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Feuilleton
Les mauvais prescripteurs et les médecins qui « expérimentent »
Les médecins maltraitants, 8e épisode

9 novembre 2011

Résumé des épisodes précédents
Un médecin est une personne comme une autre mais certains médecins ont systématiquement une attitude maltraitante (volontairement ou non)

Tous les médecins ne sont pas maltraitants, loin de là. Mais ces médecins là trahissent l’idéal qu’ils sont censés incarner, ils font du mal non seulement aux patients, mais aux soignants authentiques, nombreux mais silencieux, qui font leur travail de leur mieux. Ils compromettent la bonne délivrance des soins par les professionnels respectables et dévoués.

Il est donc important de les identifier, afin que les patients sachent que leur comportement n’a rien de "naturel", ni même de "normal" dans le cadre professionnel. Dans tous les pays développés (et dans beaucoup de pays en développement) les médecins sont assujettis à des codes de conduite : lois et réglementations, codes de déontologie, repères éthiques.

Les médecins maltraitants ne respectent pas tout ou partie de ces codes.

En dehors des situations de stress, le fait qu’un médecin se comporte de manière désagréable, brutale, autoritaire, intrusive ou insultante n’est pas acceptable. Les gestes et attitudes maltraitants pratiqués systématiquement ne doivent pas être tolérés. Un même médecin peut cumuler plusieurs types d’attitude maltraitante. Si vous connaissez d’autres archétypes de médecins maltraitants, vos témoignages sont les bienvenus.
Lire les épisodes précédents :

 1. La maltraitance est un abus de pouvoir
 2. Médecin phobique, médecin en burn-out
 3. Médecin distant, médecin égocentrique
 4. Médecin terroriste
 5. Médecin méprisant, médecin étouffant
 6. Médecin manipulateur, médecin pervers
 7. Médecins et manipulations morales


A quoi reconnaît-on un médecin ? Au fait qu’il est habilité à prescrire un traitement. Ce traitement peut être simple (un comprimé) ou complexe (une chimiothérapie anticancéreuse). C’est dans le domaine de la prescription que les médecins maltraitants sont potentiellement les plus dangereux.

Une fois encore (et il vaut mieux le répéter pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté), tous les médecins (ni même leur majorité) ne sont pas maltraitants. Beaucoup de praticiens font leur travail avec dévouement et souci des autres. Mais certains, trop nombreux, le font au contraire, très mal - et ils font du mal. Il s’agit, tout simplement, d’apprendre à distinguer les uns des autres, sans se voiler la face. Et comment le faire sinon en décrivant les pratiques inacceptables ?



LES MAUVAIS PRESCRIPTEURS

Ce sont des médecins qui prescrivent de manière inconsidérée, inadéquate et potentiellement dangereuse. Ils sont malheureusement nombreux, et ce pour une raison très simple : la pharmacologie (le comportement des molécules dans l’organisme humain) et la thérapeutique sont les matières les plus mal enseignées en faculté de médecine. Ce n’est pas la faute des pharmacologues qui sont, le plus souvent, des gens très sérieux. C’est surtout le fait des enseignants spécialistes, dont la rigueur pharmacologique laisse souvent à désirer, et qui transmettent à leurs étudiants leurs mauvaises habitudes plutôt que des comportements rationnels.

La pharmacologie est une science difficile, qui demande une grande rigueur intellectuelle, qui fait l’objet d’un enseignement assez tôt pendant les études de médecine - à un moment où les étudiants n’en voient pas encore l’intérêt - et qui devrait faire l’objet de rappels réguliers à mesure que les cours abordent des maladies précises et des situations particulières. Il n’en va pas ainsi partout, malheureusement.

En Grande-Bretagne, le British Medical Formulary qui sert de référence sur le médicament est produit par une commission qui regroupe les agences de santé britanniques, les rédacteurs du British Medical Journal (la revue médicale la plus respectée au monde), des experts indépendants - mais aucun membre de l’industrie.

La seule revue française indépendante consacrée au médicament, La revue Prescrire, qui existe depuis 1980, devrait, en toute bonne logique, être financée par le Ministère de la Santé et envoyée à tous les médecins de France. Il n’en est rien. De fait, l’immense majorité des publications médicales françaises sont financées par l’industrie, ce qui compromet leur indépendance. Et l’ouvrage de pharmacologie « de référence » des médecins français est le dictionnaire Vidal, publié (et distribué gratuitement) par les industriels du médicament.

