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"Les Trois Médecins" : un roman d’aventures et de formation (médicale)

Le blogue de Martin Winckler (Dr Marc Zaffran) - PasseportSanté.net

pla.ce.bo

Pour ceux qui s’intéressent au sujet, voici un excellent site consacré au placebo.


Le médecin et le patient nouveau - Entretien avec MZ pour Passeportsanté.net

Entretien donné à Passeportsanté.net (site québecois de santé) en 2008 autour des relations soignant-soigné.


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Les médecins, les patients, et tout ce qui s’ensuit... >

"Je fais chier, et j’assume"
Armer les patients contre ceux qui les maltraitent est une obligation morale du professionnel de santé (Réponse à Borée)
par Marc Zaffran/Martin WInckler
Article du 7 octobre 2011

(NB : la première version de ce texte s’intitulait "Dénoncer les salauds est une obligation morale..." Je ne renie pas ce premier titre, je pense seulement que le second est plus juste).


Voici la réponse à la lettre de Borée "Tu fais chier, Winckler", postée il y a quelques jours sur ce site, au sujet de la série "Les médecins maltraitants"

Cher Borée,

D’abord, merci de m’avoir envoyé ton billet un peu avant de le publier, comme une lettre. Ça m’a permis de réfléchir avant d’y répondre, de laisser le temps aux lecteurs - les miens comme les tiens - d’y réfléchir eux aussi, et d’y répondre sur ton blog puisque je n’ai pas de forum sur le mien.
 [1]

Le fait que tu m’écrives me touche, je le prends effectivement comme un geste d’amitié et non de défiance, même si le ton est celui de la franche irritation.

Et bien sûr, j’ai eu des sentiments mitigés en te lisant, tout comme tu en as eu en lisant la série sur les « médecins maltraitants » (qui d’ailleurs n’est pas terminée).

Comme ton billet passe par plusieurs états émotionnels, je vais essayer de répondre de la même manière, car je ne suis pas différent de toi : j’ai des émotions et j’essaie de les transformer en pensée, mais au départ, ce sont toujours les émotions qui affleurent.

Et je vais aller plus loin : tout ce que j’écris ici, ce n’est pas ton seul billet qui le suscite, mais aussi certaines réactions à ton billet, certaines accusations larvées anciennes, et j’en profite pour leur régler leur compte. ALors prends ce qui suit comme la lettre d’un ami, d’un ami qui profite qu’un ami l’a secoué pour vider son sac, en toute confiance. Nous sommes d’accord sur 95% des choses, juste pas sur les 5% qui ont probablement trait à nos différences de personnalités. Et ça, c’est pas grave, c’est ce qui nous fait causer.

Première réaction (émotionnelle et pas longue)

Ma première réaction - la colère - je te la résumerai ainsi :

« Dis-donc, coco ! Est-ce que tu as lu ou relu, récemment, La maladie de Sachs et Les Trois Médecins ? Je te demande ça parce que dans le second, (c’était en 2004), je présentais une tripotée de médecins maltraitants ; mais j’avais commencé (en 1998), dans le premier, par une tripotée de patients « difficiles », qui ressemblent furieusement, et pour certains en bien pire, à celle que tu nous présentes dans ton billet ! Dans La maladie de Sachs on peut lire un pamphlet intitulé « Nous sommes tous des médecins nazis » et, pas beaucoup plus loin, la description d’une mère que Sachs a envie de tuer, littéralement - et la description de cet assassinat fantasmé. C’est te dire que dans mon esprit, les deux figures « mauvaises » (du médecin, du patient) ont toujours coexisté avec celles des "bonnes". Et figure-toi que je n’avais pas commencé dans les romans. Mon feuilleton sur les médecins maltraitants, je l’écrivais déjà en 1977 ou 1978, dans la revue « underground » de la fac de médecine de Tours, en décrivant ce qu’il y avait de plus malfaisant dans le comportement médical hospitalier ; tandis que dans la revue Prescrire, entre 1983 et 1989, je parlais de tous les patients qui me mettaient en échec et que j’avais envie d’étrangler ou de jeter par la fenêtre. Et les lecteurs de l’époque m’écrivaient « Ah, ce que c’est bon de te lire !!! » Bon, tu n’as pas pu lire ça à l’époque, j’en conviens, mais tu aurais pu le faire en tombant sur En soignant, en écrivant, publié en 1999, juste après « Sachs » et où j’ai repris tous ces articles. Alors, prendre mes descriptions de médecins maltraitants comme une lubie - ou pire : comme une injustice - c’est un peu oublier que ça fait, au bas mot, trente ans que j’écris et publie autant au sujet des médecins (bons ou mauvais) que des patients (admirables ou insupportables) !!! Je trouve donc que tu pousses l’amnésie un peu loin. »

Etc.

