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"Les Trois Médecins" : un roman d’aventures et de formation (médicale)

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La cruauté insensée des études de médecine
Article du 7 janvier 2004

(Extrait de " Médecins sous influence ", article publié dans le numéro de janvier 2004 du Monde Diplomatique)

Le concours de première année, tel qu’il fut créé [au début des années 70] et perdure à ce jour, témoigne d’une cruauté insensée (...). Au lieu d’organiser un examen d’entrée juste après le bac, comme pour d’autres écoles supérieures, on impose à des milliers de jeunes gens entassés de s’échiner pendant deux années à ingérer des matières sans rapport avec le soin - (physique, chimie, statistiques) - ou très éloignées de la pratique.

Les candidats recalés (80%), sont brisés par deux années de lutte acharnée qui ne leur ont épargné aucune humiliation. Les reçus ne sont pas moins ébranlés : on leur a appris, dans les faits, à considérer leurs condisciples comme des ennemis et non comme des camarades avec qui ils soigneront. Et, une fois passé le barrage du concours, on les exhorte à remettre ça pour préparer un second concours, l’internat, depuis longtemps destiné à créer une élite à l’intérieur de l’élite.

Une véritable réforme de l’enseignement viserait à donner à tous les étudiants une formation solide, qui s’appuie sur une évaluation des connaissances libérée de tout bachotage. Au lieu de quoi, la sélection se poursuit. Mais comment un processus aussi aliénant pourrait-il produire des praticiens investis d’une vision collective, solidaire et responsable du soin ?

Cette succession de concours et de classements, archaïque et épuisante, favorise tout naturellement les étudiants les plus agressifs, les plus défensifs, parfois même les plus pathologiques - ceux qui se préoccuperont le moins de partager les sentiments d’autrui et viseront surtout... le pouvoir : celui des chefs de services et responsables d’enseignements.

La médecine française est ainsi dirigée depuis près d’un siècle par des professeurs arrogants et vaniteux, sûrs de leur compétence, incapables de se remettre en question, refusant d’admettre que les patients puissent discuter leurs décisions. Et incapables de transmettre aux jeunes médecins une éthique du soin, de la solidarité et du partage.

(...) Les facultés de médecine de l’hexagone ignorent (ou méprisent) la dimension relationnelle du soin. À l’aube des années 80 comme au XIXe siècle, on exposait encore sans vergogne des patients devant les groupes d’étudiants. Aujourd’hui, le cours en amphithéâtre a toujours force de loi ; les étudiants doivent boire la parole de leurs maîtres sans jamais la questionner ; les grandes visites avec aréopage n’ont pas disparu, ni les consultations où les patients défilent devant une dizaine de regards.

Il n’y a pas de consensus national sur la forme et le contenu de l’enseignement transmis aux étudiants : d’une région à une autre, la teneur des cours reflète les opinions personnelles des professeurs en chaire. Le corps médical français semble avoir pour particularité d’ignorer que le savoir évolue sans cesse.

(...) Il a fallu attendre 1998 pour qu’un ministre de la santé (Philippe Douste-Blazy) propose un enseignement obligatoire du traitement de la douleur dans toutes les facultés, et le début du XXIe siècle pour qu’un autre ministre (Bernard Kouchner) impose la mise en place de protocoles de traitement de la douleur dans tous les services. Car trop d’enseignements sont conçus par des hospitaliers ignorants de tout ce qui n’est pas leur domaine. Les médecins généralistes et les épidémiologistes conscients des besoins de la population sont rarement mis à contribution.

Les jeunes médecins traversent donc leurs études bombardés de notions très pointues sur le diagnostic et la chimiothérapie des leucémies, mais commencent leur exercice sans rien savoir de la fatigue, de la douleur, de la migraine, des comportements sexuels, de la grossesse, de l’alimentation des enfants, du dépistage des troubles de la croissance et du comportement, de la prévention et du traitement de l’obésité, de la surveillance des affections chroniques, du suivi des personnes âgées, de l’accompagnement des mourants... Bref, du soin au jour le jour.

Former en nombre suffisant (on en est loin) des médecins compétents et conscients de leurs responsabilités sociales, valoriser la médecine de famille et les spécialités utiles (la chirurgie générale manque de praticiens...) et favoriser les installations dans les lieux qui en ont besoin conduiraient à une meilleure délivrance des soins. Les services d’urgence cesseraient alors d’être submergés par des grippes et des gastro-entérites qu’on peut soigner à domicile, et la sécurité sociale ne s’en porterait que mieux. (...)

Conclusion (provisoire) :
Je ne sais si les enseignants et les doyens des facultés de médecine lisent le Monde Diplomatique. Mais, à ce jour, je n’ai reçu aucun courrier critiquant ou réfutant cette analyse, certes documentée mais bien entendu tout à fait personnelle. En revanche, j’ai déjà reçu plusieurs témoignages qui la corroborent.

(À suivre...)

MW

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