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Allopathie et homéopathie sans frontières : même combat ?
par Bruno Schnebert

17 août 2004

Le texte consacré à l’initiative discutable d’ "Homéopathes sans frontières" a suscité cette réaction de Bruno S. (non ce n’est pas un pseudo...), au sujet des médicaments qu’on envoie aux pays en développement....

Je le remercie pour cette contribution éclairante.
MW





Depuis quelques années, il m’arrive d’exercer ma cardiologie de famille en dehors de la France.
Je fais partie d’une petite association, le titre d’ONG est un peu pompeux pour cette organisation créée par une poignée de copains, de structure quasi familiale, au moins jusqu’à ces dernières années.

Le but était, en l’absence totale de moyens, d’apporter un peu d’information et de formation médicale, dans des endroits qui en manquaient cruellement et ce, depuis de nombreuses années, en l’occurrence au Vietnam dans une contrée campagnarde très reculée du delta du Mékong.

Le besoin en était d’autant plus pressant que nos amis de l’industrie du médicament n’oubliaient pas les médecins vietnamiens, j’y reviendrai peut-être dans un autre texte (si Martin veut...) (Note du claviste : Oui, Martin veut et je suis sûr que les lecteurs veulent aussi.)

Lors de mon séjour le plus récent, en 2002, le médecin responsable de l’hôpital me demande un matin : " Bruno ce serait bien si tu venais nous aider à trier les médicaments qui sont arrivés à la pharmacie de l’hôpital et nous avons du mal avec les noms français ! "

Accompagné de mes deux acolytes, un MG et un radiologue de famille, nous nous rendons sur les lieux et nous considérons la quinzaine de cartons envoyés par l’aide humanitaire française, avec une fierté peu dissimulée de ce que peuvent faire notre beau pays et ses citoyens quand il ramènent leurs boites dans leur pharmacie locale et qu’une ONG offre le transport en container à grands frais.

Après deux heures d’un labeur rendu difficile par la chaleur et le manque de connaissance d’un cardiologue et d’un radiologue envers les médicaments de pratique courante en France (merci le MG !), nous contemplons le résultat de nos efforts :

De quinze cartons, nous avons réduit la quantité de substances utilisables à environ un demi carton, comprenant quelques boites de diurétiques et d’autres anti-hypertenseurs ultramodernes (totalement inutiles puisqu’elles doivent être prescrites au long cours pour avoir la moindre efficacité), quelques boites de médicaments antiarythmiques, toutes dépareillées, quelques seringues d’héparine (une semaine de traitement en tout) et deux fois cinq jours d’une antibiothérapie ultramoderne elle aussi.

Et les quatorze autres cartons et demi ?

En regardant ce que nous en avions sorti, le feu m’est monté aux joues : essentiellement des médicaments veinotoniques, à coup sûr utiles dans cette région du monde où il fait très chaud - encore que je ne me souvienne pas avoir entendu des vietnamien(ne)s se plaindre d’avoir les jambes lourdes le soir, mais ce n’est pas peut-être pas leur préoccupation de santé principale - mais surtout une ribambelle de gélules, de comprimés, de sachets, voire de petits tubes munis de longs "cous" destinés à combattre...la constipation !!!

Je suis maintenant fier que, grâce à nous, la pharmacie de ce petit hôpital d’une région où les enfants meurent de déshydratation par diarrhées majeures, soit équipée d’un rayon contre la constipation digne d’une pharmacie des Champs-Elysées !

Vive l’allopathie sans frontières !


P.S.

De Bruno S(chnebert) vous pouvez lire aussi :
 Les marchands du temple
 Les boutons de Bruno et l’appendicite d’Emmanuel
 Il y a vingt ans, j’ai raté l’internat
 Quand un médecin passe de l’autre côté de la pancarte




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