Pour couronner le tout, les médecins français ont été longtemps imperméables au savoir produit en dehors de l’Hexagone. Ils ont en revanche toujours été très influencés par le discours mandarinal, et du fait de la structure pyramidale de l’enseignement médical, ce n’est pas près de s’arranger. C’est ainsi qu’on continue à refuser des DIU à des femmes sans enfants (alors que cette « règle » n’existe nulle part ailleurs dans le monde) et que la France est le seul pays où l’on interdit aux utilisatrices de DIU de prendre des anti-inflammatoires... pour des motifs qui ont été inventés (et jamais prouvés) par des mandarins français. Et s’il n’y avait que ça !

Beaucoup de (non, non, pas tous, mais beaucoup...) médecins français sont de mauvais prescripteurs pour une seconde raison : ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Il faut dire qu’on ne leur apprend pas à regarder plus loin. Leur myopie est générale et elle semble, pour certains praticiens, inaccessible à la discussion. Car elle est le plus souvent fondée non sur des apprentissages rationnels, mais sur des dogmes. J’ai cité les exemples du « pas de DIU aux femmes sans enfants » et du « pas d’anti-inflammatoires aux femmes portant un DIU » ; dans le seul domaine de la gynécologie et de la contraception, il y en a des douzaines d’autres, comme en témoignent nombre des « questions réponses » lisibles ailleurs sur ce même site.

L’aveuglement le plus grave réside dans le fait que, pour beaucoup de médecins français, les patients n’existent pas hors du moment où ils les ont devant eux. Je n’en veux pour preuve que l’anecdote suivante :

En 1977, j’étais étudiant hospitalier en psychiatrie. Je m’occupais d’une patiente hospitalisée pour un syndrome dépressif à la suite d’une suite de mauvaises nouvelles : on lui avait trouvé une tuberculose, on l’avait traitée par un médicament spécifique et comme on avait omis de lui demander si elle avait une contraception, on avait découvert qu’elle était enceinte après plusieurs semaines de traitement. Or, l’antituberculeux était tératogène (il provoquait des malformations). Elle avait donc dû subir une IVG. Quand elle sortit du service de psychiatrie, elle retourna voir le spécialiste de la tuberculose qui l’avait vue la première fois. Il lui prescrivit un autre médicament antituberculeux. Il ne lui demanda pas plus la seconde fois si elle prenait une contraception. Elle prenait la pilule. Il ne lui dit pas que l’antituberculeux qu’il lui prescrivait, la rifampicine, inhibe les effets de la pilule. Elle se retrouva enceinte une deuxième fois, par la faute de l’incurie des médecins. Cette incurie, et cette ignorance, à l’époque, me paraissaient insupportable. Pourquoi ? Parce que, bien que n’étant qu’étudiant en médecine, je connaissais l’interaction entre la rifampicine et les pilules contraceptives : elle nous était donnée en exemple par les pharmacologues. Aucun médecin n’aurait dû l’ignorer.

Vous allez me dire : « Bon, ça se passait en 1977. » Oui. Malheureusement, ce genre de malfaisance se poursuit. Tout au long de ma pratique au centre de planification du Mans, j’ai eu à croiser à de nombreuses reprises des patientes jeunes traitées pour épilepsie. Les médicaments anti-épileptiques sont eux aussi, NOTOIREMENT, incompatibles avec les contraceptions hormonales, sauf le DIU hormonal Mirena. Je ne compte pas les médecins (gynécologues, généralistes, neurologues) qui ont renouvelé sans sourciller la prescription de pilule sans tenir compte du traitement anti-épileptique, ou l’inverse... et les femmes qui sont arrivés, enceintes, au centre d’IVG. (Je ne compte pas non plus le nombre de gynécologues qui ont refusé des DIU, hormonaux ou au cuivre, à ces mêmes femmes, qui prenaient un traitement anti-épileptique de longue durée, en leur disant de se débrouiller avec des préservatifs...)

Aujourd’hui même, 23 octobre 2011, 34 ans après la malheureuse aventure de la patiente tuberculeuse, je reçois le message suivant :

« J’ai 39 ans. Je prends la pilule depuis plusieurs années. A la suite d’une infection, on m’a prescrit de la rifampicine. J’ai des saignements gynécologiques inhabituels. S’agit-il d’un problème gynécologique ? Dois-je m’inquiéter ? »

Je lui ai répondu immédiatement d’aller demander une autre contraception et d’utiliser des préservatifs d’ici à ce qu’on lui pose un DIU, car elle n’est plus protégée. Qu’un médecin français, aujourd’hui encore, prescrive un médicament notoirement connu pour son incompatibilité sans demander à la patiente si elle prend la pilule (ça fait pourtant partie des choses qu’on demande, PUISQUE LES INTERACTIONS SONT POSSIBLES !!!!), ça montre bien à quel point les choses ne changent pas.

