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Être un(e) adulte autiste... >


Je suis autiste et cela n’est pas « exactement » ce que vous croyez...
par Miss Titi, du réseau DÉesCAa
Article du 16 mars 2012

Suite à un échange avec Martin Winckler sur 2 occurences d’utilisation inappropriée du mot « autiste », je lui ai promis d’écrire un article sur l’autisme vu de l’intérieur...

Je ne suis pas qu’autiste : je suis aussi une très jolie femme à l’aspect extérieur anormalement juvénile [1], avec un gros cerveau, tout plein de diplômes, en plus d’être une terrible pipelette...

Mais je suis autiste [2] et, donc, je n’ai pas écrit un article mais... Beaucoup !

Le gros cerveau est un cliché des autistes, il faut dire qu’en raison de l’indigence de l’éducation adaptée, seuls les plus pourvus de ce coté là ont une chance non nulle de s’en sortir autrement que par l’internement à vie ou un placement dans un environnement protégé et sous tutelle ad vitam aeternam...

Donc, étant française, si je ne l’avais pas, il est probable que je n’aurais jamais été capable d’écrire ce texte.

Qu’est ce que l’autisme ?

Bonne question...

Vous ne vous la posez jamais en fait. Pour l’écrasante majorité des français, l’autisme est une maladie ou un handicap mental...

Malheureusement, pour beaucoup de médecins français aussi...


Ailleurs, partout dans le monde sauf en France [3], c’est un trouble neurologique qui se situe au niveau du sillon temporal supérieur.

Malheureusement, partout sur Terre, le problème est abordé de l’extérieur. Par les conséquences de ce trouble neurologique mais jamais (ou presque) par sa nature.

Parce que nous ne sommes pas crédibles en tant que « fous », vous n’écoutez que les témoignages qui vont dans votre sens : comme « type de personnalité », ou « manière d’être » ou encore, pour les plus en retard d’entre vous « TOC », « dépression », « psychose infantile »...

Moi, il se trouve que je ne présente rien de tout cela [4]...

Pourtant, je suis autiste. Mais mes chances ont été :

  • mon gros cerveau
  • un papa à gros cerveau (et merveilleux, comme tous les papas de petites filles)
  • la culture de mon merveilleux papa où les cotés différents d’un autiste peuvent passer pour de l’originalité...

Parce qu’en fait, de l’intérieur (et ceci est donc mon opinion personnelle issue de mon vécu personnel de la situation), l’autisme c’est de la malperception des signaux issus des êtres humains...

Un bébé autiste, car on est uniquement autiste de naissance, ne distingue pas le bruit d’une chaise de la voix de ses parents... Du moins pas sans le concevoir de façon consciente (ou quasi).

Du coup, seuls les plus intelligents y arrivent tout seuls [5]...

C’est comme si les être humains avaient 2 canaux de traitement des signaux...

Un canal pour le tout venant, un autre spécifique à l’humanité.

Un enfant autiste est donc obligé de traiter les signaux humains au milieu des bruits de chaises, les cris des autres enfants, le bruit de l’eau, du vent... Et je comprend que, souvent, les enfants autistes n’y arrivent pas....

Pour faire une analogie, c’est comme un ordinateur qui aurait 2 cartes d’acquisitions de données... Une spécialisée pour les traitements les plus complexes et une pour tout le reste.

Si la carte spécialisée est en panne, alors c’est l’autre qui prend le relais mais alors il faut faire le tri derrière.

Mais bien sur c’est très lent !

Dans l’autre sens, vous avez presque tous acheté un ordinateur et glosé à n’en plus finir sur la carte graphique... Sans cette carte impossible de visionner un DVD ou de jouer confortablement.

Et bien pour nous, c’est pareil : nous ne vous percevons pas bien... Vous êtes totalement « noyés » au milieu des bruits de tuyaux d’eau, celui du réfrigérateur, du congélateur, du four, de la musique, même lointaine, et aussi des couleurs qui vous environnent, des autres odeurs...

Être un bébé autiste, c’est être né et essayer de grandir dans un monde sans aucun être humain autours. Du moins, sans possibilité de les distinguer naturellement du reste du monde.

