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"Les Cahiers Marcoeur", 32e épisode
LE DOSSIER VERT, 12
Article du 8 août 2004

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LE DOSSIER VERT, 12

(Un entretien Gutyer-Yuth dactylographié. Les lettres c et h ne sont pas bien marquées)

P.L.Y. : Dans un de vos textes, intitulés Fonds d’oeil, vous analysez Regards, la série de cartes postales de Marcoeur. Expliquez-nous de quoi il s’agit...

B.G. : Pendant deux mois, Marcoeur intercale à son travail en cours un Cahier sur cartes postales, rédigées à raison d’une par jour, chaque fois dans un café différent de Tourmens. Pourquoi des cartes postales ? On ne sait pas, c’est l’été, il y a quelque chose d’ironique dans le procédé, mais pas seulement. Ce sont des cartes très variées, qu’il n’a probablement pas achetées pour l’occasion, mais accumulées petit à petit dans un tiroir ou serrées dans un de ces petits réceptacles en similicuir posés sur un bureau pour conserver le courrier en souffrance. Ces cartes postales, adressées à des amis, traitent 1) de ce que représente la carte 2) des relations de RM avec le destinataire 3) du lieu où RM écrit et 4) de son humeur du moment.

Ce dernier élément n’est pas spécifique, car RM mentionne toujours son humeur du moment, ses petites souffrances physiques, le fait que la cartouche de son stylo est vide ou que la table vibre au passage de l’autobus, etc... Théoriquement, il doit y en avoir une soixantaine, mais on ne les a pas toutes retrouvées. Celles qui étaient adressées à des amis proches, Bernard Gutyer, Pascal Torricelli...
- Le professeur d’italien de Marcoeur...
- C’est ça, un personnage très important dans sa formation d’écrivain, puisque c’est la première personne qui le lit.
- Il me semblait pourtant vous avoir entendu dire qu’il vous avait écrit des textes très tôt ?

- Certes, vers seize, dix-sept ans, mais j’étais son ami d’enfance, ça ne comptait pas. Torricelli est le premier lecteur extérieur, donc son premier lecteur tout court ; nous en reparlerons, si vous voulez bien... Où en étions-nous ? Ah, oui, certaines de ces cartes sont destinées à Laetitia, bien sûr... Elle en a reçu une dizaine, qui ponctuent la série tout au long des deux mois. Celles-là, nous les avons, bien sûr, mais nous ne connaissions pas tous les destinataires, ni l’ordre dans lequel il les a rédigées. Quand Cinoche s’est attaqué à ce Cahier-là, Torricelli, Laetitia et moi-même avons pu nommer certains correspondants possibles et, la chance aidant, nous en avons retrouvé d’autres, mais il en manque encore beaucoup, une douzaine peut-être. Certains destinataires nous les ont confiées, d’autres les avaient jetées ou perdues, et c’est désolant : comme toujours, l’ensemble forme un seul et même texte, fragmenté comme un feuilleton. Ce que je peux dire - nous n’avons malheureusement pas encore le droit d’en livrer des extraits - c’est qu’elles ont été rédigées en juillet-août et qu’elles sont toutes postées de Tourmens, bien sûr.
- Pourquoi Fonds d’oeil ?

- Parce que ce "Cahier-cartes postales" s’intitule Regards. Or, des fondements de ce regard, nous ne pouvons avoir qu’un faible aperçu. Tout est elliptique dans le texte serré de chaque carte. Certaines choses sont implicites en raison du destinataire, de l’illustration, du lieu de composition, on ne peut donc avoir qu’une idée partielle du sens de ce texte-feuilleton, qui bien entendu fait partie intégrante de l’ensemble des Cahiers...
- Ce Cahier a-t-il fonction de chapitre ?
- Il semble bien. Cependant, il faudrait disposer de tous les Cahiers réalisés à la même époque, afin d’en mesurer l’importance. Raùl n’écrivait pas que cela, bien sûr, à ce moment-là.
- Raoul ?

- Raùl, r-a-ù-l. C’était son prénom. Enfin, l’un de ses prénoms. Vous ne le saviez pas ? Il est né dans une famille très "Famille". On lui avait donné les noms de son père, de ses grands-pères et de ses quatre oncles maternels : Raùl Andrès Pedro Henri Albert Emile Léon. Lui qui avait toujours dit qu’il se forgerait un pseudonyme, il n’avait que l’embarras du choix. Ç’aurait pu être Raùl Andrès ou Henri Albert, mais il a choisi Marcoeur (c’est le nom de sa mère) et fait un huitième prénom avec les initiales des sept autres. C’est un type qui cherchait des signes partout. Et en trouvait...
- Il en a laissé aussi, semble-t-il ?