Ce type de maltraitance larvée, difficile à identifier par les patients eux-mêmes, est encore fréquent, et il est entretenu par la mauvaise qualité de la formation en pharmacologie dans les facultés de médecine française.

Je pourrais aussi parler de la surconsommation des hypnotiques et des autres psychotropes, médicaments addictifs que les médecins français prescrivent, cela a été démontré, beaucoup plus que les autres médecins européens ; je pourrais parler des antibiotiques, utilisés en dépit du bon sens ; je pourrais parler de beaucoup de catégories de médicaments...

LES MEDECINS QUI « EXPERIMENTENT »

Lorsque les médecins sortent de faculté, leur impréparation aux bonnes pratiques de prescription les rend encore plus vulnérables aux pressions de l’industrie.

« Essayez-le, vous verrez ! »

Un médecin reçoit un visiteur médical qui lui vante un nouveau produit dont il ignorait l’existence. Il lui dit : « Essayez-le, vous verrez ». Le médecin le prescrit à la première occasion - autrement dit : au premier patient qui entre dans les catégories définies par la notice du médicament (et dans les recommandations « hors réglementation » qu’a sussurées le visiteur médical).
Cette attitude n’est pas une attitude acceptable. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle bafoue l’indépendance intellectuelle et professionnelle que les médecins français revendiquent haut et fort. En effet, prescrire sur la suggestion d’un agent commercial, ça n’a rien de médicalement légitime. Et ça n’a rien d’éthique : le médecin est censé servir les intérêts du patient, pas ceux d’un fabricant et il a toutes les bonnes raisons scientifiques de ne pas croire le représentant du fabricant sur parole.

Il faut en effet savoir qu’un « nouveau » médicament, en France, est rarement nouveau. Dans leur immense majorité, les médicaments « nouveaux » sont ce qu’on appelle des « me-too » (moi aussi), des variantes de médicaments existants - lesquelles sont bien moins coûteuses à fabriquer que des médicaments vraiment novateurs. D’autre part, quand bien même ce « me-too » aurait-il un intérêt par rapport aux médicaments existants, il n’est pas raisonnable de la part du médecin de base (généraliste ou spécialiste de ville) de le prescrire juste parce que le représentant du fabricant l’a conseillé ! La prescription d’un médicament, ça obéit à des règles, à des directives, à des guides de bonne pratique, et non à l’incitation du fabricant.

Le médecin qui prescrit des médicaments « sous influence », « pour voir » (et bien sûr, en pensant que ça « sera mieux » pour ses patients) n’est pas seulement manipulé, il fait de l’expérimentation sauvage. Pourquoi ? Parce que c’est précisément en multipliant les prescriptions « pour voir » qu’on provoque des effets secondaires indésirables. Les exemples de catastrophes (si je cite le Distilbène, le Vioxx, le Médiator je n’aurai pas énuméré le dixième de celles-ci) provoquées par un médicament « à la mode » - car il s’agit bien de ça - sont suffisamment nombreux pour que la prudence soit toujours de mise.

En quoi le médecin qui prescrit « le dernier médicament en date » est-il « maltraitant » ?

Il y a trois raisons au moins :

1° il ne prescrit pas de manière professionnelle, ni en toute indépendance puisque ce qui l’incite à prescrire le médicament en question, c’est le fabricant et non l’état des connaissances (qu’il lui faudrait avoir révisée indépendamment de la visite du représentant pharmaceutique)

2° il omet de prévenir le patient qu’il n’a aucune expérience du médicament qu’il lui prescrit ; ce faisant, il enfreint ses obligations déontologiques (le patient a droit à une information complète et à un traitement de qualité)

3° - corollaire de ce qui précède - il fait courir au patient un risque impossible à anticiper ou à mesurer, en lui prescrivant un médicament encore mal connu, au lieu de choisir un traitement plus ancien, dont les effets secondaires sont connus et prévisibles (et qu’il peut annoncer au patient)

Les « pseudo-essais scientifiques »

Il fut un temps où certains spécialistes se voyaient confier par un laboratoire un « essai de phase IV » - autrement dit : la prescription d’un médicament nouveau, tout juste mis sur le marché, à des patients recrutés spécialement pour l’occasion, afin d’en étudier les effets secondaires. Les médecins recevaient une rémunération pour chaque dossier de patient complété (ils suivaient la prescription pendant quelques semaines ou quelques mois). Cela, bien sûr, incitait les médecins à prescrire ce nouveau produit. Ce qui n’était pas dit c’est que pour tout médecin, il est très difficile de changer ses habitudes. Une fois que le praticien a pris celle de prescrire un médicament, s’il n’en a pas de retours négatifs de la part des patients, et s’il est convaincu de son intérêt, il continue à le prescrire - et il a tendance à étendre sa prescription à des patients qui n’étaient pas originellement inclus dans l’ « essai ».