Je suis mal-voyante, mal-entendante, mal-percevante de naissance et c’est le cas de tous les autistes [6].

Conséquences de l’autisme et non symptômes

Avez vous vu des reportages sur des enfants sauvages ou séquestrés dans un placard ?

Ces enfants « normaux » élevés sans contacts humains suffisants en qualité et en quantité ?

Combien d’entre eux parlent ils ? Et s’ils parlent, ont ils une expression appropriée ?

N’ont ils pas des TOC ? Des balancements, destinés à compenser le stress de leur solitude ? Est qu’ils ne pratiquent pas l’auto-agression pour certains ?

Ne sont ils pas « agités » ? Voire égoïstes et anxieux ? N’ont ils pas des troubles relationnels ?

J’aimerais savoir pourquoi un bébé autiste qui n’a pas les moyens de percevoir son entourage humain ferait mieux qu’un bébé normal abandonné ou reclus hors de toutes interactions humaines ?

Pourquoi exigez vous cela alors que la situation est similaire du point de vue de l’enfant concerné ?

Est ce que vous vous rendez compte que de, mon point de vue, j’ai été un bébé solitaire pleurant jusqu’à l’évanouissement [7] sans qu’aucun être humain perceptible ne vienne s’occuper de moi ?

N’est ce pas que vous être encore en train de nous traiter comme les aveugles ou les sourds qui furent longtemps soupçonnés de déficience intellectuelle et de maladie mentale ?

Conséquences mal connues des non autistes

Compenser notre handicap sensoriel nous demande d’énormes efforts. Ceux qui ont de la chance ont bénéficié des méthodes comportementalistes suffisamment jeunes. Ces méthodes permettent de mettre en place des automatismes.

Ils sont appris, pas innés, mais ils ont l’immense intérêt de l’automatique et donc du « sans y penser » ce qui est similaire à la fonction naturelle... Même si loin d’être parfait c’est déjà ça.

Méthode de compensation lourde et effet sur la mesure de l’intelligence

Les autres et qui sont parvenus à apprendre à parler seuls se sont souvent débrouillés seuls.

C’est seuls qu’ils ont inventé leur méthode de compensation... C’est à dire avec trop peu de feed-back de personnes ayant leur sillon temporal supérieur parfaitement fonctionnel.

Du coup, le seuls automatisme c’est celui du « chantier » permanent : test, erreur objective, recherche d’explication, construction d’une nouvelle approche, test...

Et le résultat est à chaque fois une « usine à gaz ». Je trouve toujours étonnant l’émerveillement des personnes « normales » devant la complexité du mécanisme créé. À les entendre ce serait une marque de supériorité [8]...

Pourtant, les autistes ne peuvent bien souvent pas obtenir de cotation de leur QI valide [9].

Pourquoi ? Parce que les test de QI caractérisent différents item composants la mesure de l’intelligence et que si une personne normale a en général des notes proches sur ces différentes composantes, une personne autiste a des notes très différentes les unes des autres ce qui invalide le modèle de mesure.

Mon idée, là dessus, est que la création et le fonctionnement des méthodes « maison » et non automatiques de compensation « pompe » des ressources. Un peu comme un ordinateur doté d’une carte graphique faiblarde se reporte sur la mémoire vive de l’ordinateur et rame lamentablement même vis à vis d’un engin peut être moins puissant mais à la carte graphique « top ».

Donc, non ce n’est pas de la supériorité, c’est juste épuisant de ramer toute la journée et malheureusement c’est un automatisme : nous sommes 100% du temps préoccupés par comment percevoir vos signaux et c’est notre activité mentale principale quelle que soit notre contexte par ailleurs.

Du coup, même lorsque nous participons aux tests de QI, qui sont supposés être sans enjeux relationnels, nos ressources mentales sont dévorées par notre programme « maison », perpétuellement en redéveloppement...

Écoutez cette description d’une méthode de compensation « maison » parmi tant d’autres : http://www.inrees.com/podcasts/Auti....

Vous ne trouvez pas ÉPUISANT de faire cela TOUT LE TEMPS ?

J’utilise ma propre méthode. Elle est différente, mais je peux vous assurer qu’elle n’est pas moins prenante...

