source - https://www.martinwinckler.com/article.php3?id_article=137 -



Les mots passent les grilles
"Des clés pour la liberté"
par Chantal Montellier et des détenus de la maison d’arrêt de Laval (Mayenne)

25 janvier 2004

Chantal Montellier, dessinatrice et écrivain de talent, anime aussi des ateliers d’écriture. Des clés pour la liberté est un recueil de textes composés au cours d’un de ces ateliers par des détenus de la maison d’arrêt de Laval (53).
Voici un extrait de la préface que j’ai eu l’honneur d’écrire pour ce beau livre.



(...)Ce livre-ci dit la prison et la vie d’une manière particulière, inédite il me semble, en tout cas rare. Chantal Montellier, qui dessine et écrit " dehors ", est entrée dans la maison d’arrêt de Laval. Là vivent des hommes qui n’avaient pas d’existence médiatique avant d’entrer, qui n’en ont pas dedans, et qui sont très peu susceptibles d’en avoir une lorsqu’ils seront dehors. Tout sauf des VIP de la prison.

Le pré-texte - littéralement - de ces incursions dans la maison d’arrêt de Laval était d’y animer un atelier d’écriture. Qui dit atelier dit travail. L’écriture est un travail. " Le travail, écrit l’un des détenus, c’est du temps en moins passé en cellule. "

Alors, même si elle n’est pas aussi libératrice que nos fantasmes romantiques voudraient nous le faire croire, même si beaucoup de détenus n’écrivent pas, ne veulent pas écrire, ne sont pas nécessairement attirés par l’écriture (pourquoi le seraient-ils plus que les gens du dehors ? on les a privés de liberté, on ne va pas en plus les obliger à écrire !) l’écriture est un moyen d’ex-pression. Ce n’est pas rien. Ni pour eux, ni pour nous.

L’écriture de ces hommes est bien sûr " encadrée " par la prison (hantée par elle, contrôlée par elle). C’est une écriture terriblement " sous contrainte ". C’est cependant une écriture du monde : ceux qui écrivent décrivent le monde vu de cette enclave, de cet appendice, de cette tumeur plus ou moins bien contrôlée qu’est la prison.

Susciter, encourager, accompagner dans cette écriture, c’est affirmer que leur regard mérite le respect. Et plus que ça. Publier ces textes est une entreprise difficile - même quand on n’est pas en prison, on n’est pas toujours libre de publier. Cela aussi mérite le respect. Et plus que ça. Ces regards, ce livre méritent aussi d’êtres lus. (...)

MW

P.S.

Des clés pour la liberté, dessins de Chantal Montellier, textes écrits par des détenus de la maison d’arrêt de Laval, Ed. Siloë, 2003




Source - https://www.martinwinckler.com/article.php3?id_article=137 -