- Mmmhh, oui et non. Ne répétez pas ce que je vais vous dire, mais je ne sais pas si l’on doit vraiment le considérer comme un artiste. Un artiste doit conquérir un public, son public. Lui n’avait pas ce souci. Il écrivait, c’est tout. La question Pour Qui ? ne se posait même pas... Mais je reviens à Regards. Vous avez consulté l’ensemble du corpus, pour l’un des volumes. Avez-vous travaillé sur les cartes postales elles-mêmes ou sur la photocopie des textes ?
- Sur les cartes. Une fois rassemblées, elles ne sont plus sorties de l’appartement de Laetitia Desormes, qui m’a hébergé le temps nécessaire à l’étude de ces textes et de bien d’autres.
- Je n’ai pas participé à cette phase de l’opération, est-ce Laetitia qui a exigé de garder les textes chez elle ?

- Non, disons que c’est la situation qui l’imposait. Nous avions une quantité de textes formidable, rassemblés principalement par elle et par vous, qui êtes les deux plus proches de Marcoeur, mais aussi par Jérôme Cinoche. L’idée de base, puisqu’il s’agit d’un corpus formant un tout, a consisté à tout rassembler dans la maison de la rue des Merisiers où Marcoeur a vécu jusqu’à l’âge de vingt ans, et qui est intimement liée à la naissance de son écriture. Cette maison n’était plus habitée depuis longtemps mais Laetitia Desormes en avait les clés. Nous avons de bonnes raisons de penser que Marcoeur y revenait périodiquement pour écrire, voire pour y passer quelques jours de solitude.

On y trouve beaucoup de choses instructives : des jeux et des jouets d’enfance, des vêtements, des photos, et la bibliothèque de Marcoeur. Il gardait tous les livres. Je me suis passionné pour cette bibliothèque, qui comporte en fait deux pièces : une bibliothèque d’adolescence, jusqu’à l’âge de 20-22 ans, et puis la bibliothèque adulte, accumulée dans l’appartement où Laetitia et lui avaient vécu, que nous avons déménagée.
- Vous avez consacré un court essai à cette bibliothèque, je crois ?

- Oui, il sera repris dans les CAHIERS, mais il a déjà paru en revue ( "Lectures rangées et dérangées", in Cahiers de Sémiotique Graphique, n°11, mai 1992). Je dois beaucoup à Jérôme Cinoche, qui m’a confié un travail passionnant quoique, il faut le dire, assez ingrat.
- C’est une grande bibliothèque ?
- Pas très, quelques milliers de volumes, fascicules et revues diverses, mais elle ne ressemble à aucune autre, en raison de l’ordre qui y règne. Le double principe organisateur participe à la fois de l’écoulement du temps et de l’ordre de lecture. En effet, RM range dans l’ordre où il acquiert, mais il ne lit pas dans cet ordre-là. Il tient cependant à ce que les deux ordres soient lisibles. Chaque livre contient donc la date d’achat et les dates de début et de fin de lecture, ainsi que la mention de ce qu’il lit au moment de l’achat, ce qu’il vient de lire, ou va lire. Les pages de garde ne sont pas vierges, comme vous l’imaginez, mais traitent du ou des livres en cours, ou de bien autre chose, bref : même les pages de garde de ses livres font partie des Cahiers ! Une bibliographie annotée, en quelque sorte.

- Il n’a tout de même pas écrit sur les pages imprimées ?
- Non, pas sur les livres qu’il aime. Or, il ne garde que les livres qu’il aime. Ceux qu’il n’aime pas, il les découpe.
- .... ?
- Il en fait des collages, des montages, et compose de féroces articles critiques qu’il envoie à l’auteur. Malheureusement, nous n’en avons pas d’exemple, vous pensez bien ! Nous n’avons même pas le droit de donner le nom des destinataires. C’est Torricelli qui nous en a parlé, car RM lui envoyait régulièrement un petit mot lui signalant qu’il avait assaisonné tel ou tel individu. Il devait tenir à ce qu’on garde la trace de cette activité-là... et Laetitia Desormes avait trop d’amis dans le milieu des écrivains pour qu’il lui fasse cette confidence.

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