Se promener sans canne blanche au milieu d’un échangeur d’autoroute...

Ceci est l’image que j’ai employée pour faire comprendre à un ami aveugle le ressenti d’une réunion avec des inconnus pour un autiste.

Les autres envoient des signaux que nous ne percevons pas bien. Ils pensent que nous les interprétons aussi bien qu’eux même les perçoivent. Et ils attendent de notre part des signaux en retour.

Sauf que nous ne les voyons pas très clairement...

Donc nous n’y réagissons pas (ou de façon imparfaite).

Donc nous sommes des enfoiré(e)s / égoïstes / indifférent(e)s / salopard(e)s / je m’en foutistes / pas intéressé(e)s...

Donc nous faisons l’objet de réponses, voire de « mesures de rétorsion », totalement soudaines et incompréhensibles, vu que nous aurions dû savoir / voir / comprendre... Sauf que nous sommes autistes et que donc nous n’avons rien vu au propre comme au figuré.

Donc, nous appréhendons les personnes inconnues, parce qu’il y a toutes les chances que nous leur « marchions sur les pieds », relationnellement parlant, avant de les connaître assez pour moins mal interpréter leurs signaux...

Donc nous faisons tous, plus où moins, de la phobie sociale à force de se faire bouler sans arrêt et sans savoir pourquoi [10].

Le pire c’est qu’à force d’inhabileté sociale, les effets étant cumulatifs, nous avons souvent même des problèmes avec la lecture entre les lignes par écrit ! Lecture dont tous les autres sont de tels experts qu’ils ne se rendent même pas compte qu’ils la pratiquent.

On nous reproche souvent d’apprécier les environnements stables. Je ne pense pas que vous vous rendiez compte à quel point l’environnement est instable et imprévisible rien que parce que vous attendez de nous que nous devinions vos pensées et en particulier vos émotions sans vous percevoir clairement.

Hyper-sensibilité sensorielle

Nous traitons les informations par le même canal que tout le reste. Donc inconsciemment nous « tendons l’oreille » en permanence pour vous percevoir... Sauf que cela augmente le volume de tout ce que nous percevons. Donc nous sommes sensoriellement hyper-sensibles et c’est très pénible tout ce bruit, ces images, etc.

Merci de ne pas essayer de nous inviter dans un restaurant bondé sur une table en plein courant d’air... Nous risquons d’avoir du mal à cerner ce qui se passe et de ne pas trop apprécier même si c’est le meilleur du coin...

Burn-out

J’espère que vous avez compris qu’être autiste et se débrouiller tout(e) seul(e) c’est un énorme effort. Jeune parfois nous faisons illusion et puis nos erreurs peuvent passer pour de « l’adolescence ».

Plus âgé(e)s, les exigences sociales deviennent plus fortes et la tolérance moindre.

Cependant que nous vieillissons. Nous n’avons souvent plus la force d’accomplir les même prouesses.

Nous sommes donc épuisés avec la spirale de dé-socialisation que cela implique pour ceux et celles qui étaient parvenu(e)s jusque là.

Tous les autistes de ma classe d’âge que je connais sont fatigués.

Peur des « soignants »

Donc, je vis dans un pays qui considère largement mon handicap sensoriel comme, au mieux, un handicap mental [11] au pire une maladie mentale à guérir à tout prix et qui encore massivement applique :

  • la torture mentale, aka la psychanalyse pour tenter de me faire découvrir pourquoi j’aurais décidé de me fermer au monde alors que, si j’avais eu le choix, mon sillon temporal supérieur serait parfaitement irrigué...
  • la torture physique officiellement pour nous « soigner », en vrai pour maintenir un semblant d’ordre face à l’échec de la technique massivement employée...

Du coup, je me méfie des « soignants » et je ne suis pas la seule autiste dans le cas.

Un peu comme une aveugle qu’on tenterait constamment de psychanalyser pour lui faire découvrir comme elle a « décidé » d’être mal-voyante sous menace, en cas d’échec [12], de se retrouver fouettée à la cane à pêche [13], de subir des douches froides, d’avoir la tête plongée sous l’eau ou d’être enveloppée dans des draps mouillés passés au congélateur [14].

