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De l’ "Indocilité" des femmes en couches...
une lettre du CIANE
Article du 25 février 2005

Le CIANE regroupe plus de 40 associations d’usagers et de
professionnels. Mis en place à l’occasion des Etats Généraux de la
naissance en juin 2003, il continue ses travaux, en particulier dans
l’interface usagers et représentants du gouvernement et du système de
soins.

Il a adressé récemment cette lettre à un gynécologue-obstétricien, et m’en a communiqué la copie.

De : CIANE Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE

A : Dr. Robert Maillet, Hôpital St. Jacques, Besançon

Monsieur,

Le CIANE regroupe plus de 40 associations d’usagers et de
professionnels. Mis en place à l’occasion des Etats Généraux de la
naissance en juin 2003, il continue ses travaux, en particulier dans
l’interface usagers et représentants du gouvernement et du système de
soins.

Nous avons pris connaissance des actes du colloque auquel vous avez
participé en octobre 2000 à Tarbes, "Extractions instrumentales :
ventouse ou forceps : que choisir ?"

Nous avons trouvé ce document extrêmement instructif, aussi bien
sur l’emploi des instruments que sur les effets secondaires qui
peuvent parfois se produire. En particulier, vous prenez bien note du
fait que des péridurales trop dosées entraînent souvent le recours aux
extractions instrumentales.

Nous nous demandons par contre pourquoi tous ces effets secondaires et
dangers sont presque toujours passés sous silence lors des cours de
préparation à l’accouchement donnés aux femmes enceintes.

Nulle n’est
informée de cet effet secondaire de la péridurale, ni non plus des
dangers des forceps ou spatules pour le périnée maternel et les
temporaux des bébés.

Etant donné que ces extractions instrumentales
concernent environ 15% des accouchements, il est plus que regrettable
qu’une information loyale ne soit pas délivrée aux femmes enceintes.

Nous sommes d’autre part choqués par l’une de vos "Indications
d’intérêt maternel" : "l’indocilité" dans le cas des spatules,
la "non coopération maternelle" dans le cas des forceps.

Que signifient ces termes en pratique ? Dans l’ancien temps
vous auriez vraisemblablement parlé d’une femme hystérique. Le terme
"indocile" signifie "désobéissant", "indiscipliné", "insoumis".

Parler d’intérêt à utiliser des instruments impressionnants en cas
d’"insoumission" peut apparaître comme un moyen de punition.

De plus, ces propos tenu par un homme (même de l’art) peuvent avoir une
connotation "sexiste", passible aujourd’hui de sanctions sur le plan
pénal. Imaginez la réaction d’une association telle que "Ni putes, ni
soumises" à la lecture de ce texte.

Il ne saurait être question d’utiliser des termes comme "indocilité"
dans une relation contractuelle liant médecin et patient, comme le
rappelle la loi sur les droits des malades.

Un patient n’a pas à obéir à
un médecin, un médecin n’a pas à lui donner des ordres, même en cas
d’urgence.

L’expression de "désarroi maternel, malgré un soutien
psychologique" serait plus proche de la réalité et surtout plus
respectueuse de la dignité de la personne.

Nous comprenons que vous puissiez percevoir certaines situations
comme devenant urgentes lorsque vous vous trouvez confronté à une femme
qui vous semble en proie à une crise de panique. La première question à
poser est : Pourquoi cette femme panique-t-elle ?

Il se peut qu’elle se soit sentie totalement déshumanisée, réduite à un
corps sans tête, obligée de rester immobile et de subir
divers actes sans parfois être même informée de la raison de ces actes,
sans même parfois que le soignant ne lui adresse un regard ni une
parole. Il n’est ni étonnant ni anormal qu’une personne se révolte
lorsqu’elle est systématiquement dépersonnalisée.

Hors péridurale, il se peut aussi que l’immobilité forcée en
décubitus dorsal [1] augmente les douleurs de l’accouchement à un point tel
qu’elle cherche juste à se relever pour soulager sa souffrance un tant
soit peu. L’en empêcher pose des questions éthiques insurmontables.

Toujours hors péridurale, il se peut aussi que le bébé coince
légèrement dans sa progression et que la femme en couches ressente le
besoin impérieux de bouger pour aider la progression de son bébé. Dans
ce cas un ordre contradictoire lui enjoignant de rester immobile à plat
dos (ou même semi-assise) a toutes les chances de la rendre très
"indocile" puisqu’elle sait qu’elle doit bouger pour aider son bébé à
naître. [2] En outre, un ordre de poussée dirigée dans un tel contexte
risque fort de transformer en dystocie [3] véritable ce qui n’était qu’un
léger blocage. Bernadette de Gasquet, qui participait au même colloque,
a certainement pris la peine de détailler l’importance de la mobilité
d’une femme en couches. L’OMS qualifie d’ailleurs de pratique iatrogène [4]
l’immobilité imposée pendant toutes les phases du travail.

Finalement, il existe aussi une phase de l’accouchement bien connue qui
s’appelle la désespérance. Elle se produit en général juste
avant la sortie du bébé. La femme éprouve à ce moment une très grande
angoisse et parfois même une peur presque panique de mourir.

Il ne sert à rien de sortir des forceps ou des spatules pour
arrêter cette phase de désespérance. La seule chose raisonnable
à faire est d’être là humainement avec cette femme, de l’accompagner
empathiquement, voire de verbaliser calmement cette phase de
désespérance. Si elle est correctement interprétée par l’entourage,
cette phase de désespérance se resoud d’elle-même par la naissance du
bébé, sans besoin d’aucune intervention.

Nous vous serions plus que reconnaissant d’éviter à l’avenir
d’utiliser, mais surtout de les penser, de tels termes irrespectueux en
parlant des femmes en couches. Elles sont des êtres humains
responsables, et non des petites filles face à une autorité.

Cécile Loup, Gilles Gaebel, et Bernard Bel, pour le CIANE

Copies à : Comité d’organisation des journées de Tarbes ; Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France ; Centre d’Ethique Clinique de l’Hôpital Cochin :
Comité Consultatif National d’Ethique ; Associations et organismes de presse

NB : Toutes les notes sont de MW.


[1couchée sur le dos

[2Quand un bébé "ne vient pas" malgré les contractions de l’utérus, il suffit souvent de faire lever la femme et de la faire marcher pour que la gravité aide le bébé à amorcer naturellement sa descente dans le bassin de la mère. Cette mesure simple, connue depuis des millénaires, a été longtemps interdite à partir du moment où les obstétriciens, dans le but de contrôler la naissance, ont fait allonger les parturientes...

[3accouchement anormal

[4pratique nocive induite par les médecins ou les traitements médicaux

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