De même, il est difficile de changer le traitement d’un patient qui tolère bien celui qu’il prend depuis longtemps. Il est plus facile de prescrire un nouveau médicament en guise de premier traitement. L’apparition d’un médicament nouveau a donc pour conséquence que les médecins vont chercher de nouveaux patients à qui les prescrire. C’est particulièrement vrai pour les médicaments censés avoir un effet « préventif ». Citons en particulier les anti-hypertenseurs (contre l’hypertension artérielle), les statines et autres hypocholestérolémiants (pour faire baisser le cholestérol), les médicaments destinés à prévenir l’ostéoporose chez les femmes ménopausées, les anti-inflammatoires (contre les rhumatismes).

Si les antihypertenseurs ont démontré leur utilité, il n’en va pas de même pour les autres catégories de médicaments citées plus haut. Dans le cas du cholestérol, l’effet « préventif » des produits aujourd’hui prescrits à des millions de patients est hautement douteux.
On comprend donc que sous prétexte de « faire tester » un médicament par un médecin sur ses patients, l’industriel n’a pas d’autre objectif que celui d’étendre son marché.

Evidemment, à première vue, il ne s’agit pas d’une maltraitance volontaire de la part du médecin. Mais dans la mesure où celui-ci sert de relais à un tiers en prescrivant un médicament d’intérêt douteux à ses patients, il s’agit bien d’un abus de pouvoir et de confiance. Dans ce type de situation, le médecin est, ni plus ni moins, assimilable à un « dealer ». Le fait qu’il ne s’en rende pas compte n’en est que plus grave.

Les expérimentations sauvages

En principe, dans les pays développés comme la France, les expérimentations de médicaments sur l’être humain sont strictement réglementées. On ne peut faire entrer un patient dans ce qu’on appelle un « essai clinique » qu’après avoir pris de très nombreuses précautions. Il faut en principe faire agréer le protocole expérimental par une commission spéciale. Il faut aussi avoir décrit très précisément aux patients les conditions de l’expérimentation - et, en particulier, s’il s’agit d’un essai « randomisé en double aveugle » - ce qui signifie que le patient peut être affecté, par tirage au sort, à un groupe qui ne reçoit pas le médicament testé, mais un placebo, ou un médicament de référence auquel on le compare.

Autrement dit : quand on soumet un patient à un traitement expérimental, il faut non seulement qu’il le sache, mais qu’il ait consenti librement (après avoir été complètement informé) à cette expérimentation. Et son consentement reste total : il peut décider de quitter l’expérimentation à tout moment - autrement dit : cesser de prendre le médicament qu’on lui administre dans ce cadre.

Cela étant, il n’est pas rare en France que des patients fassent l’objet d’une expérimentation sans en avoir été avertis.

Deux exemples :

1° une femme de soixante-dix ans souffre d’une maladie sérieuse, annonciatrice d’une leucémie. Un cancérologue, appelé à son chevet, demande à parler au fils de cette femme, lui-même médecin. Il lui explique qu’il y a deux options : dans un premier centre, réputé mais peu interventionniste, on va traiter la patiente de manière non agressive, en la laissant le plus tranquille possible ; dans un second centre (auquel le cancérologue est associé) on la soumettra
(les mots soulignés sont ceux qu’il a utilisés) à un protocole agressif, encore expérimental, mais très prometteur. « Seulement, ajoute-t-il, à son âge, ça passe ou ça casse. » Le fils médecin répond : « Eh bien allons lui demander son avis. » Le cancérologue réplique : « Non, si je lui demande, elle va me dire de la laisser tranquille. » Autrement dit : « Vous, qui êtes son fils, allez la convaincre. »

Le fait que le fils ait été médecin ne change pas grand-chose à l’histoire, sinon que le spécialiste pensait que ce fils-là se rangerait à son avis. Par confraternité, sans doute. Mais il s’agissait, ni plus ni moins, de convaincre une patiente d’un âge déjà respectable de se soumettre (littéralement) à un protocole expérimental sans aucune garantie d’améliorer son état, et avec un risque élevé de mortalité. Autrement dit : de devenir un cobaye.

Ce premier exemple remonte à une quinzaine d’années, mais des incidents survenus il y a deux ou trois ans me donnent à penser que le cancérologue en question sévit toujours. Manifestement, personne n’est allé lui dire explicitement que son attitude n’est pas conforme à l’éthique et ni favorable au bien-être des patients.

