’hopital (aussi bien lors d’une technique Karmann, qu’une méthode
médicamenteuse)

Oui, bien sûr, et elles le font quand elles le peuvent. La seule réserve pourrait éventuellement être si l’IVG est faite sous anesthésie générale. Mais même là, les patientes devraient avoir le choix. Rien n’interdit la présence d’une personne accompagnante dans un bloc si elle revêt, comme tout soignant, des vêtements de bloc, une blouse, un masque, un bonnet et des surchaussures. Si on a vraiment peur qu’elle contamine quelque chose, on peut aussi lui faire mettre des gants...

Pourquoi serait-il légitime de ne pas accéder à cette requête ?

Il n’est jamais légitime de ne pas accéder à cette requête, car c’est une requête légitime pour TOUTES les patientes (c’est dans le code de la Santé publique). Tout patient hospitalisé doit pouvoir être accompagné par une personne de son choix si sa seule présence ne compromet pas le bon déroulement des soins (et c’est rarement le cas). Les contraintes techniques ne doivent pas compromettre le confort des patients. C’est vrai en pédiatrie, ça n’est pas moins vrai dans le cas de l’IVG. Malheureusement, les patients sont souvent intimidés et convaincus qu’ils n’ont pas ces droits...


Les IVG au sein du CHU où je fais mes études sont pour les méthodes
d’aspirations effectuées systématiquement dans un bloc opératoire
interdit d’accès à tout accompagnant. Est-ce ainsi dans tous les centres
où se pratique les IVG ?

Non, et il est abusif de procéder ainsi, c’est même contraire aux textes, je pense. Si la patiente n’est pas sous AG, il est parfaitement possible de permettre l’accès à un(e) accompagnant(e) en la faisant mettre en blouse et surchaussures, comme pour un accouchement. Ainsi, les maris sont admis dans les blocs au moment d’une césarienne ; il n’y a donc aucune raison qu’on refuse un(e) accompagnant(e) pendant une IVG, intervention bien moins lourde qu’une césarienne !

A mon sens cet accompagnement par une personne proche de confiance
pourrait dédramatiser ce moment ( ce qui ne veut absoluement pas dire
banaliser), ammener une part connue rassurante dans cet environnement
hospitalier assez inhospitalier (je m’excuse du jeu de mot).

Je suis bien d’accord, et comme je vous l’ai dit, ça devrait être pris en compte dans le service. En toute bonne logique, les associations de patients ou de consommateurs peuvent exiger que la pratique des IVG soit aménagée pour permettre la présence d’un accompagnant. De plus, les femmes doivent avoir le choix entre aspiration sous locale et aspiration sous anesthésie générale. L’anesthésie générale ne devrait pas être systématique, car le plus souvent, elle fait courir un risque inutile. De plus, personne n’oblige une patiente à accepter une anesthésie générale pour une IVG. Et l’hôpital (ou les médecins) n’ont pas à l’imposer : c’est illégal.

Martin W.

P.S.

Lire aussi : "La maltraitance exercée sur les femmes...




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