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"Les Trois Médecins" : un roman d’aventures et de formation (médicale)

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L’implacable marathon des étudiants en médecine
par Anne, étudiante en cinquième année à Lille
Article du 8 mars 2005

Je suis actuellement en D3 à lille dans une toute petite fac, exception française puisque seule fac privée de médecine en France.

Je n’ai lu qu’un seul de votre livre il y a un an (la maladie de Sachs), et je me suis offert "les trois médecins" pour Noel dans l’idée de le faire lire à mes parents qui ne connaissent rien au monde médical et à la formation...

Je n’ai malheureusement à ce jour pas eu le temps de dépasser la dixième page. Je me dois de signaler à titre anecdotique, qu’une valise contenant ce livre et mes fiches de cours pour le fameux ENC [1](des heures de travail..) m’ a été volée au mois de janvier. J’ai pu récupéré la majeure partie de son contenu après moultes aventures et plusieurs nuits sans sommeil.

Ce vol qui pourrait paraitre insignifiant aux yeux de n’importe de qui m’ a mis dans un état psychologique lamentable type "ma vie est foutue... sans mes fiches, je serai dernière à l’ENC, ...". J’ai ainsi pourri la vie de mes proches pendant plusieurs jours et avec le recul je n’en suis pas très fière... Bref, cet incident mineur et son retentissemnt majeur permettent d’illustrer la pression qu’il y a sur nous épaules avec ce concours.

Pour en revenir à la formation ; dans ma fac, le système diffère un peu du fonctionnement habituel des études médicales puisque durant les deux premières années d’externat, nous sommes en stage à temps plein 8 mois sur 12 et en cours à temps plein les 4 mois restants.

Du point de vue de l’apprentissage hospitalier, c’est un fonctionnement qui me convient parfaitement pour plusieurs raisons :
- nous bénéficions d’une vraie intégration au sein des services et souvent d’une bonne reconnaissance par l’ensemble du personnel
- il existe une excellente coopération avec les internes
- nous ne sommes pas victimes pas de la schyzophrénie fac/hôpital, ni de courses éreintantes avec sandwich pour regagner la fac l’après-midi
- l’enseignement à l’hôpital est bon dés lors que l’on montre un peu de bonne volonté et de curisoté intellectuelle (avec le revers de la médaille : explication de la pathologie de la personne précedente dans la chambre suivante..)

Ce système est rendu possible et performant pour plusieurs raisons :
- nous formons de petites promotions (50 actuellement, 70 avec le nouveau NC)
- il y a une réelle participation des externes dans le travail du service ( présentation de l’externe aux patients lors de la visite matinale, rédaction de courriers, prescriptions et ordonnances avec contre-signatures, réalisation d’examen clinique sous contrôle d’un sénior en début de stage puis de façon indépendante ensuite, ....) et finalement l’adage qui veut que les externes ne soient pas indispensables au fonctionnement des services est peu vérifié chez nous
- notre fac a ouvert des postes d’externes dans des hopitaux de périphérie avec souvent un excellent accueil, parfois meilleur qu’en chu.

Voilà pour les points positifs, mais bien sûr, tout n’est pas parfait :
- les horaires sont lourds
- il n’y a pas de repos compensateurs lors des gardes (prévu dans le réglement de notre fac mais laissé à la discrétion du chef de service et généralement tacitement oublié)
- mais surtout, il est difficile voire même humainement impossible de se replonger dans les bouquins le soir quand on rentre de l’hôpital, épuisés par le boulot, la garde ou la conférence de la veille, ou même les 80 km de route..
- il convient également de souligner que cette même fatigue limite souvent toute vie sociale annexe

Par ailleurs, en ce qui concerne l’enseignement et son apprentissage, ce système est catastrophique :
- on doit en l’espace d’un mois et demi, assister à environ 100 cours, travailler les dits cours et les apprendre, cours dont le niveau est généralement bien en dessous du niveau exigible pour l’ENC
- on bénéficie ensuite de 5 jours de révisions
- enfin, on subit une semaine d’examens
- et au bout du compte, l’effet chasse d’eau est immédiat puisque les connaissances ont été partiellement et trop rapidement acquises
- le planning de gardes est par ailleurs maintenue pendant cette période des cours
- une fois de plus, la vie privée en prend un sacré coup... vu le caractère intensif de la chose

Soulignons également que quelles que soient la période (cours ou stage), il convient d’assister à une à deux conférences hebdomadaires payantes dont l’utilité est réelle autant pour la pratique, que pour la préparation de l’ENC (qui en toute logique, ne devrait pas être dissociées).

