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Premium TV : un compte-rendu personnel
par Denys Corel

19 septembre 2004

Le Premium TV organisé par le Front de libération de la télévision (FLT) a été un succès ; j’y ai assisté, à la fois en tant que spectateur et intervenant. L’organisation était impeccable (on aurait cru que c’était le dixième plutôt que le premier tellement ça semblait installé) et le public enthousiaste (parfois venu de très loin).



La première intervention à laquelle j’ai assisté, le samedi matin, n’ayant pas pu venir aux premières heures, fut la table ronde sur les série télévisée en France ; celle-ci a abasourdi l’assistance au fur et à mesure que les intervenants brossaient un tableau pessimiste de la situation, si bien qu’un spectateur a fini par demander aux scénaristes présents : "Mais quel plaisir pouvez-vous bien avoir à travailler pour la télévision ?"

Ayant moi-même eu une expérience de scénariste pour la télévision et tentant actuellement de faire accepter des projets, je suis sorti de cette conférence assez déprimé, malgré l’encouragement final de Frédéric Krivine à se battre pour faire changer les choses... Il faut dire que peu avant, il nous avait été expliqué que la dictature de l’audimat était absolue et clairement en opposition

Un peu plus tard, Alain Carrazé nous a informé, sommes astronomiques à l’appui - pas mal pour quelqu’un qui admettait ne pas être un homme de chiffres - des dessous économiques des séries américaines avant de nous présenter Annette Blicq, responsable de l’achat des séries pour Canal Jimmy.

Annette Blicq a déniché et négocié des séries comme Dream On, NYPD Blue, Friends, les Soprano, Six feet under, excusez du peu... Elle nous a aussi expliqué avec une grande simplicité (et une certaine frustration) comment Oz lui avait échappé in extrémis. Après avoir acquis récemment The Wire, Boomtown, The Shield (encore une fois : wow !) elle a finalement été "remerciée" par Jimmy (je n’en sais pas la raison exacte mais... ils sont fous ou quoi ?)...

De la première partie de cette conférence je retiendrai surtout deux choses (chacun voit midi à sa porte) : aux USA, le développement de nouvelles série est un poste important dans le budget d’un producteur. En France, leurs homologues, même lorsqu’ils convoquent des scénaristes pour une commande, ne les payent généralement pas tant que la chaîne n’a pas donné son feu vert.

Ensuite CBS, bien qu’ayant un taux d’audience global supérieur à NBC est cependant moins rentable que cette dernière, car les publicités y coûtent plus cher... Pourquoi ? Parce que son audience est plus jeune et plus audacieuse et que par conséquent les publicitaires savent que c’est une cible plus intéressantes que le public vieillissant de CBS...

Bizarrement, personne ne semble se faire la même réflexion en France, où parmi les amis de ma génération constituant la cible théoriquement la plus juteuse pour les publicitaires (les cadres urbains de trente ans environ) PAS UN SEUL NE REGARDE TF1... Je ne pensais pas un jour devoir en arriver là mais j’ai presque envie de dire :"he réveillez-vous les annonceurs : TF1 vous pique indûment votre thune ! Exigez d’eux (comme le font les annonceurs de CBS) qu’ils rajeunissent leur cible !"

Par exemple en produisant des séries télés audacieuses et spécifiquement françaises...
Ouais, c’est ça... Je rêve, là...

D’après ce que nous a dit Alain Carrazé, Canal +, Paris Première, Série Club, TF1 et 13ème rue ont participé avec enthousiasme à l’élaboration du premier opus de Premium TV. Toutes ses chaînes ont travaillé à fournir des épisodes et des bandes annonces en un temps record, faisant des pieds et des mains pour obtenir les droits nécessaire. Série Club a même offert un petit plus : l’annonce en exclusivité de la diffusion sur leur antenne de Firefly, la trop courte série de Joss Whedon, créateur de Buffy.

