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Quand l’Homme a-t-il fait son apparition ?
"Odyssée", France Inter le 12 Mai 2003

23 août 2005

Nous sommes nombreux à avoir vu L’ Odyssée de l’espèce, ce magnifique documentaire diffusé sur France 3 il y a quelques semaines, et qui mettait en scène les ancêtres de l’homme et leur lente progression vers l’humanité telle que nous la connaissons. Et cependant, malgré le soin apporté à sa réalisation, les notions qu’il vulgarise sont sans cesse remises en cause par les découvertes des paléontologues.



Une incertitude, en particulier, est loin d’être levée : elle concerne le moment où singes et hommes empruntent des voies distinctes dans l’évolution. Et quel âge l’espèce humaine a-t-elle, exactement ? Il n’y a pas de réponse définitive car on retrouve périodiquement des fossiles humains de plus en plus anciens.

Le premier fossile considéré comme un ancêtre de l’homme a été décrit dans les années 20 par un anatomiste nommé Raymond Dart, qui le nomma Australopithecus africanus. Un second australopithèque, robustus, fut découvert dans les années cinquante. À la fin des années 70, on en avait trouvé plusieurs autres, parmi lesquels Lucy, chère au Français Yves Coppens.

Lucy et ses semblables vivaient pendant une ère nommée le Pliocène, entre 3,6 et 2,9 millions d’années avant notre ère, et leurs caractéristiques anatomiques différaient sensiblement de celles des singes quadrupèdes qui vivaient à l’ère précédente, le Miocène, cinq millions d’années et plus dans le passé de la terre. Jusqu’en 2000, on n’avait pas découvert de fossile humain vieux de plus de 4,4 millions d’années.

Mais depuis l’an 2000, plusieurs découvertes paléontologiques ont bouleversé la généalogie de l’homme telle qu’on la concevait jusqu’à présent. La dernière date de l’été dernier. L’équipe d’un paléontologue nommé Michel Brunet a découvert près du lac Tchad, beaucoup plus à l’ouest que les grandes découvertes antérieures faites en Ethiopie, au Kenya et en Tanzanie, un fossile d’hominidé datant de 7 millions d’années, Sahelanthropus tchadensis. Il a été affectueusement surnommé Toumaï, c’est à dire « espoir de vie », en Goran, la langue locale.

Quand on étudie la forme de son crâne et de ses dents, Toumaï a des caractéristiques qui le rapprochent des australopithèques les plus anciens et qui le différencient des singes. Pour Michel Brunet, Toumaï est donc un proche parent du dernier ancêtre commun que nous aurions avec les singes et serait l’ancêtre de tous les fossiles humains plus récents. Si cette théorie est confirmée, cela signifierait que l’homme a fait son apparition bien plus tôt qu’on ne le pensait auparavant.

Cependant, comme on ne dispose que de la tête de Toumaï, mais pas des os de ses membres inférieurs, il n’est pas possible de dire s’il s’agit d’un bipède. Or, avec la forme des canines, la bipédie, que l’on devine d’après certaines caractéristiques du fémur, est le critère le plus souvent utilisé pour distinguer les fossiles de singes des fossiles d’hommes. En l’état actuel des choses, l’arbre généalogique de l’humanité n’a donc pas encore trouvé sa forme définitive.

Heureusement, les déserts d’Afrique centrale regorgent de fossiles qui pourront nous éclairer ! Les Shadoks pompaient, pompaient. Les paléontologues, eux, n’ont pas fini de creuser.

A lire : Kate Wong, « Les débuts de la lignée humaine », Pour la Science, numéro 307, mai 2003.

A voir : L’Odyssée de l’Espèce, Editions France Télévisions, 2003

P.S.

Illustration : le crâne de Toumaï




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