Après avoir bouillonné dans mon coin, j’ai bien pris conscience que ma colère n’était pas justifiée et manquait sa cible. D’une part, tu ne peux pas connaître mon itinéraire aussi bien que moi, et je comprends que ce que tu lis à un moment X n’est pour toi que la partie émergée (actuelle) de l’iceberg. Et puis, tu as le droit d’avoir des sentiments violents à l’égard de ce qui te semble agressif. Donc, pardonne-moi cette première réaction d’humeur et laisse-moi passer à plus sérieux. Car je pense que ta réaction n’est pas motivée par mes textes sur les médecins maltraitants, en soi, mais par les sentiments mêlés qu’ils provoquent. Et surtout, par des fantasmes.

Deuxième réaction (un peu plus rationnelle, et plus longue)

« Le fantasme de Winckler-le-parfait »

Si je me « permets » d’écrire depuis 30 ans sur les médecins maltraitants, c’est d’abord parce que (cf Sachs) je suis terrorisé à l’idée d’en être un moi-même. Car je l’ai été, à des degrés divers. Moins au fil des années, mais comment être sûr de ne plus l’être du tout ? Et je ne serai jamais à l’abri de l’être, par inadvertance ou par obstination.

Si je ne suis pas trop susceptible d’être maltraitant depuis décembre 2008, c’est seulement parce que je n’exerce pas en ce moment (mais ça pourrait bien changer dans les deux ans qui viennent). Et pour avoir goûté de l’enseignement au Québec depuis trois ans, je peux te dire que je crains d’avoir été pour certains étudiants un enseignant maltraitant, et ça me fait chier au plus haut point, moi qui aurais envie d’être un enseignant « super ». Mais je ne me le cache pas, et j’y réfléchis. Comme tu le fais certainement.

Je ne me sens pas « immunisé » ou « parfait » parce que j’écris des articles ou des livres. Certes, la force des mots écrits peut donner aux lecteurs l’illusion que celui qui écrit maîtrise tout, domine tout, de sa puissance et de sa hauteur (morale ou scientifique). C’est bien sûr un fantasme. Ecrire, ça libère, mais ça ne confère aucun pouvoir. Tu en sais quelque chose.

Et crois-moi, je ne fantasme pas que ce que j’écris va changer le monde : je sais que ça n’est pas vrai. Mon espoir, c’est que ce que je fais change parfois quelque chose un peu au moins pour une personne. Une femme à qui j’ai prescrit la contraception qu’elle voulait et qu’on lui avait refusé. Un étudiant à qui j’ai donné envie de faire de la médecine générale. Un patient à qui j’ai laissé entendre que, oui, il avait raison de se révolter. Avec ce genre d’ambition, j’arrive à avancer : je sais que c’est possible. Sinon, je laisserais tomber.

Je ne me sens pas plus « tout-puissant » ni « meilleur que les autres » (médecins ou patients) ; si certains le ressentent ainsi, je leur répondrai qu’ils sont seuls responsables de la manière dont ils perçoivent mes messages ; je n’applique à personne un revolver sur la tempe, on est donc libre de penser ce qu’on veut quand on me lit, mais pas de mettre dans ma tête des choses que ma bouche n’a pas dites. Je les invite donc à se calmer un peu avant d’analyser non seulement mes propos (en reprenant le feuilleton depuis le début, car je commence par écrire que « tous les médecins ne sont pas comme ça »...) , mais aussi leurs propres réactions de défense ; tout comme je l’ai fait après avoir lu ton billet ; tout comme je le fais chaque fois que je reçois un message désagréable qui froisse mon petit ego.

Cependant, même si je ne me sens pas « meilleur », ça ne veut pas dire que je n’ai pas des convictions. Et ces convictions, j’essaie de les exprimer fermement, sans tourner autour du pot.

Les vrais médecins maltraitants sont des personnalités pathologiques ; ils sont incurables ; on les rencontre souvent dans les hôpitaux

Des médecins maltraitants, j’en ai croisé des dizaines. Certains l’étaient de temps à autre quand ils étaient fatigués, et ça m’a rassuré de savoir qu’on pouvait être un bon médecin, et être maltraitant de temps à autre parce qu’on n’est qu’un être humain. Mais d’autres l’étaient en permanence. Avec tout le monde : les patients, les confrères, les étudiants, les infirmiers/ères, tout le monde. Le pire, dans l’histoire, c’est que tout le monde le savait, et personne ne disait rien. A commencer par l’hôpital (c’est toujours là qu’ils naissent, qu’ils s’épanouissent et que souvent ils sévissent toute leur vie)

Comme tout le monde, quand j’étais étudiant, je n’osais rien dire. J’avais peur. Je pensais « ils ont leurs raisons d’être comme ça ». Je ne le pense plus. Je pense qu’on n’a jamais raison d’être maltraitant sans jamais s’interroger sur ses maltraitances. Il y a des Hitler parmi les médecins, à tous les niveaux. Ce sont des personnalités pathologiques. Ils ne peuvent pas être soignés. Ils peuvent seulement être évités et dénoncés. Et ils ne devraient pas être autorisés à pratiquer la médecine. C’est de ceux là que je parle dans le feuilleton.