Il faut dire que je ne suis pas du tout masochiste. Mais alors PAS DU TOUT !

Bien sûr, ce genre de perspective « thérapeutique » me file les jetons [15]... Et, comme je suis bilingue anglais, et ai une culture scientifique et que j’ai égoïstement lu l’état de la recherche sur l’autisme, j’ai aussi peur pour mes enfants, si j’en ai un jour, car l’autisme est d’origine génétique.

Dès que j’entends les mots « suivi psychologique [16] », je m’enfuie donc en courant... Et je suis étonnée que vous ne compreniez pas pourquoi [17].

Je dois aussi dire que je ne suis pas la seule.

Je connais des parents autistes qui s’appercevant qu’un ou plusieurs de leurs enfants le sont évitent soigneusement de les faire diagnostiquer ou de passer dans le système public de soin et de compensation du handicap, par peur de les voir placés, voire d’être eux-même internés en tant que mauvais parents transmettant leur pathologie par contact... Comme si les parents aveugles d’enfants aveugles étant particulièrement dangereux pour l’avenir de leurs enfants...

De même, je connais des autistes qui ont compris qu’ils l’étaient parce qu’un ou plusieurs de leurs enfants ont été diagnostiqués et qui ont expressément refusé de demander une ALD et-ou la reconnaissance de leur handicap afin de rendre impossible des actions de soins à la fois inadéquats et forcés et surtout aux conséquences tragiques pour eux-même et toute leur famille...

Parce qu’il n’y a AUCUN signal explicite comme quoi un tel enchaînement serait totalement impossible.

Par Réseau DÉesCAa du réseau DÉesCAa

Pour commenter cet texte, rendez vous sur le fil dédié dans le réseau DÉesCAa.

L’inscription au forum est nécessaire pour intervenir. Tous les membres le peuvent y compris les non autistes.

Les non autistes doivent impérativement sélectionner le groupe « curieux, entourage et famille » lors de leur inscription. Ce groupe leur donne à titre exceptionnel des droits d’accès réduits au site qui est réservé aux échanges entre personnes autistes.

La suite de mon témoignage sur mon autisme vu de l’intérieur : dans 1 semaine !
Quelles techniques de compensation sont adaptées à mon autisme ?


[1comme une majorité d’autistes, on m’attribue fréquemment entre 10 et 20 ans de moins que mon âge réel

[2si si !

[3j’exagère mais beaucoup de professionnels de l’autismes n’y croient pas... et les chercheurs sur cette pistes ont des financements ridicules

[4du moins pas à un niveau « gênant »

[5sauf si leur merveilleux Papa passe un temps fou à tout leur expliquer

[6du moins, je le pense !

[7c’est le spasme du nourrisson, un « symptôme » fréquent de l’autisme

[8Parce que c’est bien souvent un exploit intellectuel... Juste pour savoir si on nous sourit ou nous « fait la gueule »

[9au delà des querelles sur les méthodes de calcul, leur cohérence entre elles et leurs hypothèses d’applications

[10parce que si « on » voulait bien nous dire pourquoi, nous on progresserait, mais non, nous devons nous « remettre en question » et deviner ce qui se passe sans qu’on ai à nous le dire

[11cognitif pour ne fâcher personne en utilisant un mot rare qui au fond revient au même

[12et je crois pas à la moindre réussite dans ce domaine

[13ça ne se fait plus, mais j’ai plus de 40 ans et ce fut le cas, lorsque j’étais enfant

[14en France, cela se pratique encore ! Et les équipes soignantes d’obédiences psychanalytiques se battent pour pouvoir continuer alors que l’influence d’Internet permet aux victimes ou à leurs parents de comprendre que nous sommes face à une exception culturelle française de justification perverse de la torture

[15même si je sais que, du point de vue des gens normaux, ce « cheminement » n’est pas mis en œuvre consciemment de leur part

[16souvent sous-entendu : psychanalyse

[17pourtant, mon ouverture d’esprit typiquement autiste fait que je connais des gens qui m’ont dit être sadiques et qui, eux, savent parfaitement que tous le monde n’aime pas être torturé

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