L’appartenance à telle ou telle conférence sanctionne déjà vos chances de réussite au concours. Pour que ces enseignements soient profitables, il faut les préparer, et finalement il reste peu de soirées libres. Et là, vous comprendrez qu’il y a vraiment des soirs ou je frise la ralbolite aigüe qui a tendance à se chroniciser ces derniers temps.

Je soulèverais maintenant tous les autres sacrifices qu’exigent ce qui était au départ une sincère vocation :
- je suis encore financièrement dépendante de mes parents et ça m’est très pénible,
- je ne vois plus la plupart de mes amis qui ne sont pas en médecine,
- je ne goûterais pas au bonheur de la maternité avant quelques années ( je ne suis pas wonderwoman) mais de toutes manières la stabilité sentimentale en médecine est une épreuve de force (la plupart des couples que je connais en médecine se cassent la figure sur le D3-D4)
- je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait ; dans quelle ville va m’amener ce fichu concours ?? Quelle spécialité sera mienne ??
- je côtois beaucoup d’étudiants sous ATD... et je trouve ça inquiètant...
- je n’ai plus assez de places pour stocker mes cours et mes bouquins, mais bon ça c’est plutôt drôle
- j’ignore ce que sont les troubles du sommeil puisque dés que je suis en position horizontale, je dors.

Je vais arrêter là ma phase égocentrique mais j’en aurais encore beaucoup à dire.

Finalement, je ne dirai pas que je suis malheureuse mais je ne suis pas réellement heureuse et si c’était à refaire, je ne le referais pas. Nombreux sont les jours où je regrette de ne pas avoir été fleuriste...

Il n’est certes pas trop tard pour faire marche arrière mais je suis un peu trop avancée maintenant, et j’ai un minimum de respect pour mes parents qui financent mes études depuis le début. Et puis, c’est pas en se défilant qu’on fait avancer les choses.

Je fais partie des personnes qui ne se sont jamais investis au sein de la corpo [2] à la fac ou de l’anemf [3]... mais j’ai de plus en plus envie de me faire entendre. Et comme diraient les anglais, last but not least, il y a de réelles satisfactions dans ces études : les remerciements des patients, la reconnaissance du médecin du service ou de l’interne, le dessin d’un enfant ou même la réussite à un énième examen.

Voilà tout ce que je pouvais dire concernant mon ressenti qui n’engage biensûr que moi.

Je profite également de ce mail pour soulever une question qui me paraît prépondérante :

Est-il normal que l’enseignement des sciences humaines se fassent à 99% en P1, sous une forme essentiellement didactique, à un moment où l’on en perçoit uniquement l’intérêt ou la difficulté pour le concours, mais absolument pas l’importance pratique puisqu’on ignore tout du fonctionnement hospitalier.

En conclusion, que dire à part que les études de médecine constituent un sport à part entière : sprint en P1, et endurance du D1 au D4 et qu’il y a beaucoup de jours où je ne crois pas être une athlète !

En vous remerciant de vous interessez à la cause étudiante et d’avoir pris le temps de me lire, je vous adresse mes sentiments respectueux.

Anne

Vous voulez témoigner, vous aussi, de la cruauté des études de médecine ? Ecrivez à martin@martinwinckler.com


[1Examen national classant, qui a remplacé le concours de l’intérnat et que désormais tous les étudiants en médecine doivent passer pour obtenir un poste d’interne. (Note de MW)

[2Coopérative des étudiants

[3Association Nationale des Etudiants en médecine français

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