Pourquoi est-ce que toi, et d’autres médecins qui n’ont rien à voir avec ces crapules-là, est-ce que vous prenez leur description comme une attaque personnelle ?

Parce que vous avez des scrupules, un sens moral, et un sentiment aigu d’obligation envers votre métier. Parce que vous vous défendez de vouloir faire du mal. Et vous êtes si convaincus que vous faites ce métier pour le bien de l’humanité que vous endossez même les fautes de ceux que vous n’êtes pas. Les accusations de maltraitance, vous les prenez pour vous. Et elles vous font mal parce que vous savez que tout médecin est en position d’être maltraitant, même (et peut être surtout) en voulant bien faire.

Et chez la plupart des médecins scrupuleux, c’est la confusion : "Suis-je entièrement bon ? Et si je ne le suis pas à 100%, suis-je entièrement mauvais, comme les salauds que ce connard de WInckler décrit ?"

Je te rassure : cette même confusion, je suis passé par elle. On finit par en sortir.

Quand, au début de ma carrière de généraliste/avorteur/rédacteur de revue, j’ai pris conscience que j’avais envie de tuer certains patients et que j’avais un comportement sadique ou terroriste ou autoritaire ou au moins rigide avec ceux qui ne voulaient pas entendre à quel point je voulais être bon pour eux, je suis allé lire Le médecin, son malade et la maladie, de Michael Balint, et j’ai co-fondé un groupe Balint. (Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, vous en aurez un bref aperçu en lisant ceci).

Là, j’ai appris tout plein de choses. Par exemple, qu’on a tous envie de tuer des patient(e)s. Qu’on se sent tous mis en échec par certains d’entre eux. Qu’on ne comprend pas pourquoi. Qu’on s’en veut, à soi, puis à eux, d’être dans cet état.

J’ai appris aussi que ces sentiments très pénibles (« Je suis là pour leur faire du bien et ils ne veulent pas me laisser faire !!!! ») étaient essentiellement le produit de nos fantasmes de toute-puissance. Et que lorsqu’on abandonne ces fantasmes, on souffre beaucoup moins et, comme par miracle, les patients sont beaucoup moins exigeants. Pourquoi ? Parce qu’on ne se met plus « au-dessus » d’eux moralement.

Les conflits entre soignants et patients ne sont pas forcément des maltraitances, mais ce sont souvent des bras-de-fer

L’exemple que tu cites (cette femme qui veut absolument te faire prescrire quelque chose que tu ne veux pas prescrire) est caractéristique. C’est un bras de fer. Elle veut, tu ne veux pas. Tant que vous restez dans ce bras de fer, il ne peut rien se passer. Or, il ne s’agit, pour le soignant, ni de céder, ni de faire céder l’autre, mais de refuser le bras de fer en se disant ceci : « Qu’est-ce qui est important ? D’avoir « raison » scientifiquement ou moralement, ou bien d’établir des relations de coopération avec les patients ? »

Et là, on a deux choix : ou bien le traitement demandé par le patient est franchement dangereux et on est en droit de dire, calmement : « Je ne peux pas, raisonnablement, vous le prescrire car il est dangereux. Je sais que pour cette raison, vous irez sans doute voir quelqu’un d’autre. C’est votre liberté, comme c’est la mienne de ne pas me plier à votre demande. » Ce n’est pas une maltraitance, mais le simple bon sens.

Ou bien le médicament est juste un placebo et on est en droit de dire (tout aussi calmement) : « Je vous prescris le médicament à votre demande, mais à mon humble avis, il ne s’agit que d’un placebo. Et comme je sais qu’il ne vous fait courir aucun risque, je vous le prescris, parce que l’effet placebo, ça n’est pas « rien ». Il n’en irait pas de même pour tous les médicaments, ne prenez donc pas mon acceptation pour une soumission. »

Bon, c’est le sens général. Tu as compris que ça, c’est ma formulation « littéraire ». C’est pas des phrases à reproduire exactement. Chacun le dira à sa manière. Et d’ailleurs, moi-même, en situation, je ne dirais pas ça comme ça. Okay ? [2]

Dans les deux cas que je te décris (prescription ou refus), on peut agir avec franchise, et donc avec respect, non seulement à leur égard, mais aussi à son égard à soi. Il n’y a pas de perdant. Seulement un désaccord. Et on a le droit de ne pas être d’accord, et d’en rester là.

Quelques choses de plus qu’on apprend au « Balint »

Quand on apprend, au bout de quelques années de Balint, à se comporter ainsi - avec franchise, avec respect, et surtout en sachant pertinemment qu’on peut toujours améliorer ses relations avec les patients en cessant d’être dans le rapport de force (les patients qui veulent absolument avoir des relations conflictuelles finissent par aller se friter avec un autre médecin...), on est beaucoup moins agacé par les patient(e)s qui semblent vouloir nous faire faire quelque chose contre notre gré. On se surprend même à le leur dire : « Ce que vous voulez, je ne peux pas vous le donner. Mais je peux peut-être faire autre chose pour vous... » Et on est étonné par son propre calme.