2° un homme d’une quarantaine d’années souffre de troubles du comportement importants qui s’accompagnent d’une paranoïa intense. Il souffre évidemment beaucoup. Son médecin lui propose de le faire hospitaliser pour qu’il se « repose ». Lorsqu’il arrive dans la clinique, on lui installe (sans l’avoir prévenu) en perfusion un médicament dans une poche numérotée, ne portant aucun nom. Il demande de quoi il s’agit. On lui explique qu’il vient d’être inclus dans l’essai d’un traitement des troubles dont il souffre, mais qu’on ne sait pas s’il est dans le groupe qui reçoit le traitement actif, ou dans celui qui reçoit le placebo. Le tout sans l’avoir consulté, bien sûr.

Ce second incident se déroulait il y a six ou sept ans (milieu des années 2000).

J’aimerais pouvoir être sûr que ce genre d’expérimentation n’a plus jamais lieu, nulle part en France.

Et, à vrai dire, j’aimerais que les lecteurs ou lectrices de cet article qui ont été les témoins ou les participants d’expérimentations médicales volontairement et dans le cadre de la loi ou, au contraire, hors de tout respect de leur personne, à m’écrire pour m’en faire part. A la fin de ce cycle d’article, je publierai toutes les contributions qui m’auront été envoyées.

Les médecins qui nient les effets secondaires des médicaments

TOUT médicament est susceptible d’avoir des effets indésirable. S’il n’en a pas, c’est qu’il n’est pas pharmacologiquement actif. Mais qu’est-ce qui n’est pas pharmacologiquement actif ? L’eau, si on en boit trop, le sucre, le sel on des effets sur l’organisme. Donc TOUTE SUBSTANCE INGEREE en a, potentiellement. C’est une question de quantité, mais aussi de susceptibilité personnelle.

Deux exemples concernant la contraception (mais qui peuvent se retrouver dans toutes les classes de médicaments)

 la perte de la libido sous contraception hormonale (pilules, implant, DIU hormonal, patch ou anneau vaginal) ; cette baisse de libido est décrite par un certain nombre de femmes ; elle ne touche pas toutes les femmes qui prennent une contraception, mais elle est logique, car elle s’observe aussi chez certaines femmes enceintes. Or, la contraception reproduit l’état hormonal d’une grossesse... Lorsqu’une femme dit « Je n’ai plus de libido depuis que je prends cette pilule (ou que je porte un implant ou un DIU hormonal) », lui répondre « C’est dans la tête » est inacceptable. Cette baisse de la libido n’est pas un effet psychosomatique (pas plus que pendant la grossesse ou pendant une maladie, par exemple) et même si la baisse de libido était « psychologique », elle devrait inciter les médecins à changer la contraception.

 un effet plus grave, rare, mais réel sous médicament contenant une molécule ayant des effets hormonaux marqués, par exemple la drospirénone, un anti-androgène également diurétique, qui constitue l’un des composants de pilules type Jasmine ou Jasminelle (ou Yasmin). Elle peut, chez certaines utilisatrices, entraîner un amaigrissement, une fatigue liée à une perte de potassium et des troubles hormonaux (hyperaldostéronisme). Ces effets sont rares, mais décrits, et doivent absolument être pris au sérieux chez les femmes qui présentent des troubles pendant la prise de Jasmine/Yasmin.

Dans tous les cas où un patient incrimine un traitement comme étant responsable de symptômes nouveaux ou gênants, un médecin doit envisager les choses au moins de la manière suivante :
 quand les symptômes ont-ils commencé par rapport au début de prise du médicament (plus les deux événements sont proches, plus la responsabilité est probable, mais il arrive que des symptômes n’apparaissent qu’après plusieurs semaines ou mois de traitement)
 est-ce que les effets connus de la molécule sont compatibles avec les symptômes
 y a-t-il une autre raison pouvant expliquer les symptômes ?

Si le traitement n’est pas indispensable (s’il peut être remplacé ou arrêté temporairement) et s’il existe un doute, il est toujours légitime de l’interrompre pour voir si les symptômes disparaissent.

Toute autre attitude - celle qui consiste, en particulier, à réfuter la responsabilité du médicament sans avoir examiné très soigneusement son profil pharmacologique - est professionnellement indéfendable.

On en concluera assez simplement, encore une fois, que le meilleur moyen d’être un médecin maltraitant, c’est de ne pas écouter ce que les patients ont à dire...

Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)
(martinwinckler/at/gmail.com)




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