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Contraception et gynécologie >

Partage du savoir
Les DIU ("stérilets") provoquent-ils des GEU (grossesses extra-utérines) ? Mise au point.
par Marc Zaffran/Martin Winckler
Article du 22 septembre 2016

L’utilisation d’un DIU augmente-t-elle le risque (la probabilité) de souffrir d’une GEU ?

La réponse est un NON catégorique, et cet article vise à vous donner les éléments scientifiques qui permettent de l’affirmer.


Comment se déroule le début d’une grossesse ?

Une grossesse résulte de la fécondation d’un ovocyte (cellule de la reproduction féminine) par un spermatozoïde (cellule de la reproduction masculine). Cette fécondation a le plus souvent lieu dans l’une des trompes. En effet, au moment de l’ovulation, la rupture d’un follicule sur l’ovaire entraîne une expulsion de l’ovocyte dans le pavillon de la trompe du même côté. L’ovocyte se déplace lentement dans la trompe, car il n’est pas mobile spontanément : c’est le tapis que forment les cils de la paroi qui, telles des algues sur le sol sous-marin, le déplacent en ondulant vers l’utérus.
Les spermatozoïdes, eux, sont mobiles. Après un rapport sexuel ou une insémination artificielle, ils parcourent la paroi utérine, grimpent dans les trompes, et ceux qui ont grimpé du bon côté entourent l’ovocyte et l’un d’eux traverse la paroi – c’est la fécondation. La cellule formée est un ovule, la première cellule de l’embryon. Elle continue à être véhiculée par les cils vers la cavité utérine et se multiplie en même temps. Quand elle arrive dans l’utérus, une semaine plus tard, elle s’implante dans la paroi – c’est à dire que des cellules spécialisées de l’embryon, qui deviendront le placenta, forment une zone d’échange entre la paroi utérine et l’embryon lui-même.

Qu’est-ce qu’une GEU (grossesse extra-utérine) ?

C’est une grossesse qui se développe hors de l’utérus, le plus souvent dans la trompe mais parfois aussi à la jonction entre trompe et utérus, ou plus rarement sur l’ovaire ou dans la cavité abdominale, c’est à dire carrément hors des organes sexuels féminins.

Pourquoi est-ce qu’une grossesse se développe ailleurs que dans l’utérus ?

Il n’y a pas de réponse absolue à cette question, mais les trois causes qui ont été identifiées sont les suivantes :
 les trompes et leurs cils ont été abîmés par des infections répétées ; autrefois, la gonococcie était la cause la plus fréquente de stérilité tubaire (une trompe infectée et non soignée finit par s’abîmer et se boucher) ; aujourd’hui, c’est plutôt l’infection à chlamydiae ;
 le tabac : la nicotine semble avoir un effet nocif sur l’état du tapis ciliaire des trompes ; les femmes qui fument font plus de GEU que les femmes qui ne fument pas ;
 une anomalie anatomique ou microscopique de la trompe : l’ovule ne se déplace pas parce que, à l’endroit où il a été fécondé (ou sur le trajet) quelque chose l’empêche d’avancer.

Comme l’ovule a une vie bien à lui et fait de son mieux pour survivre, ses cellules placentaires vont créer des attaches avec le tissu environnant. Le plus souvent, c’est la trompe elle-même ; parfois (c’est rare, mais ça s’est vu) ça peut être l’ovaire, voire l’intérieur de l’abdomen.

Pourquoi est-ce qu’une GEU est dangereuse ?

Parce que l’utérus est fait pour se distendre sous l’effet du volume croissant d’un fœtus, mais pas la trompe. Une grossesse qui se développe dans une trompe finit par la rompre ou, si le placenta perfore une artère ovarienne, par provoquer une hémorragie interne, qui peut entraîner le décès de la femme si l’hémorragie n’est pas arrêtée et la grossesse retirée de la trompe. Une GEU en place sans complication peut être traitée par endoscopie. Une GEU entraînant une hémorragie impose une intervention chirurgicale.

Pourquoi y a-t-il des grossesses sur DIU ?

La contraception hormonale (pilules, implant, injectables) agit en mettant l’ovulation "en suspens" : les hormones qui circulent dans le sang font croire au cerveau qu’une grossesse est en cours ; or, pendant une grossesse, l’ovulation est en sommeil. En principe, une femme sous pilule n’ovule pas. Pas d’ovulation = pas de grossesse.

Un DIU au cuivre agit très différemment : les ions (atomes) de cuivre diffusent dans la cavité utérine et inactivent les spermatozoïdes. On pense qu’ils inactivent aussi l’ovocyte et empêchent l’ovule de se développer. Mais ces ions ne diffusent pas au-delà de l’utérus, ils ne vont pas dans les trompes.

