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Essai
Le rire de Zorro (extrait)
éditions Bayard (mars 2005)

9 mars 2005

Le rire de Zorro (d’abord intitulé Les Masques de Zorro puis Z comme Zorro mais parfois le titre définitif s’impose au dernier moment, et c’est ce qui s’est passé quand j’ai relu et corrigé le manuscrit avant de l’envoyer à l’éditrice, même que ça l’a surprise elle aussi, alors... ) est un essai sur le personnage mythique de la littérature et du cinéma mondial, né en 1919 sous la plume de l’écrivain Johnston McCulley dans The Curse of Capistrano et immortalisé l’année suivante par le comédien Douglas Fairbanks dans The Mark of Zorro de Fred Niblo.

C’est mon héros d’enfance. Alors, inutile de vous dire que je me suis fait un plaisir d’écrire ça...

Mar(c)tin W.

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Introduction : Z comme Ze héros

Enfant, j’ai eu besoin de héros. Je ne m’en rendais pas compte, bien sûr. Je savais seulement que certaines figures m’attiraient, me rassuraient. La plus attirante, la plus rassurante, c’était mon père. C’est une grande banalité de dire cela et je l’ai déjà dit souvent, longuement - au point de consacrer un livre entier à ce héros-là. Mais un père est un être humain. Il n’est pas doté de pouvoirs extraordinaires, il n’est ni invincible ni ubiquitaire. Il souffre - j’ai senti la souffrance de mon père ; il a peur - j’ai senti la peur en lui ; il sait qu’il peut disparaître - il a failli être assassiné lorsque j’avais six ans. Un père, c’est un héros sans cesse menacé.

Dans les films américains des années 50 ou 60, quand on demande à un enfant ce qu’il veut devenir plus tard, il répond souvent : " pompier " ou " officier de police ". Et il ajoute : " comme Papa ". L’enfant qui a grandi sous la protection d’un héros paternel a-t-il toujours envie de l’imiter ? Un psychanalyste répondrait sans doute que si l’enfant imite son père, c’est par désir de prendre sa place, immédiatement ou plus tard, dans le coeur de sa mère.

Rien ne sert de discuter cette affirmation : mon déni semblerait probablement suspect, et je n’ai guère envie d’entraîner le lecteur dans cette direction. Mais j’avancerai qu’à mon humble avis on peut vouloir devenir pompier, ou officier de police, ou - c’est mon cas - médecin, comme son père, pour prendre sa suite. Non pas comme on endosse le titre d’un aristocrate ou la charge d’un notaire, mais comme on poursuit une mission paternelle, la mission noble mais impossible qu’il n’aura pu achever de son vivant.

Quand j’ai fait la connaissance de Zorro - au début des années 60 ? Je ne sais plus quand, exactement - sur le petit écran de notre première télévision, ce héros-là m’a parlé tout de suite. Il était escrimeur et mon frère et moi faisions de l’escrime. Il menait une double vie dans laquelle je voyais l’écho de ma double vie - celle, apparente, d’un écolier de dix ans sans histoire ; celle, intérieure, d’un enfant tourmenté, dépositaire involontaire et inconscient de l’histoire familiale.

Il adorait son père, qu’aucune femme ne lui disputait (Don Alejandro de la Vega est veuf). Il affrontait secrètement les injustices contre lesquelles son père se dressait ouvertement, au risque de sa vie. Il lui venait en aide, il le sauvait. Ah, et accessoirement (Tu parles !) : il signait d’un Z, la première lettre de mon patronyme : Zaffran.

L’émotion qui me monte à la gorge au moment même où je trace ces lignes confirme ce que j’ai toujours ressenti sans pouvoir l’expliquer clairement : entre Zorro/Don Diego et moi, il y a autre chose qu’une simple affinité construite dans l’enfance. Le voyage auquel je vous convie aujourd’hui sera très personnel. Car ce personnage aux prolongements multiples, nous le verrons, n’est pas seulement mon héros d’enfance. Il est ma chair et mon sang. C’est mon double et c’est mon frère.

Lui et moi (je veux dire " moi, le lecteur ", et j’espère bien que d’autres lecteurs que moi se diront que ce " moi ", c’est eux), nous avons toujours eu, au sens biblique du terme, des pères à honorer.

Ce livre est donc écrit en hommage aux pères : ceux de Zorro... et les nôtres.

P.S.

Éditions Bayard Centurion - Collection : Archétypes (Mars 2005) - 147 pages - 18€ - ISBN : 2227471654
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