Et on est encore plus étonné de les voir se calmer, eux aussi. Ou revenir un autre jour en disant « J’ai réfléchi. Vous aviez raison. Mais j’avais peur, j’étais angoissé, etc. Que pouvez-vous faire pour moi ? »

Ce n’est pas idyllique, ça, Borée, c’est vrai. Et ça m’est arrivé aussi bien pendant mes consultations de généraliste harassé que pendant mes consultations de médecin hospitalier « cool ». Et ça t’arrivera à toi aussi. Comme à tous ceux qui n’ont pas envie, au fond, d’un rapport de force.

Une autre chose qu’on apprend, au Balint : c’est qu’au début d’une installation, on attire tous les patients qui ont une personnalité pathologique : les manipulateurs, en particulier. Ils appuient exactement là où ça fait mal « Si vous refusez ce que je vous demande, c’est parce que vous n’êtes pas un bon médecin. » Et on a envie de les tuer. Logique. Ce sont des manipulateurs. Et ils nous font mal parce que nous avons des scrupules. On ne peut pas manipuler un médecin qui n’en a pas. Et tous les patients sont plus ou moins manipulateurs. Ils le sont d’autant plus volontiers que le médecin a envie d’être rassuré sur sa propre toute-puissance. Et puis, on apprend à reconnaître la manipulation qu’on suscite. Et à ne plus être manipulé.

On apprend aussi qu’on est soi-même terriblement manipulateur ! Et que les patients à qui on est le plus attaché et qui nous sont le plus attachés sont ceux à qui l’on risque de faire le plus de mal : ils nous font confiance ; ils nous croient sans réserve ; ils sont prêts à suivre toutes nos recommandations. Et c’est pour ceux-là (et non pour les emmerdeurs,manipulateurs, tordus qu’on voudrait foutre dehors à peine entrés) qu’on est le plus dangereux. Car l’enfer est pavé des bonnes intentions des meilleurs médecins.

Comme je te l’ai dit, j’ai 56 ans, je suis passé par tout ce que tu traverses (avec beaucoup d’autres jeunes médecins, comme Jaddo, par exemple). C’est pénible, mais on finit par le surmonter. Je ne crois pas qu’il soit indispensable de passer par là, mais je pense que c’est inévitable, tant qu’on n’a pas pris conscience de ce que Balint appelle la « fonction apostolique » qu’on trimbale quand on devient médecin : le désir de sauver tout le monde, et la conviction qu’on ne peut le faire qu’en obligeant ses patients à adhérer à cette mission.

Les parents qui ne veulent pas vacciner leurs enfants.

Une fois qu’on a identifié la fonction apostolique et qu’on l’a déposée hors de soi, on peut se dire :

« Je ne suis pas là pour faire changer les gens ou pour leur dire comment mener leur vie. Je ne vais pas les empêcher de se détruire s’ils veulent se détruire. Je ne vais pas les « sauver », car je ne suis pas un sauveur. Je peux seulement (et c’est déjà beaucoup) accompagner ceux qui veulent, leur donner le plus d’informations possible, les soutenir, et respecter leurs choix - même si ce ne sont pas les miens. Et si elle veut son foutu sirop contre la toux, qu’est-ce que ça peut foutre ? Les neuf patients précédents ont compris qu’ils n’en ont pas besoin. Qui suis-je pour croire que je vais convaincre aussi les gens les plus obtus ? »

Des patients qui ne voulaient pas vacciner leurs enfants, j’en ai eu ma part. Et j’ai été terrorisé moi aussi à l’idée de voir ces gamins mourir « par ma faute », et j’ai été autoritaire et supérieur avec les parents. Je ne les ai plus revus. Quand j’ai cessé d’être terrorisé et terroriste, j’ai constaté que les parents que je n’avais pas agressés ou culpabilisés revenaient me montrer leurs enfants pour des maladies autrement plus fréquentes qu’un tétanos (rarissime dans les pays développés et pas « seulement » à cause de la vaccination, comme les labos voudraient nous le faire croire).

En ne jouant pas au « J’ai raison, t’as tort », et en respectant les choix de ces patients, je me suis rendu compte que je pouvais faire beaucoup plus pour eux, dans des domaines autrement plus quotidiens et réels. Et parfois, ils avaient réfléchi, ils avaient entendu parler d’un gamin qui avait chopé la coqueluche ou la rougeole et qui avait morflé, et ils préféraient reconsidérer leur non-désir de vacciner. Comme je ne les accueillais pas avec un sourire narquois, ils ne se sentaient pas humiliés d’avoir changé d’avis. Tant mieux. Je ne veux pas soigner de force, je ne veux pas soigner en humiliant non plus.