Sur les centaines de millions de spermatozoïdes que contient le sperme, il peut arriver qu’un petit nombre échappent aux ions de cuivre et passent tout de même dans les trompes. Dans les trompes, il n’y a pas d’ions de cuivre, ils peuvent aller féconder un ovocyte.

Comme il faut beaucoup de spermatozoïdes pour féconder un ovocyte, les grossesses sont cependant rares. Les ions cuivre semblent aussi avoir un effet "anti-implantatoire" (ils empêchent les rares ovules qui sont fécondés de s’implanter dans la paroi utérine).

Quelle est la fréquence des grossesses sur DIU ?

La fréquence des grossesses sur DIU au cuivre est compris entre 0,2 et 2 pour 100 (source : John Guillebaud, Contraception : your questions answered, 6th edition, 2013) c’est à dire qu’on observe entre 2 et 20 grossesses pour 1000 utilisatrices de DIU pendant un an (ce chiffre inclut les échecs dus à une mauvaise insertion du DIU ou à une expulsion ; chez les femmes dont le DIU a été bien inséré, le chiffre est proche de 2 pour 1000 ; chez celles dont le DIU a été déplacé ou expulsé, on monte à 20 pour 1000).

A titre de comparaison, on estime que la fréquence des grossesses sur pilule est de
 3 pour 1000 chez les utilisatrices de pilule qui utilisent leur contraception parfaitement
 80 pour 1000 (donc, 4 fois plus que sur un DIU mal inséré !) en cas d’erreur d’utilisation (oubli)

On en déduira donc que lorsqu’on se fait poser un DIU (qui n’a pas d’effet sur la libido ou la physiologie) on prend beaucoup moins de risques de grossesse qu’avec une pilule…


Y a-t-il plus de GEU chez les utilisatrices de DIU ?

La réponse est NON. Le nombre de GEU est plus faible chez les utilisatrices de DIU que chez les femmes sans contraception ou chez celles qui utilisent la pilule.

La fréquence des GEU est, spontanément, de 2% en l’absence de contraception : autrement dit, sur 1000 femmes sans contraception qui ont des relations sexuelles, au bout d’un an il y aura 800 grossesses (c’est le taux de fécondité de la population) ; parmi ces 800 grossesses, il y aura 16 GEU (2% de 800)

Sur 1000 femmes porteuses d’un DIU, il y aura, chaque année, au maximum, 20 grossesses. Parmi ces vingt grossesses, 10 % seront des GEU, soit 2 grossesses.

Quand on dit "Les GEU sont plus fréquentes sur DIU ", le terme "plus fréquentes" signifie donc "en proportion", et non "en nombre".

Autrement dit, quand une femme porteuse d’un DIU est enceinte, le pourcentage de GEU est plus élevé (10%) que parmi les femmes enceintes sans contraception (2%) mais le nombre de GEU est beaucoup plus faible parmi les utilisatrices de DIU (2) que parmi les femmes sans contraception (16).

Car, rappelons-le, les GEU sont liées à l’état de la trompe (donc, à l’utilisatrice), et non à la méthode contraceptive employée. Autrement dit, une femme susceptible de souffrir d’une GEU (et qui l’ignore) court 8 fois moins de risque en se faisant poser un DIU qu’en n’ayant pas de contraception du tout ! (Et aussi moins de risque de GEU qu’en prenant la pilule, puisque la probabilité d’être enceinte avec un DIU est inférieure à celle de l’être en prenant la pilule !)

Pourquoi les GEU sont-elles proportionnellement plus fréquentes chez les utilisatrices de DIU que chez les femmes sans contraception ?

C’est facile à comprendre, si l’on se rappelle ceci : le cuivre des DIU inactive les spermatozoïdes et l’ovocyte et empêche aussi l’ovule de s’implanter. Mais les êtres humains ne sont pas des machines. Il arrive que des spermatozoïdes échappent au cuivre en passant dans l’utérus, et aillent féconder un ovocyte dans la trompe. Parmi les quelques ovocytes fécondés, certains, très probablement, descendent dans la cavité utérine et y sont inactivés par le cuivre qu’ils y rencontrent. En revanche, les ovocytes fécondés qui restent dans la trompe (à cause d’une anomalie locale du tapis ciliaire, par exemple) restent à l’abri du cuivre et la grossesse se développe sur place.