Évidemment, étant moi-même un immense admirateur de Whedon, il est facile d’imaginer que je n’y suis pas resté indifférent... Nous avons même pu assister à la projection d’un épisode (qui était, si j’ai bien compris, le "deuxième pilote" de la série, il faudra qu’on m’explique ça...)

Me permettrai-je cependant de pointer un léger problème qui a quelque peu gâté un plaisir jusque là sans mélange. Oui, série club s’est montrée particulièrement généreuse... mais... Firefly était en VF. Ça m’a paru être une bonne série, sauf que j’ai l’impression d’avoir manqué ainsi une grande part de la saveur de la série. Cependant, les décors sont impressionnant de baroque et la saveur des situations "Whedonniennes" sont tout de même passée.

Vu l’effort qu’ils ont fait pour Premium TV, j’aurais envie de ne dire que du bien de série club, mais passer Firefly en VF après ce que j’ai vu me semble quand même une lourde erreur. Cependant il semble qu’à l’exception de Jimmy les chaînes du câble ne reprendront pas la V.O. en raison de l’audimat désastreux de ces dernières...

Là aussi je m’étonne, vu le nombre de gens que j’ai rencontré qui disent avoir pris le câble pour les séries en V.O. Mais bon, il paraît que regarder autour de soi est moins fiable que le panel de médiamétrie... C’est vrai que la méthode de sondage, principe proche de celui de l’audimat a été incroyablement précis lors des deux dernières élections présidentielles... (Vous vous souvenez... Balladur président, Jospin au deuxième tour... fiable hein ?)

Enfin, après cela 13ème rue nous a gratifié d’un épisode du Monde de Joan, une étrange série pour ado, dont l’héroïne parle à Dieu et semble être une réincarnation de Jeanne d’Arc. Là aussi, l’épisode était en VF, mais ça m’a moins gêné (comme quoi, ce n’est pas un a priori). Cela dit, j’attends d’en voir plus : pour l’instant je suis mitigé...

Le lendemain, j’ai participé à la table ronde autour de Buffy, animée par Antoine de Froberville, avec Ronan Toulet, Hélène Frohard-Dourlent, et Fanny Couturier. Nos interventions se complétaient plutôt qu’elle s’opposaient et j’ai eu l’impression malgré que les autres s’en sont bien sorti (moi non, c’était une catastrophe, d’ailleurs Alain Carrazé m’est tombé dessus après pour m’expliquer tout ce qui n’allait pas dans ce que j’avais dit, cela "en toute amitié", et en plus il avait raison).

Pour me remettre de cette expérience mitigée, j’ai eu ensuite l’extrême plaisir, d’écouter la conférence de Henri Larski, que je connaissais depuis un autre colloque sur les séries organisé à Cerisy par Martin Winckler et Anne Roche. il nous a parlé du rapport entre le cinéma et la série télévisée. Où j’ai appris par exemple le nom de William Witney, réalisateur de serial, de série B et de séries télés comme Bonanza ou les Mystère de l’Ouest...

Les deux dernière conférence se sont succédées rapidement, la première par Guillaume Dessaix parlait en profondeur de la politique d’HBO sur les séries télévisées. Et la deuxième, par Séverine Barthes, présidente du FLT, était un panorama de la recherche universitaire sur les série. Si une relève semble capable de prendre des risques, il semble tout de même que la culture populaire reste trop souvent méprisée par les universitaires.

Pour finir en beauté j’ai vu une série de Canal + : Cold Case. Bon sujet, Cold Case, bien fait, mais dans cet épisode en tout cas, peut-être un peu superficiel pour un tel sujet (une jeune inspectrice rouvre des dossiers criminels datant de plusieurs années)... J’attends impatiemment d’en voir plus.

Voilà, ça a été une curieuse expérience, unique en son genre. MAis qui ne le restera sûrement pas, j’espère, car il semblerait bien que le FLT remettra ça... Je le souhaite vu la réussite du premier opus.

Denys Corel




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