Ca ne veut pas dire que je ne vaccine plus les enfants ou que je déconseille le vaccin. Je suis vacciné, je vaccine mes enfants. Mais je ne fantasme plus, quand un parent refuse le vaccin (ou quand ils ont un an de retard dans leur rappel), que l’enfant va mourir dans la semaine. Je sais que cette peur est l’équivalent (à l’envers) du fantasme de toute-puissance qui consiste à penser que je vais « sauver » des gens.

Le fantasme de toute-puissance est partout, tout le temps dans nos têtes de médecins.

C’est lui qui souffle aux moins avisés d’entre nous qu’un DIU chez une femme nullipare va la rendre stérile - pour prendre un exemple que tu connais bien. C’est un fantasme, et il pourrit la vie de milliers de femmes, crois-en mon expérience de type qui était au bout de la sonde quand ces femmes venaient se faire avorter après qu’on leur eut refusé cent fois un DIU et imposé cent fois une pilule qui les faisait dégueuler. Qui est-ce qui maltraitait l’autre ? La femme qui avait insisté, ou le médecin qui leur avait refusé un DIU en toute certitude qu’il faisait ça « pour son bien » ?

Les médecins qui n’ont pas abdiqué leur « fonction apostolique » sont manipulables et maltraités... mais ce ne sont pas les patients qui les maltraitent. Ils se maltraitent très bien tout seuls. Et en plus, ils maltraitent parfois les patients.

Donneur de leçon ou partageur d’expérience ?

Tu vas me dire que je donne des leçons ? De mon point de vue, je me contente de livrer ce que j’ai appris. Comme quand j’écris un bouquin sur la contraception qui défrise certains gynécos, mais qui ravit les femmes et les généralistes et d’autres gynécos. Le bouquin, le blog, personne n’est obligé de les lire. Et je ne passe pas suffisamment souvent à la télé pour vous bassiner les oreilles. Michel Cymès suffit...

J’ai mis longtemps à comprendre cette histoire de bras-de-fer, certains font toute leur carrière sans l’avoir compris, et ils continuent à en souffrir et à faire souffrir. Or, on peut raccourcir ce délai en lisant Balint et en fondant un groupe. (La société médicale Balinta un site). On peut aussi le faire sans groupe Balint, en lisant, en discutant, en débattant - comme nous le faisons aujourd’hui. On ne peut pas le faire en restant enfermé dans ses œillères comme le font trop de médecins.

Dans une relation de soins, qui a besoin d’être défendu et protégé ?

Toute relation de soins commence de manière déséquilibrée. Un médecin n’a pas besoin d’un patient pour être médecin. Il est médecin. Il bénéficie de son statut à tout moment, y compris en dehors de son exercice. Il sera encore médecin si le patient meurt, ou va voir quelqu’un d’autre. Il n’est JAMAIS vraiment menacé par un patient. Sauf dans son ego. Ou bien, s’il a commis un acte criminel, mais alors, ce n’est pas le patient qui le menace, c’est la justice, et c’est bien normal.

Un patient, en revanche, a besoin d’un médecin pour aller mieux. C’est une différence de taille. Il est menacé par une maladie, une angoisse, une situation qu’il subit. Il va voir le médecin pour lui demander son aide, son soutien, et bien sûr il attend (plus ou moins consciemment) du médecin qu’il soit tout-puissant. Pendant cinq minutes. Au bout de cinq minutes, l’immense majorité des patients se rappellent que le médecin n’est pas tout puissant : il est mal rasé, il n’arrête pas de consulter son iPhone à tout bout de champ, il mentionne que sa bagnole est chez le garagiste. Etc. Croire que les patients sont toujours dans l’illusion de toute-puissance à l’égard du médecin, c’est une erreur. Ou c’est confortable.

Et c’est là qu’on en revient aux médecins maltraitants.

Les médecins maltraitants-en-permanence (car j’ai bien dit, à plusieurs reprises, que c’est de ceux-là que je me préoccupe, et non des médecins qui font des bourdes mais sont capables de s’en rendre compte et de faire amende honorable...) sont en position de toute-puissance. Ils n’ont pas de respect pour les gens dont ils s’occupent. Ils n’ont pas de scrupules, soit parce que leur intérêt est seulement de jouir de leur position de pouvoir, soit parce que leur personnalité est incompatible avec la moindre remise en cause.

Et, malheureusement, la formation médicale en France FAVORISE la sélection d’une forte proportion de médecins maltraitants. De trois manières : en éliminant les soignants (ou en les éjectant dans les marges) par le concours d’entrée et l’ENC ; en favorisant l’ascension des personnalités pathologiques qui valorisent essentiellement le pouvoir et en faisant de nombreux bons médecins en puissance des professionnels phobiques, qui ont peur de leur ombre, qui se rassurent en recevant les visiteurs médicaux et en se référant aux mandarins sans jamais les critiquer. Et qui se la bouclent quand leurs patients sont maltraités par l’un de leurs confrères.

Je ne sais évidemment pas quelle est la proportion de médecins maltraitants parmi l’ensemble de la profession. Je sais seulement que depuis 1998 (ça fait 13 ans, quand même...) le nombre de messages que j’ai reçu et qui décrivent des comportements de maltraitance se comptent par centaines. Ils viennent de toute la France. Ça me semble suffisant pour dire qu’il y a un problème. Et que ce problème n’est pas « seulement » dans la tête des patient(e)s.

