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"Les Trois Médecins" : un roman d’aventures et de formation (médicale)
Les médecins, les patients, et tout ce qui s’ensuit... > Soignants en formation, soignants en souffrance >


Formation des médecins généralistes : une politique de sacrifice
par Chantal
Article du 1er novembre 2005

Dans le discours officiel des ministères, la médecine générale est le maillon essentiel de la politique de santé nationale. La réalité est tout autre, et cela peut se voir à la manière dont les futurs médecins généralistes choisissent leur "spécialité", par le dépit, l’échec ou la contrainte. Ce texte de Chantal l’explique clairement, de l’intérieur. Question : qui a envie de se faire soigner par quelqu’un qui n’a pas choisi d’être là ?

MW


Je suis actuellement étudiante en DCEM4 à Paris, et ce que j’ai pu lire des contributions des uns et des autres se répercute aussi chez nous.

Mais dans l’ensemble, cela correspond à ce qui a toujours ete fait pour nous en médecine : du sacrifice.
A chaque génération, sa réforme de l’internat, qui aboutissait pour la plupart à un sacrifice d’une ou deux promos, lachées dans un concours qui changeait sans arret, et dont les résultats n’avaient donc plus rien a voir avec la formation recue pendant plusieurs années (puisqu’elle était forcément inadaptée à la réforme, ou à l’ »esprit de la réforme » cher à nos doyens)

Mais celle-ci a de pervers qu’elle est faussement rassurante et même revalorisante pour les medecins généralistes.

Généraliste comme spécialité à part entière, ca peut paraître une bonne façon de voir les choses, sauf qu’actuellement, le médecin généraliste est le médecin sacrifié...

Pour le prouver, il suffit d’y regarder d’un peu plus pres :
- La nouvelle réforme de la sécurité sociale n’apporte aucun bénéfice à ces travailleurs acharnés et meme déprécie leur travail en leur imposant sans contrepartie des charges en matière administrative
- De plus, contrairement aux spécialistes qui ont vu leur consultation revalorisée en termes de tarifs, pour les médecins généralistes, nada
- Encore plus grave, que ce soit dans les médias, ou meme a travers ce qu’on entend chez nos patients, le médecin généraliste est soit un mauvais médecin, soit une vache à prescriptions (« je vous mets quoi, ma petite dame ? » on se sert comme au supermarché)

A ce rythme la, et en sachant qu’on ne voit aucun généraliste pendant notre formation (sauf le sien quand on a un vaccin à faire), comment voulez vous que cette merveilleuse discipline paraisse attractive ? et meme si elle l’est pour beaucoup, parce que c’est un des plus beaux métiers du monde, quand on voit les pouvoirs plublics s’acharner dessus, on n’a pas très envie de faire partie de ceux sur qui on tape, pendant toute notre future activité.

Quand on reprend ces deux éléments (la génération sacrifiée au concours et les médecins généralistes sacrifiés), on en arrive à ce qui se passe dans les facs actuellement :

Le concours d’internat, meme s’il est nommé pompeusement "Epreuve Nationale Classante" (ce n’est meme plus un examen), reste extrêmement élitiste, et favorise essentiellement le bachotage (surtout ne rien rien oublier pour avoir le plus de points à ramasser, quand on sait que souvent quelques dizaines de points suffisent à changer une centaine de places).

Les places les plus demandées restent toujours les memes (spécialités avec de gros revenus, villes prestigieuses - Paris en premier lieu), ce qui fait le plaisir de tous les doyens, qui comptent les points avec les autres facs....

Exemple dans la mienne : une heure de décryptage des chiffres de l’ENC, pour dire qu’on est les meilleurs, qu’on se bat avec une autre fac pour les premières places, et qu’on va y arriver. On a souvent l’impression de n’etre qu’une écurie de poulains qu’on lache dans l’arene, pour voir quel est le meilleur entraineur. Parce que les doyens ne fixent d’objectifs de l’enseignement et ne modifient leurs stratégies qu’en fonction de ca : pas selon le critère "Mes élèves seront de bons médecins", mais "Mes élèves seront les mieux classés".

En plus, la plupart du temps, le concours reste le seul objectif. Personne pour explique didactiquement le principe de l’amphi de garnison, ou meme, encore plus simple, les types de spécialités, les villes existantes et le principe de la formation d’interne. On est obligés de trouver ailleurs (tirer les vers du nez de nos internes, qui en ont une vision faussée, puisque eux ont été bien classés, ils sont à Paris !!)

Et on en vient à une monstrueuse aberration : Les meilleurs au concours ne sont pas les meilleurs face au patient, et pour cause, ils ne voient le patient que sur une feuille...

Deuxième aberration : ceux qui n’ont pas l’ambition première d’être spécialistes doivent bosser encore plus dur pour être de bons médecins, et on ne les y encourage pas...

Quand on dit vouloir etre généraliste, en général la réaction est : Ben c’est bon, tu n’as pas besoin de trop travailler. Le pire, c’est que c’est vrai, les modalites de l’examen permettant à tout le monde de se classer !!

Résultat des courses : en ce moment, on forme des médecins généralistes de moins en moins bons, qui souvent ne choisissent la profession que par dépit (un peu comme on a eu des dentistes qui le sont devenus pour avoir raté le concours de première année de médecine), et même contraints et forcés (les directives ministérielles essaient d’interdire le redoublement, et ça fait un peu mal de ne pas avoir le choix de sa profession - et de son lieu de travail - au bout de 6 ans d’études qui ne sont pas encore terminées) et qui ne voient la suite que tout en noir, puisque meme les pouvoirs publics leur tapent sur les doigt.

La conclusion est simple : les ministères, les facultés de médecine françaises et l’éducation nationale sont en train de massacrer la médecine générale.

Chantal

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