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L’industrie pharmaceutique, les médecins, les médias et l’argent
A propos de "90 minutes" sur Canal +, Lundi 2 février, 22.20
Article du 31 janvier 2004

Lundi soir 2 février à 22.20, Canal + a diffusé un reportage réalisé par l’équipe de "90 minutes" sur les liens entre l’industrie pharmaceutique, les médecins et les médias. C’était un modèle d’investigation.

Il y était question des manoeuvres de Glaxo-Smith-Kline pour corrompre les médecins italiens, mais aussi des médecins de la télévision en France (Michel Cymes, en particulier, y fait une prestation remarquée) et bien entendu de l’affaire "Odyssée", sur France Inter.

J’aimerais cependant revenir sur la fin du reportage.
Le commentaire expliquait qu’un membre de l’industrie avait déclaré a l’équipe : "Martin Winckler, lui aussi, a reçu de l’argent des laboratoires pharmaceutiques."

Au journaliste qui m’interrogeait sur ce point, j’ai répondu (c’est repris dans le reportage) que j’ai donné une unique (1) conférence, il y a deux ans (début 2002), à la demande du laboratoire qui commercialise deux "pilules" du lendemain. Je n’y ai pas fait la promotion des produits, mais la description de toutes les méthodes de contraception d’urgence. J’ai même précisé que l’un de leurs produits était la copie conforme de l’autre, qu’il n’avait aucun avantage sur l’autre produit, et était... deux fois plus cher et non remboursé (déclarations reprises sans hésitation dans la 2e édition de Contraceptions...).

Faire des conférences fait partie de mes activités régulières depuis six ans : des groupes variés (associations, institutions publiques, groupes de médecins, bibliothèques, librairies) me demandent de parler d’un sujet que je connaîs - les problèmes de santé, la littérature policière, les super-héros, les séries télévisées, etc. - et me rémunèrent. Cette rémunération sert à indemniser le temps que je consacre à la conférence, non à acheter mes opinions ou à me dicter ce que je dirai...

Si l’une ou l’autre des personnes ou des institutions qui me donnent la parole pensaient que j’infléchirai mon discours sous prétexte qu’elles me rémunèrent, elles se mettraient gravement le doigt dans l’oeil. C’est après avoir compris qu’elle s’en était mis plusieurs jusqu’au fond des orbites que France Inter a dû se résoudre à se passer de mes services...

Ma situation n’est pas du tout comparable à celle des médecins décrits dans le reportage et qui, pour certains, sont propriétaires de boîtes de production dont les clients... sont essentiellement des sociétés pharmaceutiques. D’autant que mon attitude critique à l’égard de l’industrie est constante depuis 1983, date à laquelle j’ai commencé à faire partie de la Revue Prescrire, 15 ans avant d’acquérir la moindre notoriété.

Qu’on donne des conférences, qu’on écrive des articles ou qu’on soit salarié, le fait d’être à un moment ou à un autre, de près ou de loin, sous une forme ou une autre, en relation avec l’industrie pharmaceutique n’empêche nullement ceux qui le veulent de rester indépendants et de critiquer cette industrie... Trois autres exemples que le mien, parmi bien d’autres :

  La Revue Prescrire , mensuel médical indépendant consacré au médicament, demande et reçoit régulièrement (et gracieusement) de l’industrie pharmaceutique des tonnes de documents scientifiques sur les produits au sujet desquels elle exprime ses avis... lesquels sont le plus souvent très négatifs à l’égard des produits concernés ; elle dresse chaque année un tableau d’honneur des sociétés qui communiquent le plus facilement leurs dossiers... mais ça ne l’empêche pas de dire que ces dossiers sont vides !

 Christian Lehmann, médecin et écrivain, a longtemps été chroniqueur (dans les pages culture et les pages informatiques, jamais sur le medicament) de la revue Impact Médecine, ouvertement financée par l’industrie. Cela ne l’a jamais empêché de dire ou d’écrire ce qu’il pensait et de publier en particulier Patients si vous saviez... (Laffont, 2002), livre qui attaque vertement l’industrie...

 Philippe Pignarre a été cadre de l’industrie. Il est également l’auteur de Le grand secret de l’industrie pharmaceutique (La Découverte, 2002), livre très critique dont la mention dans ma chronique a valu à France Inter l’humiliation d’un droit de réponse (imposé ou consenti) du LEEM. Au sujet de l’indépendance des médecins et des journalistes, l’un des principaux dirigeants du LEEM ajoutait même (texto !) : "Plus il y a d’indépendance, moins il y a de qualité."

A la fin du reportage de l’équipe de 90 minutes, des membres du LEEM (Syndicat de l’industrie pharmaceutique) ironisaient à mon sujet en disant que je "crache dans la soupe", et que je fais partie de "ceux à qui on a rendu service et qui vous en veulent".

Cette déclaration est révélatrice d’un état d’esprit très particulier : les membres du LEEM voient leur industrie comme un tout, et les rémunérations versées par l’un de ses membres comme des "services" qui devront plus tard être rendus à l’ensemble de ce tout.

Bref, ils laissent entendre qu’à leurs yeux, tout contact avec l’industrie pharmaceutique est une faveur que celle-ci nous accorde, et que cette "faveur" doit en particulier étouffer tout esprit critique ...

Ils rêvent !

Martin Winckler (martinwinckler@gmail.com)

PS : Un de mes amis m’expliquait que la rumeur la plus courante à mon égard dans l’industrie pharmaceutique est celle-ci : je serais particulièrement hargneux avec elle parce que je serais "frustré" de ne jamais en avoir fait partie. Réflexion faite, ça doit être vrai : plutôt que de me contenter du sort - extrêmement médiocre, vous en conviendrez - de l’auteur de best-seller connu, traduit en quinze langues qui vivote en publiant entre trois et six livres et quelques centaines d’articles par an, j’aurais vraiment dû devenir cadre supérieur dans un laboratoire : cela m’aurait ouvert une carrière autrement plus gratifiante plus rémunératrice, plus enviable.

Et, aujourd’hui - qui sait ? - je serais peut-être chef de cabinet du ministre de la santé...

(1) Oui, une seule, malgré les affirmations d’une représentante du LEEM...

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