Aujourd’hui comme il y a trente ans je pense que les devoirs d’un médecin ne se résument pas à ses obligations professionnelles. Je pense qu’être médecin, comme dirait Spider-Man, « ça comporte de grandes responsabilités ». Les « pouvoirs » du médecin ne sont pas ceux d’un super-héros, mais comparé à ses patients, son pouvoir et son savoir sont formidables. Et il doit les mettre au service des patients, et non pas les utiliser dans son seul intérêt.
En ce sens, il est insupportable que des patients soient maltraités par des médecins (pour les modalités de maltraitance, je te renvoie au feuilleton...), tout comme il est insupportable que des femmes soient violées par des hommes, des enfants battus par leurs parents, des prisonniers torturés dans les prisons, des sans-papiers ou des SDF frappés par les policiers, des citoyens condamnés après un procès sommaire.

Est-ce que dénoncer tout ça est une injure à l’ensemble des parents, des conjoints, des gardiens de prison, des policiers, des juges ?
NON, C’EST EXPRIMER L’EXIGENCE ELEMENTAIRE QUE LES PERSONNES QUI SONT EN SITUATION D’AUTORITE N’EN ABUSENT PAS !

Pourquoi dénoncer les comportements inacceptables ?

Parce qu’on ne peut pas se draper dans sa dignité dès qu’un patient dit : « Il y a des salopards dans vos rangs ». Si j’étais prêtre, je dénoncerais les prêtres pédophiles. Si j’étais militaire, je dénoncerais les saligauds qui « cassent du pédé » dans l’armée. Si j’étais flic, je dénoncerais les salopards qui bastonnent et arrêtent pour délit de sale gueule. Si j’étais prof, je dénoncerais les ordures qui maltraitent les enfants (d’ailleurs, je l’ai fait, dans l’école de mon quartier, et j’étais pas prof, j’étais seulement parent, et crois-moi, ça n’a pas été de la tarte.) Dénoncer les médecins c’est pareil. Et tu ne peux pas me dire que j’ai tort.

Ecrire ce feuilleton sur les médecins maltraitants, c’est à mon sens remplir mes obligations morales de professionnel de santé :

 décrire et dénoncer les comportements médicaux inacceptables, c’est aussi important que de décrire les effets secondaires et les dangers d’un traitement inapproprié (l’homéopathie pour le cancer ou l’acupuncture pour la sclérose en plaques ou les statines aux bien portants ou les neuroleptiques à tous les gamins un peu énervés)

 soutenir moralement les patients qui sont victimes des médecins maltraitants en leur disant « c’est pas dans votre tête » c’est aussi important que de les soutenir face à un patron qui les harcèle, un conjoint abusif, une famille sadique

  leur suggérer de ne pas se laisser faire, de ne pas subir, et d’employer des moyens de manière proportionnée et digne de se défendre c’est aussi important que de leur dire « Vous êtes en droit de demander une réparation pour le préjudice subi à cause d’un effet secondaire grave d’un médicament ou d’un accident de voiture » (Et tu remarqueras que suggérer d’écrire une lettre, c’est quand même beaucoup plus nuancé que de dire tout de suite « Allez voir un avocat », ce que beaucoup de patients, de toute manière, ont trop peur ou pas assez d’argent pour faire !!!!)

Dénoncer les salauds, est-ce que ça veut dire que je méprise tous les médecins ? Et est-ce que ça incite les lecteurs/patients à honnir tous les médecins ?

Si je m’exprime ouvertement, en public, sur mon site, c’est précisément parce que je ne méprise personne. Au contraire : je fais confiance aux patients de bonne volonté pour faire la différence entre les médecins volontairement maltraitants et ceux qui ne le sont pas. Ils la font, je le sais : quand ils ont acheté par milliers La maladie de Sachs, ou Le Chœur des femmes, à qui crois-tu qu’ils sont allés l’offrir, par reconnaissance ? Aux médecins maltraitants ? Non ! Aux médecins (généralistes et gynécologues) qui les soignent !!!! (Ce sont les messages qui me le disent, pas les statistiques de ventes.)

En ce sens, redouter que mes dénonciations ne soient prises « de travers » par les patients, c’est encore un fantasme de toute-puissance, que cette fois-ci tu m’accordes. Je me souviens du message intranet que Pfizer avait fait circuler après mes charges anti-cholestérol sur France Inter. « L’ennemi, c’est Winckler. » Comme si à moi tout seul je pouvais faire tomber une multinationale. Tu crois vraiment qu’à moi tout seul je vais faire changer l’attitude de millions de patients en France, pour les transformer en chasseurs de généralistes ?