De ce fait, chez une femme qui porte un DIU, quand une grossesse survient, la probabilité qu’elle soit dans la trompe est élevée, et on recommande toujours, dans cette situation, de vérifier l’emplacement de la grossesse. Le vieil adage "Toute grossesse sur DIU est une grossesse extra-utérine jusqu’à preuve du contraire" est donc justifié par la prudence, même si dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. C’est comme le vieil adage : "Tout retard de règles est une grossesse jusqu’à preuve du contraire". Il faut d’abord penser à l’explication la plus probable pour parer à tout éventualité et y faire face. Dans le cas d’une GEU, la rapidité est essentielle à la prévention d’une complication.

J’ai eu une infection des trompes, est-ce que je peux utiliser un DIU ?

Si vous avez lu ce qui précède, vous saurez que la réponse est OUI. (Evidemment, il faut que vos infections aient été traitées et aient guéri.) Cela peut être psychologiquement inconfortable pour vous (et même pour le médecin), mais médicalement et scientifiquement, ce n’est pas une faute d’avoir recours à un DIU après une infection des trompes guérie.

Est-ce que l’utilisation d’un DIU augmente le risque d’infection (et donc, de GEU plus tard) ?

La réponse est NON. C’est l’activité sexuelle et l’exposition à des partenaires potentiellement infectés qui est source d’infection, non la méthode contraceptive. Une utilisatrice de pilule qui a des relations sexuelles sans préservatifs avec de nombreux partenaires a un risque d’infection sexuellement transmissible (IST) plus grand qu’une utilisatrice de DIU qui n’a qu’un seul partenaire. De plus, comme les médecins et sages-femmes dépistent systématiquement les IST avant la pose d’un DIU, les utilisatrices de DIU sont moins susceptibles d’avoir une infection cachée que les femmes à qui on prescrit la pilule sans dépistage…

J’ai eu une GEU sur DIU. Est-ce que je peux recourir de nouveau à un DIU au cuivre ?

La réponse est OUI, pour toutes les raisons indiquées ci-dessus.
1° avec un DIU, le risque d’être enceinte est moins grand qu’avec une contraception hormonale
2° avec un DIU le risque de GEU est moins grand que sans contraception.

A noter que si vous avez souffert d’une GEU sous pilule, la réponse serait : "Vous pouvez reprendre la pilule, mais si vous utilisez plutôt un DIU, le risque d’une nouvelle grossesse (et donc, d’une nouvelle GEU) serait moins grand..." !!!

Et si je préfère ne pas utiliser de DIU au cuivre à nouveau ?

Le risque de GEU avec un SIU (système intra-utérin, actuellement il y en a deux : "Mirena" et "Jaydess")) semble quasi-inexistant, bien qu’on observe parfois des grossesses avec ce dispositif. Mais le mécanisme contraceptif du SIU est différent de celui des DIU au cuivre ; il est possible aussi que la population concernée par la pose des SIU (en France, en tout cas) le soit aussi : Mirena et Jaydess sont d’autant plus souvent prescrits que la femme consulte en ville, chez un gynécologue ou à l’hôpital. Plus on s’éloigne des spécialistes et des grands centres, plus la prescription de DIU au cuivre est grande.

Note pour les médecins qui ont le sentiment que "toutes les grossesses sur DIU sont des GEU". Cette perception des GEU fréquentes peut être dûe, en particulier, à un "biais de recrutement" lié au type de population soigné. Je rappelle que le tabac augmente la fréquence des GEU. Or, en France, dans certains secteurs, beaucoup de médecins refusent la pilule aux femmes qui fument, même si elles ont moins de 35 ans (alors qu’avant cet âge, ce refus n’est souvent pas justifié). Ces femmes qui cherchent une contraception vont s’adresser à des médecins qui posent des DIU, lesquels sont eux-mêmes une minorité parmi les prescripteurs. Si les femmes qui fument (et qui sont donc à risque de GEU) consultent un petit nombre de médecins, il est logique que les GEU en cas d’échec soient perçues comme "nombreuses" par ces médecins, car elles le sont probablement dans cette population "sélectionnée", sans pour autant que la fréquence réelle des GEU soit différente, quand elle est rapportée à la population générale…

Il faut toujours se méfier de ces "biais de perception". L’expérience individuelle a une grande valeur pour des gestes individuels, elle en a beaucoup moins pour apprécier des phénomènes de population, tout simplement parce qu’un seul soignant ne connaît pas toute la population et soigne le plus souvent une patientèle qu’il sélectionne (souvent de manière inconsciente) et qui le sélectionne en retour....

En espérant vous avoir éclairé.e.s et intéressé.e.s, je vous remercie de votre attention

Marc Zaffran/Martin Winckler

Référence : Guillebaud, J., McGregor, A. "Contraceptions Your Questions Answered", 6th Ed., Churchill Livingstone 2013

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