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En France, arrive-t-il que des magistrats soient condamnés par les tribunaux ?
"Odyssée", France Inter, 3 février 2003

3 décembre 2005

A l’heure où l’affaire d’Outreau occupe le devant de la scène, je mets ici en ligne une chronique faite sur France Inter le 3 février 2003 au sujet des magistrats... poursuivis en justice.

Martin Winckler




La semaine dernière, la chronique sur le harcèlement des élèves a suscité beaucoup de messages citant des exemples de harcèlement. Un autre de ces messages me signale qu’en cas de conflit entre enseignants et élèves, chaque académie dispose d’un médiateur compétent. Curieusement, les chefs d’établissements donnent rarement cette information aux parents... En cas de difficulté dans votre établissement, adressez-vous à l’inspection académique pour demander l’intervention du médiateur. Et n’oubliez pas de m’écrire ensuite pour me raconter ce qu’il a fait.

A présent, venons-en au sujet de ce lundi. Je m’étonnais à l’antenne que l’on entende rarement parler de condamnations prononcées contre les magistrats. Eh bien, les médias en parlent peu, mais il y en a. Un auditeur m’a signalé ainsi que sur le site internet du conseil supérieur de la Magistrature, les rapports annuels d’activité détaillent les décisions disciplinaires à l’encontre de magistrats, souvent à la suite d’une condamnation pénale.

Et on y trouve confirmation que les juges sont des hommes comme les autres ; certains sont condamnés pour agressions sexuelles, violation du secret professionnel, violences, conduite en état d’ivresse... d’autres sont réprimandés pour des conduites plus exotiques.

Un magistrat a ainsi été sanctionné pour, je cite : avoir de manière habituelle, les samedis et dimanches, réalisé des prises de vues photographiques de modèles, dont certains dévêtus, dans la salle d’audience du tribunal de grande instance où il exerçait. Il a été condamné à la sanction disciplinaire dite « du déplacement d’office ». Ce qui veut peut-être simplement dire qu’il a été envoyé faire ses photos de charme dans un autre tribunal...

Un autre magistrat, qui s’était mis en disponibilité pendant trois ans pour aller exercer le métier d’avocat, a été condamné pour avoir détourné les fonds de plusieurs de ses clients à des fins personnelles... Les juges français ne sont donc pas au-dessus des lois quand ils les enfreignent. Mais qu’en est-il lorsqu’ils rendent une décision qui n’est pas acceptée par le justiciable ? Les décisions des juges peuvent être contestées, par des formes diverses de recours et d’appel, mais les magistrats ne peuvent pas, personnellement, faire l’objet d’une plainte.

La responsabilité du juge est cependant au cœur du discours de rentrée prononcé par Monsieur Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, le 15 janvier dernier. Pour Monsieur Magendie, les dysfonctionnements de la justice sont dus, le plus souvent, au manque chronique de moyens dont souffre l’institution judiciaire. On veut bien le croire.... Et quand il appelle de ses voeux un recensement des dysfonctionnements - ce qui est logique : comment réparer une machine sans savoir précisément ce qui n’y marche pas ? - cela donne envie de faire une suggestion au garde des sceaux.

Il y trois ans, des états généraux de la santé ont rassemblé dans la France entière des milliers de personnes pour leur faire exprimer leurs demandes et leurs besoins en matière de santé. Même si les réformes suggérées n’ont pas vraiment suivi, les enseignements de cette consultation ont été nombreux. Pourquoi ne pas organiser, sur le thème de la justice, une consultation nationale similaire qui permettrait aux citoyens de s’exprimer ? L’opinion des magistrats sur les dysfonctionnements de la justice est importante, mais l’opinion des citoyens ne l’est pas moins. Enfin, il me semble...

Site du conseil supérieur de la magistrature : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/

A la suite de cette chronique, on m’a signalé que des Etats généraux de la magistrature avaient bien eu lieu... mais que les médias ne s’en était que très peu fait l’écho, et que leurs conclusions étaient restées lettre morte....

P.S.

 Lire la chronique sur les différentes catégories de magistrats

 Lire la chronique sur le jury d’assises

 Lire la chronique sur les erreurs judiciaires




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