Crois-moi, je n’ai pas de fantasme de puissance en tant qu’écrivain, je ne crois pas que ce que j’écris va changer le monde (ou l’administration, ou Pfizer...) : je sais que ça n’est pas vrai. Mon espoir, je l’ai dit plus haut, c’est que ce que je fais change parfois quelque chose un peu au moins pour une personne. C’est ça qui me fait avancer, pas la mégalomanie ou le mépris souverain de tout ce qui n’est pas moi. Et pas non plus l’illusion que les lecteurs sont béats et passifs devant ce que j’écris.

A ton avis, qui sont les patients qui lisent les articles de mon site ? Les mal-lunés, ou ceux qui, tout simplement, veulent en savoir plus ? Tu ne crois pas que s’ils viennent lire ce qui s’y écrit c’est parce que, comme toi, ils se sont retrouvés dans mes livres ? Tu crois vraiment qu’ils sont incapables de faire la différence entre un soignant et une ordure ?

Penser (et écrire) ça, c’est un manque de confiance envers les patients qui réfléchissent, et c’est oublier que ceux qui ne réfléchissent pas n’ont pas besoin d’arguments (vrais ou faux) pour être de mauvaise foi.

Tu vois, l’argument « Winckler, t’es démagogique et simpliste et tu risques de faire plus de mal que de bien » (je sais que ce n’est pas ce que tu dis, mais je sais que beaucoup le pensent et le disent), je l’ai entendu à chacun de mes livres, à commencer par La Vacation. Après l’avoir lu, plusieurs de mes petits camarades de Prescrire (qui avaient tous fait des IVG clandestines) m’ont dit : « T’es fou de dire qu’une IVG ça fait mal ! Tu vas voir comment l’extrême-droite va s’emparer de ça !!! » Vingt ans plus tard, l’extrême droite n’a pas récupéré La Vacation mais en décrivant à quel point acculer les femmes à avorter est une ignominie, je suis arrivé à faire dire à des évêques, à la télé, que la meilleure prévention de l’IVG c’est la contraception, et non l’abstinence ou le silence. Alors, tu vois, je ne regrette pas d’avoir été « démagogique ».

Aujourd’hui, je maintiens mes paroles parce que d’une part, c’est la vérité, il y a des médecins maltraitants (toi même le reconnais) et d’autre part, précisément, parce mes opinions ne sont ni paroles d’évangile ni textes de loi. Ceux et celles qui les lisent n’en font que ce qu’ils ou elles veulent, en toute autonomie. Si des patients mal intentionnés s’en emparent pour écrire à des médecins qui ont fait une erreur, c’est évidemment malheureux, mais encore une fois, je ne vois pas d’alternative entre me taire et dire ce que je pense. Si un seul patient maltraité y trouve une raison de se révolter et de ne pas se laisser faire, alors ça justifie que je les aie écrits. Dans une situation de violence il n’y a que deux possibilités : dénoncer ou se taire. Et se taire ou « minimiser » ou pire encore, ménager sa propre image en ne voulant pas souligner l’ignominie des autres, c’est être complice.

En écrivant ouvertement, je fais confiance aussi aux soignants, comme toi, pour entendre ce que je dis et le nuancer. Pour s’interroger sur ce qu’ils font, et pourraient mieux faire sans pour autant assumer une culpabilité qui n’est pas la leur, ni se taire de manière complice sur une réalité qu’ils connaissent. Et pour en parler. Avec les patients. Parce que ce sont tout de même eux les premiers concernés, non ?

Ne pas se tromper d’ennemi.

Cela dit, je pense comme toi que les médecins (et tout particulièrement les généralistes) sont menacés. Par les conditions dans lesquelles on les fait bosser.

Ce dont les soignants ont besoin qu’on les protège, et contre quoi on doit les défendre, ce sont les institutions qui les oppriment : l’université méprisante, l’administration stupide, les gouvernements aveugles, les politiciens véreux.

La médecine générale est la victime du système et je suis l’un de ses plus farouches défenseurs depuis que j’ai lu Carpentier et Balint et depuis ma collaboration à Prescrire en 1983 (soit dit en passant, La maladie de Sachs, ça en a incité plus d’un à devenir généraliste, malgré les patients parfois difficiles que Bruno croise...). Mais les menaces qui pèsent sur elle n’ont rien à voir avec les violences que l’on fait subir aux patients. Ce qui t’opprime ne se compare nullement à ce qui les opprime. En France, aucun médecin ne peut prétendre être opprimé autant qu’une femme qu’on humilie pendant ses accouchements ou un patient à qui on impose sans raison une nième chimiothérapie.Ça n’est pas du même ordre. Et ça n’est pas moralement acceptable de comparer la souffrance des professionnels à celle des patients ! L’une et l’autre sont respectables, mais il ne faut pas mélanger les combats.

Oublier, ignorer ça (ou le taire) ça me paraît contraire à l’éthique d’un soignant.

Je suis triste de t’avoir froissé (ou d’avoir froissé d’autres médecins) en écrivant mes livres ou ces articles, mais je pense que nos égos respectifs comptent moins que les maltraitances que je dénonce. Le « mal » qu’on fait en ouvrant sa gueule n’égalera jamais le mal qui est fait pendant qu’on se tait.

Alors, je ne regrette pas une seconde d’avoir écrit ce feuilleton. Et si ça me fait apparaître moins "admirable" (mais je ne demande à personne de m’admirer), c’est tant mieux : mieux vaut ne faire de personne un gourou ou un exemple ; mieux vaut trouver sa propre voie. Suis la tienne, mais ne me demande pas de suivre la voie que tu imagines pour moi.

J’emmerde certaines personnes ? Ok. J’assume. Je sais que toi et nos confrères bienfaisants (les malfaisants ne me lisent probablement pas, mais tant mieux : c’est pour leurs patients que j’écris...) vous allez vous en remettre. Parce que vous êtes de taille à vous défendre.

D’ailleurs, qu’as-tu fait quand tu as lu mes textes ? Tu as écrit ce que tu ressentais. Tu m’as écrit. Et je te réponds. Et on peut en parler. En continuant à se respecter mutuellement. Même si nos positions ne sont pas superposables. Tu ne crois pas que ça peut se faire aussi entre patients et soignants, ça ?

La liberté d’échanger sans rapport de force

Cette liberté de dire, d’échanger, dans le respect mutuel, en rejetant les bras de fer et les « J’ai raison, t’as tort », c’est exactement cela qui est en jeu dans la relation de soins. Mais aussi entre soignants !!!

Alors, la patiente à qui tu as refusé de prescrire son sirop, attends un peu de voir ce qu’elle fait.

Si elle revient te voir, c’est que sa confiance en toi vaut mieux que ce qu’en disent ses paroles. Et reçois-la en te disant : « Elle vient parce qu’elle CHOISIT de venir me voir, et non parce qu’elle a envie de me martyriser. » Parce que c’est vrai : les patients viennent nous voir parce qu’ils choisissent de venir nous voir. (Ne me dis pas « Ils n’ont pas le choix », alors que tout le monde se plaint que tant de patients font du « tourisme médical ». Ca ne peut pas être l’un et l’autre.)

Et si ta patiente ne revient pas, c’est que de toute manière, la relation entre vous n’était pas de celles qui pouvaient durer. Pour ce que tu en sais (et crois-moi, c’est possible) elle a peut être utilisé le sirop, en sachant que tu allais refuser de le prescrire, comme prétexte à ne plus aller te voir. Eh oui, parfois, les patients ont si mauvaise conscience à quitter un bon médecin qu’il leur faut une raison. Et si je te le dis... C’est parce que j’ai entendu plus d’une fois des patients me le dire...

Est-ce un mal, alors, qu’elle ne revienne pas ? Est-ce que tu n’as pas d’autres patients à soigner, et d’autres relations, plus positives, à favoriser ? Ne t’accroche pas à elle ou à ses reproches. En ne revenant pas, elle ne te signifie pas les limites de ta « puissance », elle ne te met pas en échec : elle te signifie les contours de vos exigences et de vos attentes respectives, et de leur incompatibilité. Et en ne s’accrochant pas à toi, elle te libère. A toi, ensuite, de réfléchir à ce que signifie cette liberté. Pour toi, et pour tous les patients qui se confient à toi.

Et si d’aventure elle t’écrit, prends sa lettre comme un signe de respect et de désir de communiquer, tout comme j’ai pris la tienne, et tout comme tu prends mes livres ou cette lettre-ci. Et crois bien que si tu lui réponds, elle y verra un signe de ton respect à son égard. Ça pourrait même être le début d’une belle amitié, comme dit Bogart à la fin de Casablanca.

Allez, la lutte continue. Ensemble. Je t’embrasse comme j’ai embrassé mon frère après lui avoir fait la gueule pendant dix ans.

Marc


[1Note : A ceux qui regrettent l’absence de forum sur ce site, je rappelle : que toute personne a la possibilité de m’écrire directement : mon adresse courriel est mentionnée sur le site et à la fin de mes livres depuis dix ans ; que depuis 2002, date de mon passage à France Inter, je réponds à 95% des messages qui m’interpellent, et aussi à ceux qui me disent simplement des gentillesses ; qu’il m’est arrivé plus d’une fois de publier sur ce site des courriels désagréables et d’y répondre en ligne. (Pourquoi je réponds à « 95% » seulement ? Parce que je ne suis pas un robot...)Et, ah, oui, j’oubliais, à présent j’ai une page Facebook : "Martin Winckler-Auteur" et là on peut discuter...

[2(Là, je me moque de ceux qui me soupçonnent toujours d’écrire, tel un gourou, des paroles à graver dans des tables de pierre... Je les rassure tout de suite : mes innombrables lectrices ne couchent pas avec moi, les trois quarts de l’argent que mes livres rapportent vont à mon éditeur ou au fisc et je n’ai pas encore réussi à devenir ministre de la Santé - ou même conseiller d’un ministre... Alors, comme gourou, je suis pas très performant...)

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